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en salle baglinL'avis d'Anouk:

Précis, enlevé, féroce: En salle, le premier roman de Claire Baglin, est un électrochoc.

Le récit se construit sur le fil entre deux expériences. D’un côté les souvenirs d’enfance de la narratrice, les vacances au camping, le père et l’usine qu’il a chevillée au corps. De l’autre l’entrée dans l’âge adulte, un premier job au fast-food, la déshumanisation qui passe par le corps abîmé, la flexibilité à outrance (« c’est quels jours, ton week-end ?), la pauvreté des relations humaines, le vide émotionnel et intellectuel.

Les expériences de l’enfant et de la jeune femme alternent, basculent l’une dans l’autre, se frottent et s’éclairent. Le montage est vif, plein d’ellipses et le style aiguisé. Dans les mains de Claire Baglin, le langage est un redoutable outil, il met à nu l’aliénation et la violence sociale.

En salle a la détermination farouche des grands romans sur le travail. Il se tient vaillamment dans la lignée de L’établi de Robert Linhart ou de À la ligne de Joseph Ponthus. Une sacrée révélation!


Les Éditions de Minuit, 16 €btn commande

Disponible en format numérique ici

luciole tellegen cneutL'avis d'Anouk:

Les histoires de Toon Tellegen sont des fables bien d’aujourd’hui. Impétueux ou trop sensibles, timides ou prêts à tout pour un peu de reconnaissance, colériques ou rêveurs, ses animaux nous tendent des miroirs gentiment moqueurs. Il y a le mille-pattes qui aurait préféré être un deux-pattes, un trois-pattes, ou à la limite un dix-pattes. Il y a le porc-épic qui s’empresse de laisser tomber ses bonnes résolutions dès le 1er janvier. Il y a l’éléphant qui promène d’une histoire à l’autre sa maladresse et dont les chutes spectaculaires ponctuent l’album.

Tout ce petit monde est illuminé par la grâce des images de Carl Cneut, qui résonnent si parfaitement avec les textes poétiques, espiègles et intranquilles de Toon Tellegen. « La luciole et autres histoires d’animaux » est un album profond et généreux, dont les dix-sept histoires peuvent être lues et relues à l’infini, et à tous les âges.

Pastel, L'École des Loisirs, traduit du néerlandais par Charline Peeters, 20 €btn commande

carnet de voyage edmond de garenneEdmond de Garenne est un lapin-artiste que vous avez peut-être croisé au détour des chemins, carnet à la main, appareil photo en bandoulière. Les carnets de cet artiste tout-terrain nous partagent ses émerveillements devant la beauté de la nature. La poésie d’un caillou, l’envol des cétoines du pissenlit, le colvert qui joue à cache-cache, la forme parfaite d’un nuage… tout est si beau vu à hauteur de lapin!

Thierry Dedieu a retrouvé les notes d’Edmond de Garenne dans son terrier. Il les publie aujourd’hui pour notre plus grande joie, et nous rappelle la devise de l’artiste: "Soyons des aventuriers autour de chez nous!".

 

Le Seuil Jeunesse, 17.90 €

 

 

 

 

 

 

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L'avis de Maryse:

Les trésors du fonds

Le texte est publikyra kyralinaé en 1923 à l’initiative de Romain Rolland qui, après sa lecture au hasard d’un envoi de l’auteur inconnu au bataillon qu’était alors Panaït Istrati, est subjugué et y détecte une perle littéraire. Kyra Kyralina se révèle une découverte singulière, tel un beau bijou façonné dans une contrée lointaine à une époque révolue…

Déjà le seuil du texte, le titre lui-même, amadoue le lecteur. Il l’emporte irrésistiblement au cœur d’un récit initiatique exalté, celui du voyage de Dragomir, parti en quête de la sensuelle Kyra Kyralina, sa grande sœur chérie, enlevée et détenue dans un harem. Le voyage à travers la Roumanie, la Bulgarie, les Balkans et jusqu’aux confins de l’Empire Ottoman, qui est alors au soir de son existence, est rocambolesque, vertigineux et multicolore. Pris dans le mouvement perpétuel vers un objectif fantasmé, flou et vain, l’adolescent candide découvrira le chemin de la vie, qui, nous le savons, sera semé d’embûches et de déroutes. Il y goûtera aussi mille et une saveurs, y respirera d’enivrants parfums, s’y brûlera la peau au gré de rencontres aux teintes explosives. Une véritable aventure.

Dans Kyra Kyralina, les mots mettent les cinq sens en éveil. L’écriture est léchée et sa délicate poésie charnelle et lascive. Le rythme tape à contre-temps et dépayse qui y est immergé…

Années 1880. Panaït Istrati est né à Braïla, une ville fluviale de Valachie. De mère roumaine et de père grec – j’ai lu que ce dernier vivait de la contrebande –, le Danube est son océan. Dès l’enfance, il baroude seul sur les routes d’Europe centrale et orientale, offrant ses services à tous les métiers, parlant une kyrielle de langues. Enfin, selon ses errances, il atterrit en France en pleine Grande Guerre. Puis il se met à écrire dans la langue de Molière et de Romain Rolland. Roman à lui seul, il est aussi et surtout un écrivain autodidacte de génie. Découvrir son œuvre m’a émerveillée, et pour sûr, il en sera de même pour vous.

Folio, 7,20 euros.btn commande

nous les enfants de larchipel lindgren crowtherL'avis d'Anouk:

«Par un matin d’été, descends donc sur le quai de Strandvägen à Stockholm, et s’il y a un petit bateau blanc qui dessert les îles de l’archipel, le Saltkråkan I – oui, le Cormoran, c’est le bon bateau –, il ne te reste plus qu’à monter à bord.»

Une seule phrase, la toute première de cet épais roman, et l’on embarque sans plus attendre: qui pourrait résister à pareille invitation?

Nous voici donc en route pour un été magique à Saltkråkan, l’une de ces centaines d’îles semées entre Stockholm et la Baltique. Nous y sommes en bonne compagnie avec la famille Melkerson, des Stockholmois qui ont loué pour les vacances une vieille demeure au toit percé et aux murs pas si droits. Le père est écrivain et guère doué pour les travaux pratiques. Il est heureusement secondé par Malin, sa fille aînée, qui vient de passer le bac et veille avec patience et tendresse sur son père et ses trois frères. Les journées sont longues dans la lumière du Nord, et elles sont pleines de péripéties – car comme le dit la devise des Melkerson : «Un jour, une vie !».

Les citadins sont accueillis chaleureusement par les habitants de l’île, le vieux Söderman, Martä la généreuse, les terribles sœurs Teddy et Freddy, sans oublier une ribambelle d’animaux qui font le bonheur du petit Pelle. Saltkråkan est une joyeuse utopie, un monde idéal où les enfants donnent le ton, où l’on vit au gré de la nature, où l’on se moque des conventions sociales et morales qui ont cours sur la terre ferme. Sans doute est-ce pour cela que l’on y vit si intensément : « c’est une de ces journées qui pétillent tellement de plaisir et de joie, de splendeur et de bonheur que je sais à peine comment le supporter », écrit Malin dans son journal.

Astrid Lindgren peint avec génie la vie des Melkerson et de leurs amis. L’affection déborde, teintée d’espièglerie et d’humour. Les dialogues vifs et piquants se tissent aux pages du journal de Malin et donnent au roman un incroyable effet de réel. Quant aux illustrations de Kitty Crowther, elles viennent encore sublimer le texte. Leur lumière, leur poésie, leur vigueur font résonner avec force la liberté facétieuse d’Astrid Lindgren.   

On comprend pourquoi, en Suède, Les enfants de l’Archipel sont aussi célèbres que Fifi Brindacier. Et l’on rend grâce à Alain Gnaedig, infatigable traducteur de l’œuvre d’Astrid Lindgren, qui nous offre de découvrir – enfin ! – ce chef-d’œuvre en français.

 

L'École des Loisirs, traduit du suédois par Alain Gnaedig, 17 euronous les enfants crowtherbtn commande