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origine des larmes duboisL'avis d'Anouk:

Il s’appelle Paul, vit à Toulouse où il est né un 20 février, il aime les chiens et le cinéma: Paul Sorensen partage tout cela avec les héros des autres romans de Jean-Paul Dubois. Ces petits détails égrenés de livre en livre, ainsi qu’un entêtant sentiment d’étrangeté, sont la signature du romancier et font que l’on se sent d’emblée en intimité lorsque l’on ouvre un de ses livres.

L’origine des larmes pour autant est un roman qui trace de nouveaux sillons dans l’œuvre si riche de Jean-Paul Dubois. Il s’ouvre en 2032, dans un futur très proche mais intrigant. Depuis des mois et des années, il pleut sur la France comme il pleure en Paul Sorensen. L’eau qui ruisselle, fait déborder les rivières, estompe les paysages, c’est la même que celle des larmes retenues par Paul.

Homme solitaire et blessé, Paul va nous dérouler le fil de son histoire, et elle est poignante. Tout commence par une tragédie, une béance originelle impossible à combler : la mort de sa mère et de son frère jumeau pendant l’accouchement. Voici Paul lancé dans le monde avec le poids de cette double absence. Il grandit auprès d’un père violent et manipulateur, et la haine qu’il lui voue devient une obsession – presque l’unique raison de vivre de ce garçon qui a dû, d’emblée, renoncer à tout. Son père, Paul finira par le tuer. Mais il attend pour cela qu’il soit déjà mort. C’est à la morgue que le fils loge deux balles dans le crâne du père. Un geste fou et désespéré, qui désarçonne la justice. Pour toute condamnation, Paul devra pendant un an rencontrer un psychiatre et explorer avec celui-ci « les friches de [son] âme ».

Les chapitres brefs et tendus de L’origine des larmes égrènent les sessions chez un psy qui, lui aussi, en sait long sur les larmes. Au fil de leurs entretiens, Paul et Guzman vont éplucher « les minutes du dégât des hommes ». Un travail éprouvant pour Paul, contraint de « solliciter sa mémoire en permanence, la maintenir sur les rails de l’exactitude, absorber les répliques des instants les plus émouvants », mais qui va aussi être une forme d’échappatoire à la haine et l’occasion de se réapproprier ses souvenirs, sa vie, son destin.

La pluie incessante reflète le dérèglement et l’incertitude qui pèsent sur notre monde, mais selon Paul « chaque averse, prise individuellement, m’offre une pause, un peu de paix, allégeant le poids des jours et celui d’être ». De même les rencontres avec Guzman, qui sont comme « une expédition incertaine, périlleuse et lointaine », portent aussi, fragile, délicat, décisif, la possibilité d’un recommencement.

C’est dans cette tension-là que se tient L’origine des larmes, roman teinté de noirceur et de désespérance mais qui sait aussi, avec l’ironie et l’acuité que l’on aime infiniment chez Jean-Paul Dubois, faire poindre la lumière derrière le rideau des larmes.

 

Éditions de l'Olivier, 21 eurosbtn commande

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