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De roman en roman, la virtuosité d’Emmanuelle Pirotte est toujours éclatante. À l’aise dans tous les registres, du roman historique à l’anticipation, de l’aventure au drame, elle a une imagination romanesque affutée, une force d’évocation qui vous embarque, en quelques lignes, dans une cave peuplée de civils pendant la bataille des Ardennes (dans Today we live) ou dans les grands espaces vierges du Canada au 17e siècle (dans Loup et les hommes). Cela s’appelle le panache: une confiance absolue dans les merveilleux pouvoirs de la fiction.
Avec Les Reines, Emmanuelle Pirotte ose plus que jamais la démesure du récit. Plus de cinq cents pages pour brouiller toutes les lignes et réinventer les genres, entre dystopie féministe, épopée ou tragédie shakespearienne. Et l’on se régale autant qu’elle de ce vertige romanesque.
Les Reines nous projettent dans l’après-catastrophe. Notre Vieux Monde n’est plus, ruiné par la voracité des hommes. Mais la Terre s’ennuie des humains, et leur donne une nouvelle chance en changeant les règles du jeu. Désormais, les femmes seront au pouvoir. Sur les ruines du Vieux Monde, elles tiennent des royaumes solides, et parfois même prospères. Peu peuplés, ces royaumes sont aussi traversés par des populations nomades: Gipsies, comédiens, travailleurs itinérants… C’est à l’un de ces peuples errants qu’appartiennent Faith et Milo, héros solaires et cœurs battants du livre. Milo avait dix ans à peine quand la toute petite Faith, orpheline, a jeté son dévolu sur lui. Il a été pour elle un grand frère, un compagnon de jeu, un père de substitution. Jusqu’à ce que s’en mêlent des sentiments amoureux et que Milo se trouve mis au ban de son peuple.
L’histoire de Faith et de Milo est au centre d’un échiquier bien plus vaste, où évoluent des reines dont le pouvoir tyrannique n’a rien à envier à celui du patriarcat du Vieux Monde. Jalousies, ambitions, orgueil rythment la solitude vertigineuse de ces souveraines, Alba la recluse ou Edda la farouche Amazone, ennemie résolue des hommes…
Emmanuelle Pirotte lance à grande vitesse de nombreux fils romanesques et prend plaisir à les tresser et les emmêler. Pour autant on ne se perd jamais, tant la narration est fluide et maîtrisée. En évoquant un temps sorti de ses gonds, en utilisant un futur si lointain qu’il lui offre une grande liberté d’imagination, elle n’en conserve pas moins une structure classique. Le roman fait de nombreux clins d’œil aux chefs-d’œuvre du Vieux Monde et à leur "beauté fracassante". Les tragédies antiques ou les pièces de Shakespeare sont comme le miroir des amours, des secrets, des déchirements de Faith, de Milo et des autres.
Dans un monde réensauvagé, l’humanité qui se déploie dans Les Reines semble aussi imparfaite que nous le sommes. Elle a toujours soif de sang et de possession. Et pourtant, elle sait aussi accueillir la beauté, la vulnérabilité, le tremblement de la passion. Emmanuelle Pirotte rend terriblement proche, et touchante, cette espère humaine d’après la Chute.
Le carré des indigents est un roman policier résolument old school, et pas seulement parce qu’il nous plonge dans la France de 1973. Claude Schneider, inspecteur solitaire à la Philip Marlowe, n’en finit pas de panser les blessures de ses années algériennes. S’il lui reste des illusions après ce qu’il a vu et vécu là-bas, elles vont s’envoler définitivement lorsque meurt Betty Hoffmann, une adolescente de 15 ans violée et sauvagement assassinée. Dans une ambiance de fin de règne (Pompidou est mourant, les années Giscard se profilent) où toutes les ambitions s’étalent de façon parfois nauséabonde, la rigueur et l’honnêteté de Schneider détonnent, et émeuvent.
L’écriture d’Hugues Pagan est précise, virevoltante; elle prend le temps de la description et capte les lumières, les humeurs, les rapports de force. Loin des thrillers haletants et formatés, aux phrases courtes et à l’efficacité fabriquée, Le carré des indigents est un somptueux roman d’atmosphère, un noir mélancolique et corsé comme on les aime.
Oh la pétillante histoire de Noël que voici !
Qu’on se le dise : Mousse est de retour et on va faire la fête avec lui. Mousse, c’est un sympathique petit personnage qui vit dans sa maison en bord de mer une existence faussement tranquille. Quand l’album s’ouvre, nous le trouvons à l’aube de la journée la plus exaltante de l’année : celle où l’on installe le sapin de Noël. Trouver un sapin, le décorer, savourer l’attente de la fête : tout met Mousse en joie.
Mais hélas ! Dès le lendemain, les contrariétés s’amoncellent. Puis c’est un appel qui plonge Mousse dans la perplexité : sa sœur l’invite à la rejoindre en ville pour y passer les fêtes. Difficile de dire non à pareille proposition, et pourtant Mousse hésite : aurait-il tout préparé pour rien ?
Humour décalé, douceur de l’aquarelle, poésie, sens de la fête... tous les ingrédients sont réunis pour une fin d’année qui swingue. On adore le travail de Claire Lebourg et sa fantaisie débridée. Elle fait merveille une fois de plus avec Rendez-vous chez Mousse, une ode à l’imprévu, à l’amitié et au bonheur.
L'École des Loisirs, collection Mouche, 8.50 €
Far-West, années 1890. Ada a 17 ans et se destine à une carrière de sage-femme – un métier certes essentiel mais qui se rapproche, dans les esprits étriqués et superstitieux de cette bourgade du Texas, d’une magie certaine. De surcroît, en ces temps reculés de chasse aux sorcières où l’unique rôle d’une femme est d’enfanter, son ventre ne s’arrondit toujours pas.
Pour échapper à la pendaison, Ada s’exile et pénètre dans un gang de « bandites » de grands chemins, de femmes qui ont subi le même sort qu’elle, et qui, éprises de rage et de liberté, sont devenues des hors-la-loi par nécessité. Anna North réussit le défi de nous plonger dans un véritable western, bourré d’aventure, d’action et borné des topoï propres au roman de genre. En revanche, elle le fait à la sauce féministe, en se focalisant sur les violentes disparités de cette époque, qui fascine encore, ainsi que sur les infaillibles pouvoirs que peut porter la sororité.
Éditions Stock, La Cosmopolite, traduit de l'anglais (États-Unis) par Jean Esch, 23 €
Disponible en format numérique ici
L'avis de Régis:
Nous sommes des inconditionnels de la revue 180°, une revue de cuisine unique en son genre. Tout y est beau, bon, savoureusement décalé. Chaque trimestre, nous partons à la découverte d'un terroir, d'une région, de produits de saison ; nous salivons devant les recettes gourmandes ; nous nous faufilons auprès de celles et ceux qui pensent et font la gastronomie d'aujourd'hui. 180° aime aller à leur rencontre et les faire parler, en toute simplicité.
Cette revue, c'est un peu comme un restaurant de copains, un lieu où l'on se sent parfaitement bien.
Cet automne, une collaboratrice de la revue, Delphine Brunet, publie Le garde-manger idéal et c'est une petite merveille !
Mise en page rétro, qui fait penser aux carnets de recettes de nos grands-mères, photographies magnifiques d'Eric Fénot qui subliment chaque proposition, ce livre est déjà devenu un classique de notre rayon cuisine. Une première partie, plus technique, nous apprend à conserver les aliments. Une seconde partie propose une centaine de recettes à réaliser au fil de l'année et à conserver dans nos placards à provision. Pickels de radis, câpres de capucines au vinaigre, caponata, confiture de mûres, pâte à tartiner... 2023 sera une année joyeusement gourmande!
180°-Thermostat 6, 35 €