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L'avis de Marykalmannse :

L’action se déroule à Raufarhöfn, petit port du nord de l’Islande, que l’imposition des quotas de pêche ont poussé au déclin. Dans ses rues désolées se balade fièrement, chapeau de shérif vissé sur la tête et arme pendant à la ceinture, Kalmann Odinsson, l’esprit simple du village. Pêcheur de requin bien connu de tous les habitants du village, il est le narrateur de cette histoire.

Un matin de début de printemps, lors d’une partie de chasse au renard en solitaire, Kalmann découvre une gigantesque tache rouge dans l’immaculé de la neige. À qui appartient ce sang ? À une bête ou à un humain ? Alors que l’homme riche de la région est porté disparu depuis quelques jours, la police débarque dans la bourgade et Kalmann, témoin principal, est évidemment mis en cause. Et il apparaît rapidement que, au-delà des réponses décalées et farfelues qu’il apporte aux enquêteurs, il en sait plus qu’il ne le laisse entendre…

L’intrigue, adroitement échafaudée, enveloppe le lecteur de son atmosphère glaciale. Mais outre cela, le tour de force de l’écrivain suisse germanophone Joachim B. Schmidt est de subtilement réussir la périlleuse entreprise de se mettre dans la peau et la tête de son personnage porteur de handicap mental. La version des faits de Kalmann mêle ses souvenirs, ses craintes, ses désirs et ses ressentis hypersensibles. Comme lui, le lecteur se sent perdu, oppressé, tantôt en colère, tantôt apaisé. Les clichés sont évités, Kalmann sonne juste et ce, jusqu’à l’apothéotique dernière page de ce roman noir que l’on vous recommande !

 Gallimard, La Noire, traduit de l'allemand (Suisse) par Barbara Fontaine, 22 €btn commande

carré des indigents paganL'avis de Patrick:

Le carré des indigents est un roman policier résolument old school, et pas seulement parce qu’il nous plonge dans la France de 1973. Claude Schneider, inspecteur solitaire à la Philip Marlowe, n’en finit pas de panser les blessures de ses années algériennes. S’il lui reste des illusions après ce qu’il a vu et vécu là-bas, elles vont s’envoler définitivement lorsque meurt Betty Hoffmann, une adolescente de 15 ans violée et sauvagement assassinée. Dans une ambiance de fin de règne (Pompidou est mourant, les années Giscard se profilent) où toutes les ambitions s’étalent de façon parfois nauséabonde, la rigueur et l’honnêteté de Schneider détonnent, et émeuvent.

L’écriture d’Hugues Pagan est précise, virevoltante; elle prend le temps de la description et capte les lumières, les humeurs, les rapports de force. Loin des thrillers haletants et formatés, aux phrases courtes et à l’efficacité fabriquée, Le carré des indigents est un somptueux roman d’atmosphère, un noir mélancolique et corsé comme on les aime.

 

Rivages Noir, 20.50 €btn commande

chiens de paille williamsL'avis de Maryse:

Ho, quelle bonne idée qu’ont eue les éditions Denoël de rééditer ce roman rédigé en 1969 par Gordon Williams, dans leur collection « Sueurs froides » ! Car oui, ce texte est destiné aux amateurs de frissons, et je ne parle pas de ceux procurés par la brise de décembre. Quoique…

Un couple anglo-américain d’universitaires, se targuant d’être des intellectuels de gauche et dont les relations battent furieusement de l’aile, quittent le Nouveau Monde pour s’installer dans une bourgade anglaise des plus reculées. C’est que la vie champêtre de l’Angleterre permettra certainement à monsieur d’insuffler à la rédaction de son ouvrage consacré à un écrivain anglais méconnu, toute l’authenticité que ce dernier mérite. Ici, vivent en vase clos depuis des générations, une poignée de gars et leur famille, dont l’isolement et la marginalité ont nourri les frustrations et fermé les esprits déjà peu enclins à la tolérance de l’étranger. Puis, un soir de décembre, une tempête de neige barre tous les accès au village, enfermant nos nouveaux arrivants dans un huis-clos épouvantablement glaçant !

La plume subtilement aiguisée de l’Écossais Gordon Williams mêle à la fois ironie distante et drôle dans le portrait des personnages, et réflexion sur la marginalité sociale et l’incontrôlable folie qui peut s’emparer d’un groupe d’individus. Un récit qui, débutant dans le registre de la comédie familiale, va crescendo et laisse le lecteur pétrifié. Un conseil, toutefois, avant la lecture : vérifiez que les verrous de votre maison soient bien fermés.

Denoël, traduit de l'anglais (Écosse) par Frédéric Brument, 21 € btn commande