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il ny aura pas de sang verse desbiollesL'avis d'Anouk:

De livre en livre, Maryline Desbiolles tisse les voix de femmes et d'hommes sur lesquels, d'ordinaire, le regard ne s'arrête pas. Qu'il s'agisse des siens, ses grands-parents italiens poussés par la misère jusqu'en Savoie (Primo) ou d'autres oubliés (les habitants de l'Ariane, un quartier dit "sensible" de Nice dans C'est pourtant pas la guerre), ses mots donnent à ces figures de l'exil et du déclassement une ardeur qui s'imprime durablement.

Il n'y aura pas de sang versé prolonge la démarche, en nous menant à vive allure vers la première grève de femmes, dans le Lyon de 1869. Pour autant, rien ici du livre d'histoire érudit et pesant. Ce qui anime Maryline Desbiolles, c'est sa volonté de donner voix, corps et mouvement à quatre ouvrières parmi les deux mille grévistes. Quatre filles aux pas desquelles elle nous attache par la grâce de son écriture alerte et sensible.

Elles viennent du Piémont, de Provence ou de Savoie. Toia, Rosalie, Marie et Clémence partagent pourtant des enfances parallèles, marquées du sceau de la misère. Arrivées à Lyon, l'industrie de la soie les avale: une main d'oeuvre dure à la tâche, sans instruction, sans revendication. Toutes quatre sont ovalistes: dans les salles ovales des moulins, au rythme imposé par les machines, elles tordent et enroulent les fils de soie destinés au tissage. Vies de peu, environnées par les maladies, les morts en couches, la violence des patrons.

En passant le relai de l'une à l'autre, Maryline Desbiolles suit leurs élans, leurs espoirs, leurs déconvenues jusqu'à cette ligne d'arrivée qu'est le début de la grève. Alors les relayeuses se fondent dans un "nous" et nous entraînent à leur suite. "Entre les visages rapprochés des femmes en mouvement ou mieux, en circulation, un instant nous ne reconnaissons plus ceux des quatre relayeuses comme si leurs traits s'échangeaient, le sourire de l'une éclairant le visage de l'autre, comme si leurs cheveux se mêlaient et le brillant des yeux l'emportait sur la variété des couleurs".

La grève: quelques semaines où le temps se suspend, quelques acquis qu'il faudra mettre à profit, "le dénouement est à inventer". Pour nos quatre ovalistes, elle creuse une ligne de démarcation dans leurs vies. En éclairant ces femmes de son écriture vive et précise, résolument solidaire, Maryline Desbiolles explore de nouvelles façons d'écrire les luttes d'autrefois pour nourrir celles d'aujourd'hui.

Sabine Wespieser Éditeur, 18 €btn commande

Disponible en format numérique ici

levaux baisse ton sourrireL'avis d'Adrien :

A l’instar de l’excellent enquêteur Mathieu Palain et son récit journalistique paru en ce début d’année aux Arènes « Nos pères nos frères nos amis. Dans la tête des hommes violents », Christophe Levaux choisit de s’attaquer à ce même thème mais de façon plus acrobatique car sous la forme d’une fiction.

Tout commence quand petit, dans une vie sans fard rythmée par les disputes sourdes de ses parents, le narrateur assiste, marqué à vie, à la disgrâce du jeune prodige d’un football belge, Gilles De Bilde pour ne pas le nommer, qui, en plein match, assène un furieux coup de poing à un adversaire le laissant KO. Notre anti-héros, c’est peu de le qualifier ainsi, apprendra plus tard que la violence du footballeur ne s’est pas arrêtée au stade.
S’émancipant du foyer familial après quelques amourettes sans trop de lendemains, notre narrateur rencontre Sophie avec laquelle il va vivre une sorte de passion, la vraie passion lui semblant vaine et impossible. Petit à petit, une routine qui n’enthousiasme plus les jeunes amoureux s’installe et prend la tournure d’une rancœur triste. La violence va alors sombrement surgir.

Baisse ton sourire est un livre qui remue les entrailles. Christophe Levaux a, depuis ses débuts dans la « scène littéraire », le don de croquer la classe moyenne qui se morfond et, s’il le faisait avec humour dans ses précédents romans, nous nous retrouvons ici dans un abîme de laideur pitoyable où l’amour n’existe plus ou n’arrive plus à exister. L’incompréhension de l’autre et la solitude sont partout tout le temps faites chair. Christophe Levaux contient ce texte de bout en bout et nous donne à réfléchir, nous terrifie tous, lecteurs, dans notre humanité vacillante façonnée par les structures sociales qu'il s'agit de déconstruire et de refonder.

Editions Do, 17 €btn commande

ici ailleurs aubenasL'avis d'Anouk:

"C'est une des choses que j'ai appris à chérir dans mon métier: écrire sur le vivant, rendre compte des palpitations et du souffle d'une époque sans savoir où elle nous mènera".

Ici et ailleurs rassemble des articles publiés par Florence Aubenas dans le journal Le Monde entre 2015 et 2022.

Avec la générosité et l'acuité qu'on lui connaît, avec son sens inouï du détail, ses portraits épatants et son écriture ciselée, Florence Aubenas nous donne des nouvelles du monde tel qu'il va. De la nuit du Bataclan à l'Ukraine, des ronds-points occupés par les gilets jaunes à la mort d'un éleveur en Saône-et-Loire, elle raconte au plus près, au plus juste, l'hyper-contemporain. Et c'est sidérant d'intelligence et d'humanité.

Un livre en mouvement, qui ausculte les luttes, les espoirs et les angoisses qui nous traversent.

Éditions de l'Olivier, 21.50 eurosbtn commande

Disponible en format numérique ici