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Grand Monde Lemaître CalmannL'avis de Maryse:

Le Grand Monde de Pierre Lemaitre, l’écrivain lauréat du Goncourt 2013 avec le tout bon Au revoir là-haut, inaugure de manière palpitante une nouvelle trilogie se déroulant à l’époque des Trente Glorieuses.

1948 à Beyrouth. La famille Pelletier, on ne peut plus française et implantée au Liban, jouit d’une excellente situation grâce au succès commercial international de la fabrique de savons créée par M. Pelletier père, Louis de son prénom, et son épouse Angèle, dans l’Entre-Deux-Guerres. Beyrouth, Saïgon, Paris : leurs quatre enfants, aux tempéraments fort disparates, empruntent des chemins variés, que le lecteur suivra de manière insatiable jusqu’à la dernière page du roman.

Avec cette saga familiale aux allures de roman-feuilleton d’excellente facture, Pierre Lemaitre reste fidèle à ce qu’on aime vraiment chez lui ! Par le biais de la destinée de ses personnages et grâce à un extraordinaire sens du réel, il compose avec brio le portrait vivant d’une époque : celle des lendemains rudes de la Deuxième Guerre dans un Paris marqué par les restrictions et les révoltes ouvrières ; celle de l’Indochine française, en proie à une domination coloniale des plus obscènes, au juteux capitalisme de guerre, à une corruption d’état plutôt visqueuse, et à l’enlisement dans une lutte indomptable et cruelle contre le Viet Minh.

L’écriture de Pierre Lemaitre est déliée, le style indirect libre employé donne littéralement corps aux personnages, l’intrigue est rythmée voire rocambolesque, la lecture est vivante. Et, comme toujours chez Lemaitre, un angle de vue engagé, acéré et non sans humour vient subtilement relever la recette gagnante !

Calmann-Lévy, 22,90 eurosbtn commande

monument national deckL'avis d'Anouk:

Ne cherchez plus:  le roman le plus drôle et le plus retors de ce début d’année est signé Julia Deck. Son Monument national, comédie sociale menée à vive allure, est un régal d’ironie, de subversion et de malice.  

Serge Langlois est un sacré monument national. Gloire un peu passée du cinéma français, il tient de Belmondo et de Depardieu avec une touche de Johnny Hallyday ; il n’y a guère qu’Alain Delon pour lui faire de l’ombre ("un rival et un frère depuis plus de quarante ans"). L’âge venu, à peu près rangé de ses addictions, Serge Langlois coule des jours paisibles dans son château aux portes de Paris, entouré de sa troisième épouse, d’une armada de domestiques et de sa collection d’ancêtres automobiles. Ancienne miss Côte d’Azur, Ambre Langlois règne sur l’intendance du château et met sa vie en scène sur instagram et dans la presse people. Les deux enfants adoptés par le couple, Orlando et Joséphine (qui est aussi la virevoltante narratrice du roman) grandissent en observant ce drôle de petit monde.

Sous le décor glamour de la vie des Langlois, tout est faux, aussi toc que le décor Louis XVI dans lequel ils évoluent. Changements d’identité, mensonges et doubles vies: chacun ici a des choses à cacher, et l’on va de fausses pistes en chausse-trapes – Julia Deck excelle depuis Viviane Elisabeth Fauville à construire des intrigues à tiroirs et à se jouer avec brio de ses lecteurs. Aussi, quand des vents contraires se mettent à souffler sur ce monde d’apparences très trompeuses, ledit monument national s’effondrera tel un château de cartes.

Avant cela, on aura croisé dans les coquets salons des Langlois une caissière en cavale, un coach sportif au passé louche, le couple Macron soucieux de "faire populaire" et quelques inquiétantes pattes de lapins. C’est dire si l’intrigue est ébouriffante et inclassable, si elle attrape notre époque et ses faux-semblants dans des filets bien serrés.

Monument national est une joyeuse mécanique romanesque. En détournant les codes du vaudeville, du roman social et du huis-clos, Julia Deck signe un livre singulier, irrésistible et implacable. Du grand art!

 

Éditions de Minuit, 17 eurosbtn commande

Disponible en format numérique ici

connemara mathieuL'avis d'Anouk:

Trois ans après Leurs enfants après eux et son Prix Goncourt, Nicolas Mathieu poursuit son exploration romanesque de la vie ordinaire. Il parle comme personne des rêves d'ado fracassés sur le mur du réel, des amours trop souvent déçues, de cet Est de la France où le ciel bas écrase les aspirations à une vie meilleure.

Cela pourrait être terne et c'est tout le contraire: la vie pulse à chaque page, avec un effet de réel saisissant et énergisant. Connemara est une histoire de colère et de rédemption, portée par des personnages inoubliables. Nicolas Mathieu est l'incroyable sismographe de leurs émotions, de leurs échecs, de leurs espoirs – qui sont aussi les nôtres.

 

On ne choisit pas de naître à Cornécourt. Dans cette petite ville proche d’Épinal, la vie s’étire sans horizon. C’est l’un de « ces endroits qui n’ont ni la mer ni la tour Eiffel, où Dieu est mort comme partout, et où les soirées s’achèvent à vingt heures en semaine et dans les talus le week-end. »

Adolescente brillante et solitaire, Hélène grandit auprès de parents aimants mais aux ambitions modestes. Elle sait qu’il lui faut s’arracher, et vite, à cet Est trop terne. La vie l’attend ailleurs. Les études, un boulot harassant mais lucratif, un mariage avec un fils de bonne famille: quand elle revient à presque 40 ans dans sa Lorraine natale, Hélène a pris sa revanche sur son milieu d’origine. Et pourtant: est-ce que cela ressemble à ça, une vie réussie? À tant et tant d’arrangements avec la vérité, tant et tant de renoncements, aux yeux si souvent fermés sur la médiocrité, le machisme, les trahisons? Hélène se sent flouée. L’amertume et la colère se disputent son esprit.

Autour d’Hélène, Connemara tisse sur trente ans les trajectoires de femmes et d’hommes sur le fil. On y croise des enfants déchirés par les tourments des adultes, des adolescents aux désirs flamboyants, des corps solaires ou en souffrance. On y pousse la porte de cafés miteux, d’hôtels de zone commerciale où cacher une heure de sexe adultère, d’open space où exprime crûment la violence du monde du travail. Le sens du détail de Nicolas Mathieu fait merveille. Il sait d’un mot ou d’un silence dire la complexité des êtres, des lieux, des situations. La fresque est grandiose, d’une intelligence percutante sans renoncer jamais à la tendresse, à la générosité, à l’empathie.

 

Addictif et mélancolique, romanesque et politique, Connemara confirme l'immensité du talent de Nicolas Mathieu. Un livre dont on sait déjà qu'il deviendra un classique.


 
Actes Sud, 22 eurosbtn commande
Disponible en format numérique ici