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don du pere santoliquidoL'avis d'Anouk:

"C’est en écrivant que s’est enraciné en moi une sorte de pays d’encre, où les champs ensoleillés prolongent les hauts-fourneaux, où les vignes et les oliviers, perchés sur des terrils, dominent le temps et aussi la mort."

 

Dans la Belgique de l'après-guerre, on fait venir "des bras contre du charbon". Partout en Wallonie, terre de mines et de sidérurgie, les ouvriers italiens arrivent en nombre et affrontent l'exil, le racisme ordinaire, la dureté du travail, le ciel bas.

Le père de Giuseppe Santoliquido est adolescent lorsque ses parents s'installent dans la région de Liège. Il s'acclimate avec aisance à sa nouvelle vie. Élève modèle, maitrisant rapidement le français, il rêve de devenir avocat. Mais son père ne l'entend pas ainsi: puisqu'il ne peut offrir l'Université à tous ses enfants, aucun n'y aura droit. Gerardo courbe l'échine. Une lumière en lui s'est éteinte que rien, ni un mariage heureux, ni sa réussite professionnelle d'ouvrier devenu son propre patron, ne viendra raviver.

Après L'audition du Docteur Gasparri et L'été sans retour, le romancier belge Giuseppe Santoliquido délaisse les voies de la fiction: son Don du père raconte, avec pudeur et émotion, le destin d'un père dont il a mis du temps à démêler les parts d'ombre. À travers le destin de cet homme, il nous partage une histoire sociale de la Belgique autant qu'une réflexion très universelle sur le poids des héritages, le malaise éprouvé par un fils gravissant les échelons de la société, et la façon dont les blessures de l'exil s'insinuent d'une génération à l'autre.

Alors que son père est rattrapé par la maladie, Giuseppe Santoliquido retrace avec ce livre sa "cartographie intime". En cherchant à mettre des mots sur "l'irrésolu" qui a toujours habité sa relation à son père, il acquitte sa dette d'amour et de liberté.

 

Gallimard, 20 eurosbtn commande

Disponible en format numérique ici

 

Giuseppe Santoliquido présentera Le don du père à la librairie ce jeudi 9 avril à 19h30. Toutes les infos sont par ici

 

ta promesse electreL'avis de Maryse:

Ta promesse raconte de manière fort subtile les mécanismes de l'emprise à travers le récit d'une relation toxique.

Claire Lancel, écrivaine quinquagénaire renommée, tombe amoureuse de Gilles Fabian, homme de théâtre. Le couple, dont l'amour s'est soudé au-delà des expériences houleuses vécues respectivement par le passé, nage dans un bonheur épris de quiétude et de bienveillance. Les amants ne se promettent pas monts et merveilles, mais bien le respect de l'intégrité de chacun. C'est stable, c'est sain, bien que passionné. Toutefois, puisque, comme le dit Claire, "dans les livres, le bonheur lasse tout le monde", le lecteur attend la chute, annoncée par touches insidieuses, alors que l'atmosphère se tend doucement, en crescendo, jusqu'à l'asphyxie.

Et Camille Laurens de brouiller astucieusement les pistes entre le réel et la fiction, son personnage et elle-même - du moins ce que le public connaît d'elle-même - au point d'en troubler la lecture.

Dans ce roman, qu'on engloutit d'une traite, le métier à tisser la toile de l'ascendant psychologique fonctionne impeccablement, à l'instar des rouages aiguisés de l'écriture qui manoeuvre le lecteur tel un pantin.

Brillant.

Gallimard, 22,50 euros.btn commande

Disponible en format numérique ici.

sophia de duveL'avis d'Anouk:

Un livre comme une trajectoire: précis, vif, poétique.

Avec Sophia, Éléonore de Duve tisse un destin de femme dans ce qu’il a d’essentiel. En 47 tableaux, elle donne à voir et à sentir l’épaisseur d’une vie : gestes, sensations, désirs, blessures, tendresses. Les mots dansent, comme Sophia quand s’ouvre le livre. Ils sont libres et ivres de cette liberté : la langue d’Éléonore de Duve voltige, transgresse, résonne. La phrase polit les mots comme les galets caressés par l’eau d’un ruisseau. La richesse d’écriture qui avait ébloui dans son premier roman, Donato, donne un relief singulier à Sophia – sa beauté et sa grâce.

L’histoire de Sophia s’écrit à rebours. Elle s’ouvre "dans la toundra dans le noir, au sein des fusils", alors que Sophia danse sous les balles. Quand les premiers mots de Donato parlaient de Genèse, c’est de fin dont il est question ici, de mort et d’une guerre imprécise mais dont l’ombre s’étend partout. Ce premier tableau en appelle d’autres, "chaque unité reliée à l’autre forme un ensemble, mouvant". Nous remontons de tableau en tableau vers l’origine, la naissance et même la vie d’avant la vie. Les tableaux se cousent mot à mot. Souvent s’y énonce et s’y annonce le titre du tableau suivant. La broderie avance point à point mais garde sa part floue: "elle picote le canevas, elle n’en suit pas les lignes, poinçonne à sa guise".

Dans les tableaux la vie palpite. Il y a des fleurs, beaucoup de fleurs, « une botanique concrète » qui nous rappelle que la vie est transformation. Elle patiente, bourgeonne, éclate de splendeur, puis s’éteint ; "les fleurs mettront un temps à revenir", mais elles reviennent, insistantes. La guerre n’éteint pas la vie, les visages demeurent comme les noms des morts, ils sont fragiles mais leur ténacité émeut.

Et puis il y a l’amour qui circule entre chacun des tableaux et se décline à l’infini: amour d’un paysage même meurtri, amour maternel, souffle des amants, amour contenu dans les gestes les plus simples, amour souple et fluide qui s’affirme: "au bord de je t’aime, qu’on se le tienne pour dit, il y aura toujours je t’aime".

Sophia poursuit le beau chemin d’écriture d’Éléonore de Duve. C’est un livre audacieux, libre et luxuriant, qui nous fait toucher avec beaucoup de finesse et d’humanité ce qu’est la guerre, comment elle s’inscrit dans les corps et les cœurs. Un livre aussi sur la vie qui insiste, "qui sait où le passereau s’en va".

Éditions José Corti, 16 eurosbtn commande