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La couverture Marie DorléansL'avis de Maryse:

C’est l’histoire d’un enfant qu’absolument tout effraie. Un jour, sa terreur est telle qu’il se terre dans une large couverture rouge rangée dans son armoire, avec l’espoir que le monde extérieur disparaisse. Doucement rassuré, bien emmitouflé dans son douillet refuge, il va peu à peu affronter ce qui l’entoure. Jusqu’à ce que la couverture se fasse oublier…
 
Un récit réconfortant, et surtout, des illustrations magnifiques dans leurs couleurs et leurs savoureux détails, par une Marie Dorléans que nous suivons toujours avec tant d’enthousiasme !
 
À partir de 4 ans.
 
Seuil Jeunesse, 14,90 euros.
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archipels gaudyL'avis d'Anouk:

Hélène Gaudy est la romancière des paysages mouvants. Elle en capte comme personne les lumières changeantes, les métamorphoses et le trouble qu’elles éveillent. Chacun de ses livres pourrait porter le titre du dernier, Archipels : un mot qui invite au dialogue, au mouvement, au multiple. S’il s’inscrit en archipel avec ses précédents romans, ce nouveau livre ouvre aussi de nouveaux horizons, fragiles, intimes, passionnants.

"Il y aurait là-bas, à l’autre bout du monde, une île". Archipels naît de ces mots de Georges Perec, et aussi du hasard d’une flânerie sur le net qui fait découvrir à Hélène Gaudy l’existence de l’Isle de Jean-Charles. Petit morceau de terre des confins de la Louisiane, l’île est en train de disparaître, submergée par la montée des eaux. Bientôt il n’en restera rien, et rien non plus de la communauté qui y vivait, derniers Amérindiens francophones dont les légendes, les racines, les gestes seront mêmement engloutis. Le père d’Hélène Gaudy s’appelle Jean-Charles lui aussi. En s’intéressant à l’île, la fille sait qu’elle part en quête de son père, cet homme qui dit ne pas avoir de souvenir d’enfance et dont elle est si proche tout en le connaissant si peu.

Une vie, comme un paysage: mouvante, étonnante, impossible à embrasser d’un seul regard.

Une vie, comme un paysage: on apprend patiemment à en déchiffrer les strates, les lignes de fuite, la mémoire.

Comme pour marquer son accord au projet qu’a sa fille d’approcher son histoire, le père d’Hélène Gaudy lui donne les clés de son atelier. Artiste plasticien, il y a accumulé une vie durant des livres, des objets, des outils, des œuvres d’art... Pour lui, ces trouvailles amassées étaient comme les brouillons d’œuvres à venir. Pour sa fille, l’accumulation serait plutôt une manière de se constituer une mémoire, "celle de tout le monde et de personne, la moins sélective possible, une vie patiemment noyée dans celle de ses semblables [...]. Faire soi ce rapiècement, ces mille fragments des autres, faire peau cette carapace dans laquelle disparaître".

Comme une archéologue, Hélène Gaudy exhume dans l’atelier, dans les carnets et les archives de son père les bribes de ce qu’est une vie, sa vie. Elle les passe au tamis, les ramène à la lumière, les fait dialoguer. Apparaît peu à peu le portrait du petit garçon que fut Jean-Charles, grandi dans une France en guerre. Ses parents résistants lui avaient appris à répondre, si on l’interrogeait sur son lieu de résidence: À Muzainville. Un nom qui ne figure sur aucune carte: "Enfant, mon père habitait un lieu qui n’existe pas". De cette enfance cachée, de l’adolescence vagabonde qui la suit puis des années algériennes de son père, Hélène Gaudy tire un fil après l’autre, effleure les vérités, renonce à tout comprendre: "on n’attrape pas les pères comme des papillons".

Puis il y a la rencontre avec sa mère, un amour au long cours dans la lumière duquel Hélène Gaudy a grandi et qui irrigue son livre. Des lettres qu’ils se sont échangés, elle ne lit que le début, l’étincelle, renonçant "à tenir entre mes mains l’intimité de mes parents". Autant qu’un livre sur la figure de son père, Archipels est un livre sur le couple de ses parents, heureux, attentif, en équilibre. "Les parents sont des mégalithes dans notre champ de vision. On passe sa jeunesse à tenter de voir le paysage qu’ils nous cachent, et puis, un jour, ils sont devenus de toutes petites pierres, des cailloux. Là seulement on peut les prendre dans la main, toucher leur texture et leurs failles. Regretter de ne pas l’avoir fait plus tôt, quand ils étaient immenses, quand tout était encore devant eux".

Avec pudeur et une immense douceur, Hélène Gaudy questionne le passé pour éclairer le présent et renouer les fils de la transmission. Son écriture aérienne et légère nimbe le livre d’un voile de tendresse – mots d’amour et d’affection pour ce père-archipel, devenu insubmersible grâce au livre de sa fille.

 

Éditions de l'Olivier, 21 eurosbtn commande

Disponible en format numérique ici

intermezzo rooneyL'avis d'Anouk:

En quatre romans et à trente-trois ans à peine, Sally Rooney joue assurément dans la cour des grands, des très grands écrivains d’aujourd’hui.  La preuve cet automne avec Intermezzo, un roman où éclate sa virtuosité peu commune et dont les personnages ont une telle densité que l’on a l’impression de partager avec eux un moment de vie. Attraper la vie, c’est bien là le fil qui court depuis Conversations entre amis dans chacun des livres de Sally Rooney: "plus de vie, encore plus et plus de vie".

Saisissant de beauté, Intermezzo est tendre et profond, souvent drôle et tout aussi souvent désespéré. Il vient nous montrer qu’il est décidément réducteur de ne voir en Sally Rooney qu’une autrice pour la "génération Snapchat". Sa délicatesse, sa finesse, son sens de l’observation des plus infimes mouvements de l’âme font de ses livres des classiques intemporels, quelque part entre Stefan Zweig, Virginia Woolf et Jens Christian Grondahl.  On ne s’étonne donc pas que le Guardian ait titré sa chronique d’Intermezzo "Existe-t-il meilleur romancier à l'heure actuelle?"

Intermezzo suit la trajectoire de deux frères, Peter et Ivan, dans les quelques semaines qui suivent le décès de leur père. Période de fragilité, où le deuil décuple la force des émotions et vient réveiller les fantômes du passé. Ivan a 22 ans, un appareil dentaire, peu d’aisance dans la vie sociale: "il a l’impression d’avoir été constitué dans un but autre. Il a des qualités, si on veut, mais aucune qui permette de vivre dans ce monde, le seul dont on puisse dire qu’il existe véritablement". Ivan est aussi, depuis l’enfance, un génie des échecs. Un soir où il se produit en tournoi dans une petite ville de l’Ouest de l’Irlande, il fait la connaissance de Margaret, 36 ans, à peine sortie d’un mariage douloureux qui la nimbe d’un voile de tristesse. Entre eux une étincelle, du désir, de l’amour peut-être.  Mais les sentiments peuvent-ils combler la distance qui existe entre deux vies si éloignées?

Peter, frère aîné d’Ivan, voit d’un mauvais œil cet amour naissant. Il y a toujours eu une forte tension entre les deux frères, et la longue maladie puis le décès du père l’ont encore avivée. Peter est à bien des égards le contraire de son cadet. Brillant, arrogant, séducteur, Peter enseigne le droit à l’Université tout en devenant un avocat en vue. Malgré les apparences d’une réussite rapide, la vie de Peter est elle aussi aux prises avec la confusion des sentiments. Son chemin se perd entre deux femmes, Sylvia le grand amour inaccessible et Naomi, « l’autre ».  Entre Sylvia l’âme-sœur, brillante intellectuelle, et Naomi la fille un peu trop facile, un peu trop vénale, Peter ne sait plus où il en est – "c’est inextricable. Cette toile emmêlée".

Le temps d’un automne irlandais, Ivan et Peter s’affrontent et se déchirent mais apprennent aussi à faire place aux surprises que la vie réserve. Dans le vocabulaire de la musique, qui occupe une grande place dans la vie de chacun des frères – Ivan l’esprit mathématique sensible à la rigueur de Bach, Peter mozartien, tempêtueux –, l’intermezzo est un interlude, un moment où la pièce se reconfigure. Mais intermezzo est aussi un mot issu du monde des échecs, où il désigne le déplacement inattendu d’une pièce sur le plateau. C’est exactement là que Sally Rooney place Ivan et Peter, dans une période charnière de leurs jeunes vies, face à un écheveau d’émotions qu’il leur est difficile de démêler.

On lit rarement peinture si subtile du lien fraternel. La façon dont Sally Rooney colle aux pensées de ses personnages tout en les inscrivant dans notre époque inquiète est tout simplement bluffante. Construit comme un duel autour d’un échiquier, le roman se déploie dans une langue limpide, où s’engouffrent les mots de Shakespeare et Wittgenstein, les poèmes de Keats et les chansons de Sarah Vaughan. Le tissage est majestueux et tient en haleine et en émotion de la première à la dernière page.

 

Gallimard, Du Monde Entier, traduit de l'anglais (Irlande) par Laetitia Devaux, 22 €btn commande

Disponible en format numérique ici

Retrouvez sur le site nos chroniques de Conversations entre amis, Normal People et Où es-tu monde admirable

histoires de loups ramos2Le samedi 9 novembre à 11 heures, rendez-vous au Quai 22 pour un Atelier L'as-tu lu consacré à l'univers de Mario Ramos.

Il y aura des loups bien sûr, quelques cochons et d'autres animaux tendres et espiègles. Il y aura le plaisir de plonger dans des histoires débordant d'amitié, d'humour, de singularité. Car l'œuvre de Mario Ramos, onze ans après la disparition de cet immense auteur jeunesse, n'a rien perdu de sa force, de son irrévérence, de son émotion. L'Atelier est destiné aux enfants de 4 à 7 ans.

Les Ateliers L'as-tu Lu sont gratuits mais l'inscription est indispensable: écrivez-nous à l'adresse Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

immense petite maison brunet colotL'avis d'Anouk:

La maison est petite, son jardin aussi, et toute petite est la vie d'Armande. La vieille dame a organisé un quotidien où rien ne la dérange: pas de désordre, pas de visites, pas de bruit sinon le tictac de l'horloge qui rythme les journées. Mais l'on sent pourtant que ce monde à l'étroit va bientôt craquer de toutes parts. C'est le titre de l'album, déjà, qui nous en souffle l'idée par la tension entre les adjectifs immense et petite. Puis dès la première page le tumulte de la rivière, la majesté des arbres, ce vert omniprésent.

La vie d'Armande bascule en même temps que son toit s'envole. Et voilà du ciel qui entre dans sa vie, et des oiseaux, des insectes, des herbes folles. Armande tente bien de maîtriser le chaos mais la nature est obstinée, bien décidée à gagner la partie. Armande apprend à se laisser déstabiliser et voilà que son coeur si étroit se gonfle de souvenirs et d'émotions. Elle est prête, enfin, pour faire une rencontre. Il s'appelle Marcus, c'est son petit voisin et bientôt son meilleur ami...

Marie Colot raconte avec douceur comment Armande, engourdie dans sa solitude, reprend goût à la beauté du monde. Les gouaches pleines de poésie d'Anaïs Brunet et leur palette contrastée sont l'écrin parfait pour cette histoire toute de délicatesse. Elles font entrer dans la vie de la vieille dame l'exubérance du monde végétal, la légèreté d'un chant d'oiseau, toutes "ces petites choses si merveilleuses" qui font pétiller le quotidien.

Un album pour les immenses petits lecteurs à partir de 4 ans.

Éditions Hélium, 16.90 euros

 

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