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nourricesL'avis de Maryse:

Dans un village reculé, à une époque oubliée, c’est dans la chair des femmes qu’on puise la subsistance des foyers. Sylvaine, jeune mère dont l’enfant vient d’être sevré, suit le chemin de nombreuses autres : elle vend son lait à une famille aisée de la ville, qui lui confie sa petite fille à nourrir.

Une nuit baignée de lune, à la lisière de la forêt où elle habite, Sylvaine découvre un nourrisson abandonné, accompagné d’un carnet racontant son histoire — chose rare dans une région où peu savent lire. Quand le bébé qu’elle allaite meurt soudainement dans son sommeil, elle échange les enfants. Ce geste n’est pas tant motivé par le besoin d’un revenu que par un attachement instinctif, comme si la lune avait scellé un lien d’amour entre la nourrice et l’orpheline. Mais dans ce monde âpre, où les hommes règnent sans partage sur les corps et les âmes des femmes, il n’est de salut pour ces dernières que dans la sororité — seul rempart contre la chute, la violence et l’effacement.

Ce premier roman à la fois singulier, envoûtant et chargé de sensualité, oscille entre fable et récit social. Séverine Cressan y dévoile les rouages d’une industrie méconnue du passé et en explore les implications collectives. En outre, elle parvient, par traits fins et poétiques, à donner corps à des femmes restées dans l’ombre de l’histoire, mais dont la profession, aussi taboue qu’elle fût, revêtait un caractère éminemment humain.

 Dalva, 21,50 euros.btn commande

oreille absolue desartheL'avis d'Anouk:

C’est l’hiver. Dans la campagne normande pailletée de givre, le temps semble suspendu. Regardez: les rosiers portent encore des fleurs, et là perce le rouge d’une framboise. Écoutez: de la salle des fêtes monte la musique de l’harmonie municipale. Respirez: il y a de la magie tout autour, un enchantement, une grâce. Tout cela, c’est L’Oreille absolue, le délicieux nouveau roman d’Agnès Desarthe.

Dans les livres d’Agnès Desarthe, la musique est toujours là. Musique d’une langue souple et déliée, musique des motifs qui insistent d’un livre à l’autre en subtiles variations, musique des rythmes et des constructions romanesques harmonieuses, ou musique qui, comme dans L’éternel fiancé, donne sens aux vies des personnages.

Avec L’oreille absolue, Agnès Desarthe nous entraine dans un roman qui n’est que musique. Elle compose une polyphonie de voix et de destins, tisse des solos et des duos, brasse la vie avec ses chagrins et ses joies, nous entraîne dans un enchainement de reprises, de refrains, de variations. Le livre naît de son propre plaisir de musicienne: comme ses personnages, Agnès Desarthe joue dans l’orchestre de son village. Et ce qu’elle nous raconte dans ce livre bref, mais dont les échos demeurent longtemps après la lecture, c’est l’effervescence d’une petite communauté qui se rassemble un vendredi soir pour le concert de Noël.

Le temps de quelques heures, chacun met son quotidien entre parenthèses et se laisse habiter par une aventure collective: jouer ou écouter, ensemble, la musique. Quand la musique parle, on oublie humiliations et angoisses, grisaille et regrets. On a tous les âges, on se déploie dans le temps et l’espace, on appartient à plus grand que soi.

L’oreille absolue raconte cet élan de grâce avec la finesse, l’empathie et l’espièglerie qu’Agnès Desarthe distille dans chacun de ses livres. On se sent bien dans ce livre généreux, et l’on se rappelle que le mot harmonie, quand il n’évoque pas la musique, désigne la paix et l’équilibre.

 

L'Olivier, 19.50 eurosbtn commande

Quitter la valléeL'avis de Maryse:

Au cœur profond du Périgord Noir, non loin de la pittoresque ville de Sarlat-la-Canéda, s’étend la Vallée de la Vézère, un territoire abritant l’un des plus importants ensembles d’art pariétal préhistorique d’Europe. Sur une cinquantaine de kilomètres, plus de vingt-cinq grottes ornées, jadis habitées ou fréquentées par des artistes de la Préhistoire, sont les témoignages fascinants d’un passé artistique vieux de plus de 15 millénaires.

Le roman de Renaud de Chaumaray retient le lecteur au creux de ces cavités gravées dans les profondeurs du passé, rappelant ainsi à ses personnages – et à ceux qui s’immergent dans leur histoire – que face à la rivière du temps, leur vie n’est qu’un instant fugace.

Clémence et son fils Tom trouvent refuge dans une bicoque isolée nichée dans la roche, loin des violences de l’homme qu’ils fuient. Non loin de là, Fabien, employé à Lascaux IV et spéléologue amateur, se prend à rêver : et s’il venait de découvrir une grotte ornée de peintures préhistoriques ? Accompagné de sa fille, dont il cherche la reconnaissance, il se lance dans l’exploration d’une cavité inconnue. Dans le village voisin, Guilhèm, jeune paysan enraciné dans cette terre, croise le regard de Marion, une vacancière au charme envoûtant. Troublé, il choisit de lui révéler peu à peu les secrets de sa vallée.

Trois récits qui s’entremêlent finement et dessinent, page après page, une fresque dont le rendu final est pour le moins inattendu. Renaud de Chaumaray, en véritable outsider de cette rentrée, excelle dans l’art du roman. En un seul texte, il parvient habilement à conjuguer un regard social et une finesse psychologique, il provoque un suspense de thriller et déclenche un souffle d’aventure, il interroge l’érosion du temps et célèbre une nature luxuriante.

Quitter la vallée est un roman haletant qui exerce sur le lecteur un magnétisme constant – à l’instar des représentations polychromées des parois rocheuses de Lascaux – et on rechigne à le lâcher, jusqu’à sa dernière ligne !

 

Gallimard, 20 euros.

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Disponible en format numérique ici.