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carte des mendelssohn - meurL'avis d'Anouk:

Au départ du nouveau roman de Diane Meur, une interrogation: qui pouvait bien être cet Abraham Mendelssohn, fils du philosophe Moses Mendelssohn, grand nom des Lumières allemandes, et père du célèbre compositeur romantique? Diane Meur était loin de se douter que son enquête dans les pas d'Abraham se transformerait en aventure au long cours, la menant sur les quatre continents et engageant au plus profond sa propre existence. Ainsi sont les romans: jamais ils ne nous mènent là où l'on pensait aller...

Cinq ans de recherches minutieuses, une généalogie foisonnante qu'elle s'évertue à cartographier, une reconstitution historique menée avec brio: tout laisse attendre un roman historique classique. Mais "La carte des Menselssohn" en est bien éloignée. Car Diane Meur, avec audace et fantaisie, nous fait entrer dans son antre d'écrivain, et montre comment sa vie à elle s'imbrique avec l'évolution de son projet littéraire. On sourit souvent à l'évocation de ses déboires, on a peur pour elle quand on comprend que ce titanesque "chantier Mendelssohn" manque la submerger, on réfléchit aussi, à sa suite, sur l'art du roman, sur l'histoire européenne et sur ce que c'est qu'appartenir à une famille.

Et finalement l'on comprend: ne sommes-nous pas tous des Mendelssohn?

Sabine Wespieser, 25 €btn commande

lachaud a iraL'avis d'Edith:

Un curieux roman d'anticipation qui nous emporte de 2017 à 2037. Le lecteur passe ces vingt années en prison avec Antoine, enfermé pour avoir enlevé et tué le président français avec un groupe révolutionnaire nommé Ventôse. Quand il ressort en 2037, le monde a avancé. Les injustices qu'il avait cru pouvoir combattre sont pires que jamais. La contestation, elle, se cherche. C'est sa fille Rosa et son voisin Ahmed qui vont alors le guider parmi des pages web subversives et le début d'un campement sur l'Élysée aux accents des campements indignés de 2011.

Denis Lachaud nous propose un roman d'anticipation inquiétant car la réalité qu'il nous montre, pourtant bien dérangeante, n'est pas si éloignée de la nôtre. D'une certaine manière, Denis Lachaud ne fait que forcer le trait. L'actualité de ces mois-ci résonnera étrangement aux oreilles du lecteur de « Ah! Ça ira... », qu'il s'agisse des traitements réservés aux migrants, de la sécurité sociale ou des privatisations. Si le roman peut par instants tinter comme trop facilement révolutionnaire, le dénouement (s'il s'agit d'un dénouement) remélange des cartes qui pouvaient sembler trop évidentes.

Un roman d'anticipation d'une grande actualité donc, qui propose en filigrane d'une histoire prenante une réflexion intéressante sur la contestation, l'engagement et le pouvoir ou non de changer les choses. Un seul regret peut-être, c'est que le bout de chemin parcouru avec certains personnages ne soit pas plus long, car l'on s'y attache de plus en plus au fil des pages.

Actes Sud, 21.80€.btn commande

principe - ferrariL'avis d'Anouk:

"Non.

Oh non je vous l'assure.

De ma vie, je n'ai jamais rien vu de plus beau".

Derniers mots de ce roman magistral. Ils résonnent longtemps, profondément. Non, sans doute, on ne lit pas souvent livre plus beau, plus dense, plus essentiel que ce somptueux "Principe".

Au centre du livre, la figure de Werner Heisenberg, physicien de génie qui, en regardant "par-desssus l'épaule de Dieu", élabore à vingt-cinq ans le fameux "principe d'incertitude" et balaie du même coup tout ce que les scientifiques, depuis Aristote, tenaient pour le mieux acquis. Renonçant à quitter son pays dans les années '30, alors qu'il en est encore temps, Heisenberg participera lors de la seconde Guerre Mondiale aux recherches allemandes visant à mettre au point une bombe nucléaire. A-t-il, comme il le dira plus tard, tout fait pour retarder le projet? Personne ne saura jamais s'il faut l'absoudre, ou au contraire le condamner.

Il serait bien entendu réducteur, et erroné, de livre "Le Principe" comme une biographie. Jérôme Ferrari tisse autour de Werner Heisenberg un dense réseau d'échos, de métaphores, d'incertitudes. Le narrateur du Principe, qui ressemble sans doute beaucoup à l'écrivain, est un étudiant en philosophie hanté par la destinée de Heisenberg. Il s'adresse à lui à la deuxième personne, ce qui donne au livre son ton si singulier, si incarné. D'origine Corse, ce narrateur qui a dans sa vie personnelle vu s'éteindre bien des idéaux, tend un miroir fascinant au physicien allemand. Grâce à Heisenberg, il sait que d'une vie l'on ne peut rien dire. Il sait aussi que tout le travail d'un homme est de se tenir au bord de la falaise et d'inlassablement y chercher le sens, y chercher les mots.

Texte bref et vertigineux d'intensité, Le principe est une inoubliable expérience de lecture.

Jérôme Ferrari sera ce samedi 29 août au Théâtre Royal de Namur, invité par l'intime festival à présenter ce livre marquant. Ne le manquez pas!

Actes Sud, 16.50 €btn commande

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