librairie
point virgule

Rue Lelièvre, 1 B-5000 Namur | Tél. : +32 (0)81 22 79 37 | info@librairiepointvirgule.be | Du lundi au samedi de 9h30 à 18h30

quand le diable - divryL'avis d'Anouk:

Dans les années 60, Georges Perec écrit Les Choses. C'est le roman d'un temps encore faste, où le bonheur d'un jeune couple d'intellectuels se mesure à l'aune des objets qui s'entassent dans leur appartement. Le temps est à l'hyperconsommation.

Dans nos ternes années 10, Sophie Divry choisit elle aussi pour héroïne une jeune intellectuelle. Surdiplômée, Sophie vit seule: le couple aujourd'hui, ce n'est plus comme avant. Et au lieu de s'entourer de choses rassurantes, Sophie apprend à s'en défaire. Les livres, le grille-pain reçu à Noël, c'est chaque fois quelques euros glanés, de quoi remplir les armoires de pâtes et de Ricoré. Car Sophie a résolument descendu l'échelle sociale. Ses diplômes ne lui assurent que le chômage, et le temps passant même les allocations ne suffisent plus pour vivre.

Avec ce roman qui devait au départ s'intituler Chômage, Sophie Divry aurait pu nous tirer des larmes. Mais parce que "la littérature est une fête", elle réussit tout autre chose: un roman joyeux, foutraque, joueur, autour d'une héroïne que l'on adore adorer. Comme chez Perec, il y a des listes à n'en plus finir, drôles, inventives, jamais gratuites. Mais il y a beaucoup d'autres auteurs auxquels l'on ne peut que penser, George Orwell bien sûr et son fameux Dans la dèche à Paris et à Londres; Ian Levison aussi qui, dans Les tribulations d'un précaire, évoque avec le même humour distancé et ravageur la galère d'un jeune intellectuel. Voire même Pierre Bergounioux, héros bien malgré lui d'une des scènes les plus drôlatiques du livre...

Et le diable dans tout cela ? Il semble que quand on le tire par la queue, il ne manque jamais d'arriver. Sophie en fera l'étrange expérience. Et Hector, son camarade de galère, risque bien de ne jamais s'en remettre.

Avec ce petit livre sans prétention mais non sans malice, Sophie Divry nous donne un vrai roman social d'aujourd'hui. Tout y est politique: l'intime et la famille, le rapport au travail et au monde marchand, les désirs enfouis ou au contraire trop extravertis. Et pourtant, malgré la gravité du sujet, Quand le diable sortit de la salle de bain a la finesse d'être aussi un roman léger et vagabond, qui se plaît à musarder dans les digressions et les improvisations : un bel exercice de liberté.

Noir sur Blanc, Notabilia, 18 €btn commande

rchisteL'avis d'Edith:

C'est une biographie. Mais c'est un roman. Parce que la vie d'Alexandre Jacob, né en 1879 et mort en 1954, est un roman, de ses années en mer à l'éventrement de coffre-forts à la chaîne.

C'est l'histoire d'une fin de 19e siècle agitée où la contestation sociale gronde et où les « agitateurs sociaux » sont réprimés. Parmi ces agitateurs, il y a les anarchistes. Et parmi les anarchistes, il y a Alexandre Jacob, illégaliste. Jacob vole aux riches. Pour saboter à son échelle le système de classes capitaliste. Pour redistribuer. Pour vivre aussi, en tant qu'honnête cambrioleur.

Et il le fait bien voler! Si bien qu'il met au point une petite entreprise horizontale de « transferts de capitaux ». Lui et ses comparses enchainent alors cambriolages d'églises et de maisons cossues et rendent folle la police française. Ils jonglent avec les arrestations mais recommencent de plus belle. Et si procès il y a, c'est l'occasion pour Jacob de séduire le public par sa verve.

« Voleur et anarchiste », c'est l'histoire d'une époque, l'histoire d'hommes et de femmes plein d'idéaux et de panache, plein de colère face aux injustices sociales aussi.

Il vaut la peine de se plonger dans la vie de cet incroyable et intense personnage qui a souvent été assimilé – et souvent trop vite, comme le développe l'auteur dans l'épilogue – à Arsène Lupin, gentleman cambrioleur.

Nada, 16€btn commande

reparer les vivants folio - kerangalL'avis d'Anouk:

Réparer les vivants est un roman comme on en lit rarement. Avec ce texte intense, Maylis de Kérangal confirme, après Naissance d'un pont et Tangente vers l'Est, qu'elle est l'une des plus passionnantes romancières françaises d'aujourd'hui.

"Enterrer les morts et réparer les vivants": sous la lumière intense du Platonov de Tchekhov, Maylis de Kerangal raconte l'odyssée d'un cœur, ces 24 heures qui séparent la fin d'une vie et la renaissance d'une autre. Réparer les vivants est le récit technique, clinique et tragiquement humain d'une transplantation cardiaque. Porté par une langue étincelante et un style sans faille, le livre tient tout à la fois de l'aventure collective et du cheminement intime. Maylis de Kerangal réussit à nous étreindre d'une émotion profonde tout en nous donnant à réfléchir sur le don, sur l'identité, sur le poids des symboles et des représentations attachés au cœur de l'homme. C'est tout simplement bouleversant d'humanité et d'intelligence.

Éditions Verticales, 18.90 €

Gallimard, Folio, 7.50 €

Gallimard, Écoutez lire (texte lu par l'auteur), 21.90 €btn commande