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debrocqalvarezCe samedi 27 mai à 11 heures, nous vous invitons à fêter les 10 ans de la collection iF en compagnie d'Aliénor Debrocq et d'Alexis Alvarez.

Créée et dirigée par Antoine Wauters au sein de la Maison de la Poésie d'Amay, la collection iF accueille des livres à la croisée des genres littéraires. Des textes de Laura Vazquez, Karel Logist, Lisette Lombé, Nicole Caligaris, Emmanuel Régniez et bien d'autres donnent à la collection sa tonalité "transfrontalière".

passager mccarthyL'avis d'Anouk:

La parution ce printemps de deux nouveaux romans de Cormac McCarthy est un événement à plus d’un titre. Evénement éditorial, bien sûr, puisque Cormac McCarthy n’avait plus rien écrit depuis la parution et le succès mondial de La route, il y a seize ans de cela. Plus singulièrement, la parution du Passager et de Stella Maris est aussi un événement pleinement littéraire, qui vient éclairer d’un jour nouveau et bouleversant une œuvre majeure de notre temps. À près de 90 ans, Cormac McCarthy se révèle d’une audace, d’une modernité et d’une liberté que l’on rencontre rarement, et le suivre dans ce diptyque de l’autre côté du miroir est une expérience fascinante.

dialogues en public pasoliniL'avis d'Anouk:
 

"La vérité n'est pas toujours faite que de vérité: c'est souvent une vérité naissante, contournée, mélangée avec de fausses vérités, ou des vérités dépassées".

 

Entre 1960 et 1965, avec quelques interruptions pendant le tournage de ses films, Pasolini répond aux questions des lecteurs de Vie Nuove, l'hebdomadaire du Parti communiste italien. Les questions viennent des quatre coins de la péninsule, et de lecteurs d'âges et de parcours on ne peut plus divers. Elles portent sur l'oeuvre de Pasolini lui-même, mais aussi sur la vie politique, les séquelles des années fascistes, les interrogations métaphysiques... À chacun de ses interlocuteurs, Pasolini répond longuement, partageant ses doutes et ses convictions, ses analyses littéraires, ses réflexions politiques.

 

Ces Dialogues en public sont passionnants de bout en bout. Ils nous montrent une démocratie en acte, un partage du langage comme "matière collective", une façon polyphonique de faire exister la politique. Pasolini y apparaît dans toute sa profondeur: généreux, disponible, affranchi. C'est dans ce dispositif d'écoute et de partage que sa pensée se construit, toujours à l'affût, toujours en mouvement. Et si ces "Dialogues" ont aujourd'hui 60 ans, ils n'ont rien perdu de leur acuité et résonnent souvent étrangement avec nos propres interrogations.

 

Les Dialogues en public sont accompagnés d'une éclairante préface de Florent Lahache.

 

>>> retrouvez notre sélection de livres de et autour de Pier Paolo Pasolini ici: https://bit.ly/3UgdSqu

 

Éditions José Corti, traduit de l'italien par François Dupuigrenet Desroussilles, 23 €btn commande

L'avis de Marykalmannse :

L’action se déroule à Raufarhöfn, petit port du nord de l’Islande, que l’imposition des quotas de pêche ont poussé au déclin. Dans ses rues désolées se balade fièrement, chapeau de shérif vissé sur la tête et arme pendant à la ceinture, Kalmann Odinsson, l’esprit simple du village. Pêcheur de requin bien connu de tous les habitants du village, il est le narrateur de cette histoire.

Un matin de début de printemps, lors d’une partie de chasse au renard en solitaire, Kalmann découvre une gigantesque tache rouge dans l’immaculé de la neige. À qui appartient ce sang ? À une bête ou à un humain ? Alors que l’homme riche de la région est porté disparu depuis quelques jours, la police débarque dans la bourgade et Kalmann, témoin principal, est évidemment mis en cause. Et il apparaît rapidement que, au-delà des réponses décalées et farfelues qu’il apporte aux enquêteurs, il en sait plus qu’il ne le laisse entendre…

L’intrigue, adroitement échafaudée, enveloppe le lecteur de son atmosphère glaciale. Mais outre cela, le tour de force de l’écrivain suisse germanophone Joachim B. Schmidt est de subtilement réussir la périlleuse entreprise de se mettre dans la peau et la tête de son personnage porteur de handicap mental. La version des faits de Kalmann mêle ses souvenirs, ses craintes, ses désirs et ses ressentis hypersensibles. Comme lui, le lecteur se sent perdu, oppressé, tantôt en colère, tantôt apaisé. Les clichés sont évités, Kalmann sonne juste et ce, jusqu’à l’apothéotique dernière page de ce roman noir que l’on vous recommande !

 Gallimard, La Noire, traduit de l'allemand (Suisse) par Barbara Fontaine, 22 €btn commande

kramp ferradaL'avis d'Anouk:

Elle s'appelle M., elle a huit ans et grandit dans le Chili des années '80.

Plutôt que s'ennuyer sur les bancs de l'école, M. préfère accompagner son père, représentant de commerce pour les outils Kramp, dans sa tournée des quincailleries. Boulons, marteaux, judas et scies n'ont pas de secrets pour M. Ils sont sa passion et sa cosmogonie: le Grand Menuisier n'a-t-il pas parsemé le ciel de petits clous Kramp tellement brillants qu'ils éclairent nos nuits? D., le père, est un brave homme aux rêves étroits, comme décolorés (il démarre sa carrière au moment-même où Neil Armstrong pose le pied sur la lune). Père et fille profitent de la présence erratique de la mère pour multiplier les tournées et les rencontres avec d'autres "voyageurs de commerce" souvent hauts en couleur. Leur complicité s'affirme, nourrie de mille et une scènes cocasses, soudée par le fabuleux catalogue Kramp. Et puis la présence de la fillette facilite souvent les transactions avec les gérants de quincaillerie; M. comprend vite qu'elle peut négocier sa part de bénéfices.

Pour M., la vie est fiable: que peut-on craindre quand on grandit parmi les meilleurs outils? Son père le répète souvent: "il était improbable qu'une maison construite à 80% de produits Kramp puisse s'effondrer".

Mais l'improbable n'a pas toujours la politesse de se tenir à distance. Il va faire irruption dans la vie de M. lorsqu'un photographe monte dans la voiture de son père. C'est une connaissance de la famille, un ami surgi du passé de la mère. Il traque avec son appareil photo les fantômes de la dictature, ces opposants assassinés sans laisser de traces. L'innocence et la bonhomie de la première partie du livre volent en éclat dans le cauchemar des années Pinochet. Aucun outil ne peut réparer l'absence et le vide, aucun boulon ne peut faire tenir ensemble les pièces disloquées du puzzle. Pour M., la prise de conscience est brutale et signe la fin de l'enfance.

"Kramp" est un roman d'initiation qui réussit à faire tenir ensemble l'exquise saveur de l'enfance et la conscience poignante de la violence du monde. L'écriture de Maria José Ferrada ressemble à son héroïne: maline, frondeuse, déterminée. Le livre est bref et intense, de ceux que l'on n'oublie pas.

 

Quidam Éditeur, traduit de l'espagnol (Chili) par Marianne Millon, 16 €btn commande

Disponible en format numérique ici