La montagne, ça déborde. Il suffit d’emblée de voir les crédits d’édition écrits au pinceau par Valfret, ils ne tiennent pas en place, écument à la marge.
La montagne est un refuge ouvert sur l’extérieur, immense et terrifiant mais également apaisant, rassurant.
La montagne contient la sagesse et la révolte, nous élève physiquement, nous fait grandir mais nous fait aussi nous sentir tout petits. Un obstacle à surmonter et un lieu de réflexion.
Cette bande-dessinée est brute et douce à la fois et la montagne y est plus qu’un décor, c’est aussi une métaphore.
Trêve d’oxymores, il fallait bien un aussi beau et grand format pour la présenter cette montagne, et ses vaches, ses nuages, sa terre, les habitants minus et médiocres qui l’entourent, des silhouettes, à travers l’impressionnisme, l’abstraction parfois, des peintures de Valfret.
Par la voix d’un jeune garçon qui allie poésie, humour potache, lucide, grinçant, et phrases coup de poing, on y suit, dans un plan élargi, un village qui a déjà basculé dans la fin du monde, d’un monde, et dans un plan resserré, une histoire d’amour, un moment de vie de cet ado. Par le paysage, on explore les méandres des pensées de ce dernier, ses aspirations, ses tourments, sa libre oisiveté.
C'est rudement beau, magnifique même, c’est l'adolescence, ses corps maladroits en fusion et pleine confusion, ses espoirs aussi et ses désillusions, ça parle en sus de notre monde qui ne va pas très bien, comme on le sait, du monde paysan qui disparaît depuis tant d’années, sans qu’on se bouge vraiment, de la révolte qui gronde, prête à réellement sourdir. Qu’attend-elle donc !?
La nature et les hommes sont fragiles, la relation entre les deux trop peu réfléchie, cela donne un équilibre précaire parfaitement mis en lumière par les peintures de Valfret et le texte de Valfret accompagné par Comme le vent.
En bout de chemin, une conclusion implacable, à la Barry Lyndon, comme posée sur les cendres d’un champ de bataille : "Et les choses dressées, humaines et non humaines, n'auront pas d'autre choix que de s'enfoncer avec humilité dans le sol" suivi de “l’espoir était un poing serré dans une poche de pantalon” en quatrième de couverture.