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ciel tombe mazzettiL'avis d'Anouk:

La Villa domine le village. Il faut un cheval pour faire le tour du domaine tant il est vaste. Entre les murs, on parle l’italien et l’allemand, l’anglais et le français. Les invités se succèdent – artistes, excentriques, intellectuels. Le piano résonne, les livres sont partout, on joue aux échecs. Et le dimanche, seuls les domestiques se rendent à la messe du village.

La Villa est un îlot résolument à part dans la Toscane des années 30. La propagande fasciste n’y entre pas. On lui tient tête en parlant philosophie, culture, laïcité.

C’est dans cette villa, propriété de son oncle et de sa tante, que grandit la petite Penny. Elle et sa sœur Baby y ont été recueillies suite à la mort de leurs parents. L’oncle – Robert Einstein, un cousin d’Albert – est admiré et craint. Penny sait par le curé du village qu’il ira en Enfer, puisqu’il est Juif. Alors elle tente de lui acheter une place au purgatoire en inventant, pour elle, sa sœur et leurs amis, les fils et les filles des paysans du village, des séances de pénitence oscillant entre burlesque et tragique.

Penny est tiraillée entre deux mondes. À l’atmosphère feutrée de la Villa, elle préfère les jeux du dehors, la vie dans les arbres, les courses sans fin avec les enfants de métayers. Quand elle arrive à l’école dans l’unique voiture du village, conduite par un chauffeur en livrée, elle est la seule à porter un prénom étranger, la seule à ne pas sentir « le foin et le mouton ». Penny vénère sa maîtresse et plus encore le Duce et Jésus. Ces deux-là, elle les confond un peu, à force d’entendre parler de leurs hauts faits respectifs. Et puis il y a la Vierge, le Diable qui parfois prend la forme d’un coq et essaie de faire dégringoler le ciel aux enfers. Heureusement, les enfants sont là : « Il fallait qu’on lève les mains en l’air pour soutenir le ciel. Lea a entonné un chant, nous on avait toujours les mains en l’air, les visages rouges à cause de l’effort. Le ciel est sur le point de tomber, le ciel tombe, et nous on est là, avec les bras en l’air pour soutenir le ciel. (...) Qui nous aidera ? ». Entre la Villa et le village, comment trouver une place ?

Le ciel tombe raconte au plus près l’enfance de Penny. Tour à tour effrontée, candide, cruelle, tourmentée, la petite fille détaille son quotidien, ses jeux et ses rêves dans une succession de chapitres vifs. Et puis la guerre arrive, enserre la villa dans un étau chaque jour plus étroit. La tragédie approche, elle prend son temps puis finit par s’abattre, implacable, sur Penny et les siens. L’enfance est révolue et l’innocence avec elle, mais dans le cœur de Penny et de sa sœur demeurent, irréductibles, des éclats de beauté et de poésie. L’héritage de la Villa et de ses habitants, ce « Souvenez-vous » qui est la dernière parole de l’oncle au seuil de la mort.

Lorsqu’elle publie Le ciel tombe en 1961, Lorenza Mazzetti ne dévoile pas que c’est sa propre enfance que l’on y lit. Elle attendra trente ans pour le révéler. Raconter cette histoire lui permet d’apaiser les fantômes qui la hantent : « tous les survivants portent en eux le poids de ce « privilège » et le besoin de témoigner ». Le ciel tombe est un chef d’œuvre sauvage, d’une rare intensité.

 

La Baconnière, traduit de l'italien par Lise Chapuis, 19 eurosbtn commande

juno et legs gearyL'avis d'Anouk:

"Ils disparaissent, les souvenirs, même les bons, ceux qu'on veut garder. Je m'entraînais sur mes préférés, je les apprenais par cœur. Mais au final, on se retrouve avec des souvenirs de souvenirs: le charbon donne du goudron, pas des diamants"

Elle s'appelle Juno, comme la reine des dieux de l'Olympe. Assurément sa mère lui a offert un prénom à la mesure de sa démesure – c'est que, comme la déesse, Juno ne manque ni d'aura, ni de souffle vital. Elle a beau grandir dans un quartier misérable de Dublin, Juno fronde, Juno rayonne, Juno tient tête. Héroïne poignante, elle fait la force et la beauté de ce percutant roman de Karl Geary.

Quand le livre s'ouvre, nous sommes au cœur des années 80. Juno quitte l'enfance. Elle vit entre une mère à la dignité blessée, couturière pour des gens à peine moins pauvres qu'elle, et un père transparent et détesté, rongé par l'alcool, aussi veule que la mère est orgueilleuse. Le ronronnement de la Singer et les cris du père, tel est l'univers sonore dans lequel grandit Juno. Il détonne avec l'ordre strict du collège, les exigences de la religieuse qui est son enseignante principale, les menaces du père abbé dès que Juno sort du rang. Mais Juno sait faire une force de cette misère: "on n'était rien et donc je me foutais de tout, il ne pouvait pas m'atteindre".

Au collège, il y a un garçon étrange, malmené par les fortes têtes de la classe. "J'avais vu qu'il essayait de se rendre invisible. Je remarquais tout et je me suis aperçue que c'état lui que je remarquais le plus". Plus d'une fois Juno prend sa défense, par les mots ou par les poings. Il s'appelle Seàn, elle le rebaptise Legs parce que ses jambes n'en finissent pas. Une amitié naît, elle fera tenir debout ces deux ados de la marge, aussi déchirantes que soient les épreuves que la vie leur réserve.

Le titre anglais dit Juno loves Legs. C'est qu'il circule tant d'amour entre eux, un amour pur et platonique, un amour aussi frais que leurs quinze ans, un amour absolu "sans une once de cet instinct humain qui fauche les fleurs fraîches en pleine éclosion et les rapporte chez soi pour les laisser faner et mourir".

Karl Geary signe avec Juno et Legs un épatant roman de formation, qui mêle vigueur et sensibilité. Il dépeint sans misérabilisme et avec un sens aigu de l'observation le douloureux chemin de ses si jeunes personnages, abîmés par la misère, la violence du patriarcat, une église catholique perverse. Juno nous entraine à sa suite, et ses moindres pensées, ses moindres sensations, s'inscrivent dans nos vies de lecteurs.

Juno et Legs est un roman sauvage, dont se dégagent un magnétisme et une beauté hors du commun.

 

Éditions de l'Olivier, traduit de l'angais (Irlande) par Céline Leroy, 23 eurosbtn commande

Disponible en format numérique ici

sauve qui pique dewezL'avis de Régis:

Romy est sur le quai de la gare, au milieu d’un groupe de filles surexcitées, au foulard bien roulé. Dans quelques secondes, c’est le grand départ. La joie est palpable mais Romy, elle, se sent triste et surtout terriblement seule. Sarah, son inséparable amie, n’est pas au rendez-vous. Opérée de l’appendicite cette nuit-même, elle ne fera pas partie de l’aventure…

Romy attendait ce moment avec une telle impatience ! Elle rêvait de ce premier camp louvette depuis des semaines. Mais sans Sarah, tout est fichu. Cette semaine ne l’intéresse plus du tout.

Comment faire sa place parmi des filles qu’elle connait à peine ? Comment gérer la mauvaise humeur de la grande cheffe Harfang, plus stricte que jamais ? Romy se renfrogne, se sent « chardon », solitaire. Les premiers jours sont difficiles, rien ne va.

Mais un soir, un léger petit bruit attire son attention. Elle va faire une découverte qui va peut-être tout changer. Pour elle. Pour les autres louvettes. Une découverte qui va donner un sens nouveau à sa présence au camp.

Amélie Dewez signe un premier roman virevoltant, à lire dès 8 ans. Une plongée fantaisiste dans la vie d’une petite fille bouillonnante et malicieuse. Une histoire qui fait réfléchir à la place que nous occupons parmi les autres, aux abus de pouvoir, aux belles rencontres qui changent la vie.   

 

Éditions Oskar, 8.95 eurosbtn commande

mrs dalloway pleiade 2L'avis d'Anouk:

"Dans les yeux des gens, dans leur démarche chaloupée, martelée, ou traînante; dans le tumulte et le vacarme; les attelages, les automobiles, les omnibus, les camions, les hommes-sandwichs qui se frayent un chemin en tanguant; les fanfares; les orgues de Barbarie; dans le triomphe et la petite musique et le drôle de bourdonnement là-haut d’un avion, dans tout cela se trouvait ce qu’elle aimait: la vie; Londres; ce moment de juin".

Ses élans, ses tourments, sa perspicacité, sa fulgurante modernité: Clarissa éblouit tant qu’on peine à croire qu’elle fête ses cent ans.

Cent ans! Lorsqu’il paraît au printemps 1925, Mrs Dalloway cristallise les questions de son époque et porte à la perfection les intuitions modernistes de Virginia Woolf. Comme Joyce, Proust, Pirandello ou Mann, ses grands contemporains, Virginia Woolf transforme le paysage du roman et le fait entrer dans un âge nouveau. Le temps diffracté, l’attention aux perceptions, la peinture du mouvant et de l’évanescent : il y a tout cela dans cet immense chef-d’œuvre, bien sûr, mais il y a aussi tant de vie, d’humour piquant, d’attention aux choses soi-disant banales que Clarissa, toujours, nous plongera dans une joie profonde.

"Qu’est-ce qui peut bien me remplir de ce sentiment d’exaltation ?

C’est Clarissa, dit-il.

Et justement, elle était là".

 

Pour célébrer les cent ans de Mrs Dalloway, la bibliothèque de la Pléiade propose une édition anniversaire entourant Mrs Dalloway (traduit par Marie-Claire Pasquier) de textes complémentaires, notamment Orlando et Une pièce à soi.

 

Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 62 eurosbtn commande

Gallimard, collection Folio, traduit de l'anglais par Marie-Claire Pasquier, 7.60 euros

POL, traduit de l'anglais par Nathalie Azoulai, 14.90 euros

Disponible en format numérique ici

 

 

et à la fin electreL'avis de Maryse:

Qui veut lire un album hyper rigolo ? Nous!

C’est l’histoire d’un auteur-illustrateur qui cherche une fin au conte qu’il vient d’inventer. « Le prince sauva la princesse, ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants. » ? Pfff. C’est bateau, puis plus trop dans l’air du temps ! « Le prince vint sauver la princesse, mais se trompa de château. » : bof, pas dingue ! « Le prince arriva trop tard, la princesse s’était sauvée toute seule. » : c’est mieux… ?

Il est à court d’idées. Bientôt, ses enfants, sa femme, son chat, et même les personnages de son conte vont s’en mêler et lui faire des suggestions. Chaque grain de sel amène à des fins plus loufoques les unes que les autres !

Dans ce chouette album, Jean-Baptiste Drouot construit un jeu habile et hilarant sur la mise en abîme, qui ouvre à tous les horizons, pour le plus grand plaisir du lecteur.

De 5 à 105 ans.

 Hélium, 14,90 euros.