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contro corrente chantal veyL'avis d'Anouk:

C’est un livre qui ne ressemble à nul autre, palimpseste d’un texte vieux de soixante ans subtilement réinterprété à la lumière de notre aujourd’hui. Contro-corrente est tout à la fois un livre de photographe et un long poème, une exploration intime et un récit de voyage en Italie, une réflexion sur l’image et un hommage à un artiste qui, par-delà les décennies, reste une balise incontournable – Pier Paolo Pasolini.

La longue route de sable raconte le voyage que Pier Paolo Pasolini entreprend l’été 1959 : rejoindre Trieste au départ de Vintimille, en longeant le tracé des côtes italiennes. Entre une extrémité et l’autre, Pasolini regarde son pays, ses paysages, les hommes qui les habitent. Il dit l’industrialisation à marche forcée et comment la nature lui résiste. Il déploie, comme toujours, une clairvoyance proprement sidérante et chacune de ses pages est traversée de fulgurances poétiques.

Ce voyage devenu mythique a déjà été revisité par le photographe Philippe Séclier dans un livre magnifique, qui est aussi la première édition en français du texte intégral de Pasolini (Éditions Xavier Barral, 2005). Le projet qui anime la photographie Chantal Vey est d’une autre nature, plus intime et plus inquiète. Chantal Vey met elle aussi ses pas dans ceux de Pasolini mais elle le fait à rebours, partant de Trieste pour suivre la route à contre-courant. Le dispositif qu’elle met en place s’articule autour de trois voyages qui ont tous pour terme cette plage d’Ostie où le poète est assassiné en 1975. Les images de chaque voyage sont bordées de mots : une rencontre avec un témoin de l’aventure pasolinienne pour ouvrir le chapitre, et des extraits du journal de voyage de Chantal Vey.

On se plonge rarement un livre dont la maquette est aussi soignée et singulière. Les photos jouent sur des échelles différentes, modulant notre regard. Les images en pleines pages alternent avec des diptyques, des triptyques, des jeux de superposition. On ne trouve guère trace de présence humaine dans les photos de Chantal Vey : le temps est suspendu, les formes s’inscrivent dans une solennité silencieuse et presque mystérieuse. L’artiste joue aussi avec la transparence, qui transforme certaines images, imprimées sur un papier au grammage plus fin, en empreintes évanescentes. Et puis il y a ces découpes qui créent autour des mots de Pasolini comme un abri, une cachette de papier.

Contro-corrente est un livre à l’affut des émotions, des éblouissements, de la beauté qui demeure. Les photographies de Chantal Vey sont de la famille de ces images-lucioles dans lesquelles Georges Didi-Huberman voit des espaces de résistance à la course folle de notre époque.

Éditions Loco, 29 €

contro corrente vey

oiseaux de passage aramburuL'avis de Maryse:

Oiseaux de passage est l'exploration, avec un regard affûté et un humour corrosif, de l’intimité d’un homme stoïque, à la mauvaise foi crasse, en parfait décalage avec son époque.

Toni, quinquagénaire madrilène, professeur de philosophie, divorcé et boomer assumé, décide de mettre fin à ses jours un an plus tard – non pas sous le coup d’une quelconque dépression, mais par lassitude existentielle. Nous lisons donc le journal de sa dernière année sur terre, dans lequel il consigne, sans fil et sans filtre, le récit quotidien de son existence, présente et passée. Le roman, à la structure complexe, se déploie comme un grand patchwork confectionné à partir de ses fantasmes débridés, de ses petites misères, de ses mini victoires et de ses gros regrets.

A priori, on lit donc l’autoportrait d’un parfait cynique, auquel on s’attache pourtant sincèrement. Jamais l’humour ne quitte le personnage et sa vision du monde est décalée, intelligente – quoique discutable – et pleine de répartie. Du reste, l’amitié, l’amour, la liberté traversent chaque mot de ce qui demeure en définitive une incontestable ode à la vie.

Un roman dense, structuré, charpenté, complexe, parfois un peu cérébral et en même temps tellement envoûtant.

Actes Sud, traduit de l'espagnol par Claude Bleton, 26 eurosbtn commande

Disponible en format numérique ici

iona moon melanie rae thonL'avis d'Anouk:

C’est un roman âpre et terreux, souvent déchirant. On dirait un vieux blues, de ceux qui remuent l’âme et vous laissent étourdis. Iona Moon est un roman paru il y a près de trente ans, injustement méconnu, et que les éditions de l’Olivier ont la grandiose idée de rééditer dans leur « Bibliothèque ». Avec ses accents faulknériens, l’énergie impétueuse et trash qui en fait un pendant féminin du Seigneur des Porcheries de Tristan Egolf, la force de résilience de son héroïne, Iona Moon a tout pour faire partie des chefs-d’œuvre de la littérature américaine.

Fille des grandes plaines américaines, Iona Moon sent la terre et la misère, la brutalité d’un monde sans affection, sans consolation. Nous la suivons de la sortie de l’enfance à l’entrée dans l’âge adulte. Son chemin de vie est bordé de fantômes, d’hommes violents et de dangers, mais Iona l’affronte sans jamais baisser les yeux. Elle sait que "C’est le cœur blessé qui fait de nous des êtres humains".

Pour peindre cette héroïne hors norme et la petite ville de l’Idaho où elle grandit, Melanie Rae Thon fait exploser les frontières entre les genres. Sa langue tantôt crue tantôt lyrique, la fluidité de sa narration, le phrasé syncopé et elliptique: tout cela crée un monde puissamment incarné, pétri de désespoir et de contradictions. Il se dégage du livre un magnétisme peu commun.

Vous n’oublierez pas Iona, adolescente indomptable à qui l’on a volé l’innocence mais pas le pouvoir de désirer.

 

Éditions de l'Olivier, traduit de l'anglais (États-Unis) par Elisabeth Peellaert, 11.90 €

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