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pli 25 affichePour bien démarrer l'année, le Syndicat des Libraires Francophones de Belgique propose la première édition du Prix des Librairies Indépendantes.

Douze libraires membres du Syndicat se sont réunis pour présélectionner cinq romans, et dès aujourd'hui nous soumettons ceux-ci à vos suffrages! Car ce Prix des Librairires, nous l'avons voulu participatif. C'est à vous qui fréquentez nos librairies que revient d'élire notre premier lauréat.

Alors? Quel titre choisirez-vous?

chanson de louestL'avis de Maryse: 
 
En route pour le Far West !
 
Une sympathique famille débarque dans une bourgade de pionniers afin de découvrir, guidés par leur ami Griffe d’Ours, l’Ouest et son or ! Nous voilà plongés dans une aventure pleine de fantaisie, de découvertes et de rencontres hilarantes, une visite épatante et rythmée d’une contrée qui, s’il faut le rappeler, était habitée par des peuples présents bien avant l’arrivée des pionniers.
 
Lionel Tarchala nous offre un album joyeux et chantant, où plusieurs petites histoires se déploient en parallèle au fil des pages.
 
À partir de 5 ans.
 
Sarbacane, 16,50 euros.

chant du prophete lynchL'avis d'Anouk:

C’est le roman de nos temps inquiets. Il capte avec force l’angoisse qui nous étreint face à la montée des populismes, à la violence qui l’accompagne, au triomphe des "vérités alternatives". Paul Lynch avec Le chant du prophète propose une dystopie tellement proche des réalités de notre époque qu’il suscite un malaise persistant.

Alors que le pouvoir est passé aux mains d’un parti ouvertement fasciste, l’Irlande voit ses libertés s’éroder. Très vite, une police politique se met en place, traquant les moindres dissidences. Hébétés, la plupart des Irlandais font le gros dos et pensent que les choses finiront par s’arranger. Ils se trompent.

La force du Chant du Prophète tient à son focus très resserré. Nous suivons une famille résolument banale, les Stack. Larry, le père, est enseignant et syndicaliste. Son épouse Eilish est chercheuse dans un institut scientifique de pointe. Le couple a quatre enfants – les aînés entrent dans l’adolescence, le petit dernier vient de naître. Rien ne prédispose ces gens au tourbillon qui va s’abattre sur eux.

Le livre s’ouvre sur la visite de deux hommes, un soir, au domicile des Stack. Ils cherchent Larry qui n’est pas encore rentré. La tension de cette scène augurale plonge d’emblée dans l’effroi. Eilish s’inquiète de la pression mise par le gouvernement sur les syndicats alors que se prépare une grande manifestation enseignante. Larry balaie ses craintes, les jugeant excessives. Mais Larry ne reviendra pas de cette fameuse manifestation.

Commence alors pour Eilish et ses enfants une plongée dans l’horreur. L’arbitraire du pouvoir, ses mensonges éhontés, l’absence totale d’information sur le sort de Larry plongent les siens dans une panique de plus en plus irrépressible. La sœur d’Eilish, qui vit au Canada, les supplie de quitter l’Irlande : « l’histoire, dit elle, c'est le registre silencieux de ceux qui n’ont pas pu partir ». Eilish ne peut s’y résoudre tant qu’elle n’a pas de nouvelles de son compagnon. Mais bientôt il sera trop tard...

Le chant du prophète est un roman qui provoque une sensation oppressante de claustrophobie. Nous sommes enfermés dans la tête d’Eilish, dans le cauchemar que devient sa vie, et avançons comme elle en aveugles. Il lui faut sans cesse s’adapter à une situation de plus en plus hostile, prendre des décisions qui engagent ses enfants et son père vieillissant dont elle se sent responsable. Alors que le pays s’enfonce dans la guerre civile, quelles alternatives s’offrent à elle ? Et comment continuer à avancer quand tout ce qu’elle tenait pour sûr – l’amour, la famille, la démocratie – se désagrège devant elle, tel un château de sable balayé par la montée de l’eau ? Eilish, dans ses questionnements, dans les mensonges qu’elle invente pour protéger ses enfants, dans ses hallucinations nées de trop d’insomnies, de trop de privations, est une héroïne bouleversante.

Et si la descente aux enfers à laquelle mène Le chant du Prophète est par moments insoutenable, elle nous invite aussi à ne pas détourner le regard – afin que nous n’ayons pas à nous dire, un jour, qu’il est trop tard.

 

Éditions Albin Michel, traduit de l'anglais (Irlande) par Marina Boraso, 22.90 eurosbtn commande

magazine initiales 20 zoe miniAvec retard mais résolument, voici le nouveau magazine Initiales, vingtième du nom!

Et le sommaire est riche, jugez plutôt. Le magazine s'ouvre sur un dossier consacré à la maison d'édition suisse Zoé, qui fête cette année 50 ans d'édition littéraire engagée, curieuse, attentive. Les amateurs de littérature jeunesse rencontreront Mickaël Brun-Arnaud, dont la série Mémoires de la forêt ravit toute la famille. Cap sur le Finistère avec une carte blanche à nos collègues de la librairie Albertine à Concarneau. Et puis bien sûr, la rubrique Jubilatoire rassemble des dizaines de chroniques écrites par les libraires d'Initiales.

un perdant magnifique seyvosL'avis d'Anouk:

Les romans de Florence Seyvos creusent des sillons singuliers. Ils interrogent l'enfance et glanent des bribes, des éclats, où se concentrent son opacité, sa poésie, sa force de subversion.

Un perdant magnifique poursuit ce chemin. Au centre du récit, deux soeurs adolescentes, Anna la narratrice et Irène son aînée. Leur mère a épousé, pour des raisons que les soeurs ne s'expliquent guère, un homme étrange et insaisissable. Tout à la fois flamboyant et pitoyable, Jacques vit en Afrique. Il y gère de mystérieuses affaires. Les filles et leur mère l'y rejoignent, puis rentrent au Havre quand la vie sur le fil que leur fait mener Jacques devient trop hasardeuse.

La vie s'installe alors entre deux continents, entre des départs et des retours, "dans un temps découpé". Anna observe avec acuité cette vie étrange, le ballet mis en scène par ce beau-père fantasque, tour à tour aimant et tyrannique. Ce sont les années 80, on écoute leur bande-son, on lit L'insoutenable légèreté de l'être et on boit du gin. Jacques impose son rythme: "cette vie était la seule qu'il aimait vraiment, celle où le présent n'avait aucune importance. Seul comptait le futur, l'utopie sans cesse réinventée, sans cesse perfectible". Et pourtant les désillusions s'accumulent, la folie guette et la faillite de Jacques devient inéluctable. Sa santé ne résiste pas à un long emprisonnement pour dettes à Abidjan. Le roman, tout entier suspendu aux humeurs de ce "perdant magnifique", se lit en apnée, comme au bord d'un précipice. Le réel qu'invente Jacques est une fiction, il est poreux et se laisse contaminer par ses mensonges, sa verve, sa fantaisie.

Et pendant ce temps Anna grandit. Elle apprend toutes les pertes auxquelles il faut consentir, fait le deuil de son innocence. Et c'est là sans doute le tour de force de ce livre: capter au plus près, au plus juste, la mue qui s'opère à l'adolescence et le moment où il faut quitter la chrysalide de l'enfance. Anna s'avance alors, fragile et résolue, forte des blessures et des éclats de joie qu'elle a accumulés auprès de ce perdant magnifique et inoubliable.

Éditions de l'Olivier, 19.50 eurosbtn commande