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Raconter. Quoi ? Comment ? Le monde est en morceaux.
Il appelle un récit qui répare les peaux.
Une histoire à conter quand le dehors est sombre.
Peau de louve ou l’histoire d’une enfant qui aime à se travestir, « changer de peau » au gré de son imagination. Et qui se tisse une peau de lumière avec les histoires qu’elle a lues, entendues, inventées.
Le temps passe, la fillette est devenue jeune fille, et cette peau si précieuse se fait grignoter par le désir des autres. Il faudra une grande force instinctive, reliée à un souvenir d’enfance, pour fuir la violence urbaine et s’enfoncer en forêt. C’est de cette expérience d’ensauvagement que pourra renaître une autre forme de vie et de rapport au monde et aux mots.
Au croisement du récit, du conte et du théâtre, Peau de louve est né de la rencontre entre Veronika Mabardi et Edith Van Malder, qui a porté ce texte à la scène avec sa compagnie Théâtre Cœur de Terre.
Peau de louve est porté par la langue forte de Veronika Mabardi, qui choisit ici une écriture en vers. Ses alexandrins, clin d’œil au « grand répertoire français », ont une modernité sublime, qui inscrit d’emblée son propos dans le merveilleux et l’universel.
Le livre est accompagné de peintures d’Alexandra Duprez qui entrent en parfaite résonance avec cette histoire de retour à la nature.
Veronika Mabardi a publié plusieurs livres aux éditions Esperluète, notamment le bouleversant Sauvage est celui qui se sauve.
C’est un livre hénaurme mais il ne faut pas en avoir peur : un peu plus de 700 pages pour 52 chapitres, sa lecture vous prendra un peu moins de deux mois à raison de moins de 15 pages par jour et la satisfaction et certitude d’avoir lu un beau et grand livre, pas mal, non ?
On y parcourt le 19ème siècle croate avec l’histoire de la sorcière Gila qui à travers sa fuite en avant avec l’impératrice d’Autriche qu’elle doit faire avorter, vit bien des aventures, bien des tourments.
Želimir Periš nous embarque dans cette fresque haute en couleur – roman picaresque post-moderne et féministe comme le décrit justement l’éditeur – et joue avec nous, lecteur.ice.s, et parfois se joue de nous, par des changements de rythme, d’atmosphère, d’espace-temps. Chaque chapitre est introduit par un incipit sous la forme d’un poème ou d’une comptine nous annonçant la morale de ce que nous allons lire ainsi que d’un bref résumé des actions à venir.
C’est un roman pétillant, ludique, malin qui, avec des historiettes cocasses, rocambolesques, burlesques, assemblées comme un puzzle, par fragments, développe un discours moderne et fin sur la place des femmes dans la société, sur la couardise et l’autorité intempestive des hommes, sur les croyances aussi et les superstitions mais aussi et surtout sur la liberté, l’insoumission.
Un grand livre, dans tous les sens du terme !
Les éditions du Sonneur, traduit du croate par Chloé Billon, 27.50 €
Magnifique ! Après « Extases », deux volumes autour de sa sexualité et « Le petit frère » un album sur la mort tragique de son petit frère à l’âge 11 ans, JeanLouis Tripp continue son cycle autobiographique avec cette bande dessinée consacrée à son père.
A la fois très intime et ayant une portée universelle indéniable, le bédéaste nous brosse le portrait d’un homme, à travers ses convictions, ses histoires d’amour, …, à travers les époques, à travers les petits événements de la vie et les grands événements de l’Histoire. Il faut bien tout ça, car « au fond que sait-on de son père ? »
Il y a un sens de la narration imparable, une plongée dans une mémoire d’éléphant et il y a dû avoir un travail de montage incroyable pour assembler toute cette vie, toutes ces vies et pourtant, tout semble couler de source. L’auteur nous embarque d'une telle façon dans sa famille, qu’on a l'impression d'y être, d'en être. Et au-delà de la narration, la mise en page, les dessins, la bichromie (et ces quelques touches de couleurs, le maillot de bain seventies du papa, sacrée pièce !) ne sont pas en reste.
Avec tout ça, nous ne vous avons pas encore parlé des émotions qui se dégagent de cet album, préparez vos mouchoirs !
Casterman, 28 €
La comédie romantique de l'année !
Troisième roman, troisième réussite d’Agnès Riva qui creuse le sillon de la réflexion du lieu, comment la géographie nous détermine, comment l’urbanisme s’infuse en nous. Comme le dit la 4ème de couverture, "Un autre ailleurs" est un livre des premières fois : premier boulot, premier appartement, première relation sentimentale, premiers habitants d’une ville qui sort du sol à une vitesse folle.
Gilles, 23 ans, est embauché par la mairie comme animateur du Nouveau Créteil. On est au début des années 1970, les années Pompidou. Sous les pavés la plage, toutefois, Mai 68 n’a pas tout libéré, l’avortement n’est pas encore légalisé, la pilule commence seulement à se démocratiser, le carcan de la petite bourgeoisie est toujours bien présent.
Comme dans ses deux précédents romans, que nous vous recommande également, Agnès Riva balaie à travers la géographie d’une ville nouvelle, tout un monde, toute une époque avec finesse et malice !
Des loupés, des ratés, des « amours manquées », il en existe certainement dans toutes les relations filiales… C’est le thème épineux que Susie Boyt scrute ici, et avec une délicatesse inouïe.
Ruth, professeure à Londres, a élevé seule sa fille Eleanor. À l’adolescence, cette dernière est partie en vrille, a glissé dans la toxicomanie et acté la rupture avec sa mère et, en quelque sorte, le reste du monde. Lorsqu’Eleanor a un bébé, dont le père s’évanouit lui aussi dans la nature, Ruth n’écoute que son instinct : elle s’efforce de renouer avec sa fille, retissant doucement le lien fragile, et garde l’enfant avec elle pour la protéger – elle finira par l’élever.
À travers les yeux de Ruth se déploie peu à peu, au fil des ans, le rapport bouleversant entre la grand-mère et sa petite-fille, une relation d’intense affection, nimbée de tendresse et aussi de non-dits.
La finesse psychologique avec laquelle l’écrivaine britannique – fille de Lucian Freud et arrière-petite-fille de Sigmund Freud – révèle les sentiments de ses personnages et transmet des émotions puissantes, en toute fulgurance, m’ont laissée médusée. Elle fouille profondément le lien maternel ainsi que le sentiment de culpabilité, réelle ou fantomatique, et s’interroge sur la possibilité de la seconde chance qu’offre parfois l’existence. Le sens du récit de Susie Boyt, qui manie l’ellipse et le portrait de l’instantané, est précis, cinématographique. Ses personnages – tous ! – sont éperdument attachants, et le lecteur s’approprie leurs ressentis. À vrai dire, ce roman est d’une beauté étourdissante. Un gros coup de cœur !
Il sera présenté en grande lecture le 31 août prochain, en clôture de l’Intime Festival, et interprété par le remarquable comédien Nicolas Maury qui, sans nul doute, saura incarner toute l’intensité et la tension qui lui sont inhérentes.
La Croisée, traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Stéphane Vanderhaeghe, 22 euros.
Existe en format numérique ici.