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Les romans de Florence Seyvos creusent des sillons singuliers. Ils interrogent l'enfance et glanent des bribes, des éclats, où se concentrent son opacité, sa poésie, sa force de subversion.
Un perdant magnifique poursuit ce chemin. Au centre du récit, deux soeurs adolescentes, Anna la narratrice et Irène son aînée. Leur mère a épousé, pour des raisons que les soeurs ne s'expliquent guère, un homme étrange et insaisissable. Tout à la fois flamboyant et pitoyable, Jacques vit en Afrique. Il y gère de mystérieuses affaires. Les filles et leur mère l'y rejoignent, puis rentrent au Havre quand la vie sur le fil que leur fait mener Jacques devient trop hasardeuse.
La vie s'installe alors entre deux continents, entre des départs et des retours, "dans un temps découpé". Anna observe avec acuité cette vie étrange, le ballet mis en scène par ce beau-père fantasque, tour à tour aimant et tyrannique. Ce sont les années 80, on écoute leur bande-son, on lit L'insoutenable légèreté de l'être et on boit du gin. Jacques impose son rythme: "cette vie était la seule qu'il aimait vraiment, celle où le présent n'avait aucune importance. Seul comptait le futur, l'utopie sans cesse réinventée, sans cesse perfectible". Et pourtant les désillusions s'accumulent, la folie guette et la faillite de Jacques devient inéluctable. Sa santé ne résiste pas à un long emprisonnement pour dettes à Abidjan. Le roman, tout entier suspendu aux humeurs de ce "perdant magnifique", se lit en apnée, comme au bord d'un précipice. Le réel qu'invente Jacques est une fiction, il est poreux et se laisse contaminer par ses mensonges, sa verve, sa fantaisie.
Et pendant ce temps Anna grandit. Elle apprend toutes les pertes auxquelles il faut consentir, fait le deuil de son innocence. Et c'est là sans doute le tour de force de ce livre: capter au plus près, au plus juste, la mue qui s'opère à l'adolescence et le moment où il faut quitter la chrysalide de l'enfance. Anna s'avance alors, fragile et résolue, forte des blessures et des éclats de joie qu'elle a accumulés auprès de ce perdant magnifique et inoubliable.
"L'absence est terrifiante et nous avons parfois besoin de la combler en racontant des histoires".
Le livre ouvre des questions passionnantes mais séduit surtout par sa poésie, la beauté de ses images, le vertige qu'il suscite.
Il est magnifiquement édité par TheEriskayConnection (édition bilingue français/anglais, 42 euros).
Bienvenue au Lotissement !
Aux côtés d’un village périphérique de France, un quartier résidentiel a été créé par un patron paternaliste d’une petite usine textile afin de loger ses ouvrières et ouvriers. Ces derniers forment une première génération d’immigrés issus du Maghreb arrivés en France dans les années 1960/70. Dalya Daoud nous invite à suivre les turpitudes de leurs enfants, adolescent·e·s dans les années 1990.
Construit sous forme de chroniques qui ne suivent pas forcément un ordre chronologique, comme pour mieux nous perdre dans le fameux Lotissement ouvrier et l’intimité des familles en présence tout en approfondissant nos connaissances des lieux et des gens, ce roman brasse petites anecdotes et grands événements avec une acuité sociologique imparable. Dalya Daoud nous prend par la main et aussitôt nous happe dans les échos d’aventures du quotidien contés avec un grand sens de la narration.
“Challah la danse” est un livre truffé de références générationnelles, les années 1990 en plein et en même temps l’adolescence dans ce qu’elle a de plus universel, en test, en apprentissage, en révolte.