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Avec La Nuit ravagée, Jean-Baptiste Del Amo, qui figure parmi mes écrivains contemporains adulés, s’essaye avec brio au genre de l’épouvante et, plus que le maîtriser, il l’élève au rang de la haute littérature.
Ça se passe dans une petite ville de la lointaine banlieue rurale de Toulouse au début des années 1990. Entre clopes et mobylettes, une bande d’ados joue à se faire peur devant les films d’horreur de l’époque, qui sont depuis devenus culte. Puis, au fond de l’impasse du clos qu’ils habitent se trouve une maison abandonnée qui depuis toujours exerce une attraction étrange sur eux. Dès l’instant où ils en franchissent le seuil, leur vie bascule dans une autre dimension : celle où toutes leurs obsessions sont galvanisées au plus haut, et jusqu’à l’irrémédiable.
L’auteur jongle parfaitement avec les codes, les dispositifs littéraires et les multiples références propres au genre horrifique et franchement, le lecteur en vacille ! Mais aussi et surtout, bien au-delà des sueurs froides qu’il procure, le roman décrypte avec une impeccable finesse psychologique les ressorts de l’adolescence, ses contradictions, ses désirs exaltés et déçus, ses incertitudes, ses craintes, ses solitudes. Il dépeint aussi, et non sans une certaine mélancolie, cette génération 90 désenchantée à laquelle l’auteur appartient.
Voici une lecture intense que je ne risque pas d’oublier de sitôt. Et vous, oserez-vous pénétrer dans La Nuit ravagée et affronter ses ténèbres jusqu’à la dernière ligne ?
Disponible en format numérique ici.
La montagne, ça déborde. Il suffit d’emblée de voir les crédits d’édition écrits au pinceau par Valfret, ils ne tiennent pas en place, écument à la marge.
La montagne est un refuge ouvert sur l’extérieur, immense et terrifiant mais également apaisant, rassurant.
La montagne contient la sagesse et la révolte, nous élève physiquement, nous fait grandir mais nous fait aussi nous sentir tout petits. Un obstacle à surmonter et un lieu de réflexion.
Cette bande-dessinée est brute et douce à la fois et la montagne y est plus qu’un décor, c’est aussi une métaphore.
Trêve d’oxymores, il fallait bien un aussi beau et grand format pour la présenter cette montagne, et ses vaches, ses nuages, sa terre, les habitants minus et médiocres qui l’entourent, des silhouettes, à travers l’impressionnisme, l’abstraction parfois, des peintures de Valfret.
Par la voix d’un jeune garçon qui allie poésie, humour potache, lucide, grinçant, et phrases coup de poing, on y suit, dans un plan élargi, un village qui a déjà basculé dans la fin du monde, d’un monde, et dans un plan resserré, une histoire d’amour, un moment de vie de cet ado. Par le paysage, on explore les méandres des pensées de ce dernier, ses aspirations, ses tourments, sa libre oisiveté.
C'est rudement beau, magnifique même, c’est l'adolescence, ses corps maladroits en fusion et pleine confusion, ses espoirs aussi et ses désillusions, ça parle en sus de notre monde qui ne va pas très bien, comme on le sait, du monde paysan qui disparaît depuis tant d’années, sans qu’on se bouge vraiment, de la révolte qui gronde, prête à réellement sourdir. Qu’attend-elle donc !?
La nature et les hommes sont fragiles, la relation entre les deux trop peu réfléchie, cela donne un équilibre précaire parfaitement mis en lumière par les peintures de Valfret et le texte de Valfret accompagné par Comme le vent.
En bout de chemin, une conclusion implacable, à la Barry Lyndon, comme posée sur les cendres d’un champ de bataille : "Et les choses dressées, humaines et non humaines, n'auront pas d'autre choix que de s'enfoncer avec humilité dans le sol" suivi de “l’espoir était un poing serré dans une poche de pantalon” en quatrième de couverture.
Un parcours quatre nages dans le bassin underground lorrain… c’est pour le moins inattendu ? Oui, mais on vous le promet plein de vivacité et d’énergie !
La narratrice de Lorraine brûle vit à Metz. Maman solo, elle jongle tant bien que mal avec son travail à une heure de train de chez elle, et l’éducation de son fils préado qu’elle a prénommé Tarzan. Elle enchaîne les visites à sa chère grand-mère centenaire qui occupe depuis toujours un coron d’une cité ouvrière, et les soirées punks improvisées dans des lieux alternatifs. Les gens qui l’entourent sont nombreux et bigarrés : anarchistes, queers, artistes, parfois précaires, parfois junkies ou aux pratiques sexuelles atypiques – ce sont des êtres qu’on ne regarde pas d’ordinaire, mais qui se débrouillent, en somme. On les côtoie avec elle, et on s’y attache, inspiré par leur avidité de liberté. Puis, la Lorraine, cette région désindustrialisée durablement pauvre – un décor qui n’est pas sans nous rappeler une certaine Wallonie – prend littéralement corps et « brûle de vie » sous la plume de Jeanne Rivière, ça sonne bien. Ce récit, en forme de patchwork versicolore, c’est un peu « Martine dans la vraie vie d’aujourd’hui » qui pousserait un cri de colère sociale, rigolerait aux éclats avec ses amies, aimerait passionnément son gamin, pleurerait toutes les larmes de son corps, s’arrangerait pour finir le mois, entretiendrait les liens tout en ne s’enfermant jamais dans rien. Une anti-héroïne contemporaine qui chercherait sans cesse des manières d’être au monde, éloignées des normes mais en phase avec sa réalité bancale.
Le premier roman de Jeanne Rivière est singulier, brut et punk. Son style est parfois drôle, toujours à fleur de peau. Dans tous les cas, on plonge dans ses eaux chaudes-froides pour en sortir revigoré !
Gallimard, collection Sygne, 19 euros.
Disponible en format numérique ici.
Notez déjà le prochain rendez-vous des Ateliers L'as-Tu Lu: le samedi 17 mai à 11 heures, au Quai22, nous aurons le plaisir d'accueillir Olivier Tallec à l'occasion de la parution de son nouvel album, Serpent bleu, serpent rouge (Pastel / L'École des Loisirs).
Qui vit entre dunes et collines, est de couleur rouge et manie à la perfection la contradiction? Mais c'est Serpent Rouge, bien sûr!
Et qui porte un sombrero, est tout bleu et adore par-dessus tout avoir le dernier mot? Vous avez deviné, je vous présente Serpent Bleu.
Lire la suite : Les Ateliers L'as-tu lu invitent Olivier Tallec
Il y a des jours où la vie n'est pas rose, des jours où l'on se sent seul et un peu triste. Ce sont des jours soucieux. Heureusement, lorsque Petit Bonhomme a un souci, il a des amis avec qui le partager. Quand on a des amis, les soucis ne s'attardent pas et la vie recommence à sourire.
Mais il arrive aussi que les amis ne soient pas là. Ce matin-là, quand Petit Bonhomme découvre son tout petit souci, il veut le partager à Noizeau, mais Noizeau est en voyage. Quant à Fourmi, elle est bien trop occupée, et Nescargot fait son marché. Alors le petit souci de Petit Bonhomme gonfle et gonfle encore. Il prend tellement de place que PLOP! il avale Petit Bonhomme tout entier.
Cette fois c'est sûr: il n'y aura personne pour consoler le chagrin de notre Petit Bonhomme. Enfermé dans son souci, il est devenu invisible aux yeux des autres.
Tellement invisible que ses amis s'inquiètent: Noiseau, Fourmi et Nescargot aimeraient revoir leur Petit Bonhomme. Les voici lancés à sa recherche.
La suite? Vous la devinez: des retrouvailles, des embrassades, de grands éclats de rire, un bon goûter et... tiens, mais ce fameux souci, où est-il passé?
Avec tendresse et finesse, le trait d'Ilheim Abdel-Jelil illumine les mots d'Alain Serge Dzotap pour raconter les émotions des tout-petits. Un album d'une grande douceur, pour accompagner les chagrins, les angoisses et les cœurs gros des enfants de 2 à 5 ans.
Pastel / L'École des Loisirs, 13 €