Rue Lelièvre, 1 B-5000 Namur | Tél. : +32 (0)81 22 79 37 | info@librairiepointvirgule.be | Du lundi au samedi de 9h30 à 18h30
Avec La Nuit ravagée, Jean-Baptiste Del Amo, qui figure parmi mes écrivains contemporains adulés, s’essaye avec brio au genre de l’épouvante et, plus que le maîtriser, il l’élève au rang de la haute littérature.
Ça se passe dans une petite ville de la lointaine banlieue rurale de Toulouse au début des années 1990. Entre clopes et mobylettes, une bande d’ados joue à se faire peur devant les films d’horreur de l’époque, qui sont depuis devenus culte. Puis, au fond de l’impasse du clos qu’ils habitent se trouve une maison abandonnée qui depuis toujours exerce une attraction étrange sur eux. Dès l’instant où ils en franchissent le seuil, leur vie bascule dans une autre dimension : celle où toutes leurs obsessions sont galvanisées au plus haut, et jusqu’à l’irrémédiable.
L’auteur jongle parfaitement avec les codes, les dispositifs littéraires et les multiples références propres au genre horrifique et franchement, le lecteur en vacille ! Mais aussi et surtout, bien au-delà des sueurs froides qu’il procure, le roman décrypte avec une impeccable finesse psychologique les ressorts de l’adolescence, ses contradictions, ses désirs exaltés et déçus, ses incertitudes, ses craintes, ses solitudes. Il dépeint aussi, et non sans une certaine mélancolie, cette génération 90 désenchantée à laquelle l’auteur appartient.
Voici une lecture intense que je ne risque pas d’oublier de sitôt. Et vous, oserez-vous pénétrer dans La Nuit ravagée et affronter ses ténèbres jusqu’à la dernière ligne ?
Disponible en format numérique ici.
Un parcours quatre nages dans le bassin underground lorrain… c’est pour le moins inattendu ? Oui, mais on vous le promet plein de vivacité et d’énergie !
La narratrice de Lorraine brûle vit à Metz. Maman solo, elle jongle tant bien que mal avec son travail à une heure de train de chez elle, et l’éducation de son fils préado qu’elle a prénommé Tarzan. Elle enchaîne les visites à sa chère grand-mère centenaire qui occupe depuis toujours un coron d’une cité ouvrière, et les soirées punks improvisées dans des lieux alternatifs. Les gens qui l’entourent sont nombreux et bigarrés : anarchistes, queers, artistes, parfois précaires, parfois junkies ou aux pratiques sexuelles atypiques – ce sont des êtres qu’on ne regarde pas d’ordinaire, mais qui se débrouillent, en somme. On les côtoie avec elle, et on s’y attache, inspiré par leur avidité de liberté. Puis, la Lorraine, cette région désindustrialisée durablement pauvre – un décor qui n’est pas sans nous rappeler une certaine Wallonie – prend littéralement corps et « brûle de vie » sous la plume de Jeanne Rivière, ça sonne bien. Ce récit, en forme de patchwork versicolore, c’est un peu « Martine dans la vraie vie d’aujourd’hui » qui pousserait un cri de colère sociale, rigolerait aux éclats avec ses amies, aimerait passionnément son gamin, pleurerait toutes les larmes de son corps, s’arrangerait pour finir le mois, entretiendrait les liens tout en ne s’enfermant jamais dans rien. Une anti-héroïne contemporaine qui chercherait sans cesse des manières d’être au monde, éloignées des normes mais en phase avec sa réalité bancale.
Le premier roman de Jeanne Rivière est singulier, brut et punk. Son style est parfois drôle, toujours à fleur de peau. Dans tous les cas, on plonge dans ses eaux chaudes-froides pour en sortir revigoré !
Gallimard, collection Sygne, 19 euros.
Disponible en format numérique ici.
"C’est en écrivant que s’est enraciné en moi une sorte de pays d’encre, où les champs ensoleillés prolongent les hauts-fourneaux, où les vignes et les oliviers, perchés sur des terrils, dominent le temps et aussi la mort."
Dans la Belgique de l'après-guerre, on fait venir "des bras contre du charbon". Partout en Wallonie, terre de mines et de sidérurgie, les ouvriers italiens arrivent en nombre et affrontent l'exil, le racisme ordinaire, la dureté du travail, le ciel bas.
Le père de Giuseppe Santoliquido est adolescent lorsque ses parents s'installent dans la région de Liège. Il s'acclimate avec aisance à sa nouvelle vie. Élève modèle, maitrisant rapidement le français, il rêve de devenir avocat. Mais son père ne l'entend pas ainsi: puisqu'il ne peut offrir l'Université à tous ses enfants, aucun n'y aura droit. Gerardo courbe l'échine. Une lumière en lui s'est éteinte que rien, ni un mariage heureux, ni sa réussite professionnelle d'ouvrier devenu son propre patron, ne viendra raviver.
Après L'audition du Docteur Gasparri et L'été sans retour, le romancier belge Giuseppe Santoliquido délaisse les voies de la fiction: son Don du père raconte, avec pudeur et émotion, le destin d'un père dont il a mis du temps à démêler les parts d'ombre. À travers le destin de cet homme, il nous partage une histoire sociale de la Belgique autant qu'une réflexion très universelle sur le poids des héritages, le malaise éprouvé par un fils gravissant les échelons de la société, et la façon dont les blessures de l'exil s'insinuent d'une génération à l'autre.
Alors que son père est rattrapé par la maladie, Giuseppe Santoliquido retrace avec ce livre sa "cartographie intime". En cherchant à mettre des mots sur "l'irrésolu" qui a toujours habité sa relation à son père, il acquitte sa dette d'amour et de liberté.
Disponible en format numérique ici
Giuseppe Santoliquido présentera Le don du père à la librairie ce jeudi 9 avril à 19h30. Toutes les infos sont par ici