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024L'avis d'Adrien :

Il y avait de quoi avoir peur. Premier roman d’un acteur new-yorkais – Michael Imperioli a notamment tenu le rôle de Christopher Moltisanti, bras droit du Parrain de la mafia Tony Soprano dans la série Les Sopranos, un livre qu’on rapproche du roman culte L’attrape-cœurs de Salinger, Lou Reed en guest star… Autant d’éléments qui intriguent et qui rassemblés en un seul livre sentent le pétard mouillé. Il n’en est rien, tout fonctionne et d’emblée le jeune héros de Wild Side nous happe par sa façon de raconter les histoires, par son humour bancal, par ses réflexions lucides de jeune ado un peu perdu.

Au mitan des années 1970, Matthew vit dans le Queens avec sa mère, usée par la vie et amortie aux anxiolytiques. Orphelin de père, père de toute façon démissionnaire, Matthew et sa mère passent du très middle-class Queens à l’arrondissement cossu de Manhattan à la faveur d’un héritage du grand-père bien aimé récemment disparu. A côté de cette nouvelle vie et de ces nouveaux codes à acquérir, Matthew se lie d’amitié, une amitié bien particulière, avec un surprenant voisin, musicien expérimental, qui n’est autre que Lou Reed, ce dernier vivant alors une idylle avec la transgenre, Rachel. Par ailleurs, Matthew s’éprend de Veronica, belle et intelligente camarade de classe nourrissant des aspirations de grande écrivaine.

Comme tout bon roman initiatique, Wild Side brasse son lot de découvertes où l’on côtoie la mort, l’amour, la musique mais aussi la vivacité virevoltante d’un New York rugueux, non encore aseptisé. Le ton lucide et moqueur de Matthew donne vie à des scènes parfois hilarantes, souvent touchantes. Wild Side est tout simplement beau, très réussi et Matthew, son jeune héros reste, tout comme a pu le faire le Holden Caulfield de Salinger, longtemps à l’esprit.

Autrement, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Heloïse Esquié, 20.90 €btn commande

017L'avis d'Adrien :

Oklahoma, Tribu des Osages, début du XXe (jusqu'à aujourd'hui).

Quand une tribu amérindienne parquée sur des terres gorgées d'or noir s'enrichit, les visages pâles s'en mêlent. Nous avons alors à faire à des tuteurs, trésoriers, curateurs malintentionnés, un enchaînement de meurtres par empoisonnements, accidents en tout genre bien ou mal déguisés, des spoliations en règle. Le livre se développe en deux parties. La première retrace cette histoire. La deuxième montre comment une poignée d’hommes a essayé d’endiguer la machine infernale en enquêtant et révélant au péril de leur vie la sombre affaire.

Avec "La note américaine" de David Grann, on est plutôt du côté du journalisme que du journalisme littéraire, en bref, le style d’écriture n’est pas foncièrement éblouissant, mais quel journalisme, quelle enquête phénoménale! C'est fouillé en diable, captivant, ahurissant et révoltant de voir toutes les ramifications établies pour tant de meurtres commis et camouflés, passés sous silence, tant de familles dépouillées... Et il est fou de voir comment finalement un seul homme a su tenir bon et mener l'enquête (quasi) à bien, mettant en lumière par sa compétence et sa persévérance la toute puissance en devenir du FBI alors balbutiant.

Globe, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Cyril Gay, 22 €btn commande

 

coeur converti - hertmansL'avis de Delphine:

A la fin du XIe siècle, Vigdis, une jeune Normande de haut rang, s’éprend de David, le fils du grand rabbin de Narbonne venu étudier à la yeshiva de Rouen. Bien consciente que son père ne permettra jamais leur union, elle s’enfuit avec lui, renonçant à sa foi, à sa famille et à la vie douce et prospère qui lui était promise. Traqués par des chevaliers du père de la jeune femme, ils marchent vers Narbonne, qu’ils atteignent au terme d’un voyage rude et périlleux et où la famille de David célèbre leurs noces – à ce moment-là, les prosélytes sont bien accueillis dans les communautés juives. Leur répit est hélas de courte durée, et bientôt ils sont forcés de reprendre la route : les chevaliers normands sont toujours à leurs trousses. C’est le début, pour Vigdis devenue Sarah et surnommée Hamoutal par son époux, d’une vie marquée par la fuite, la peur et la solitude, par la quête jamais aboutie d’un lieu où vivre en paix.


À ce récit inspiré d’une histoire vraie, Stefan Hertmans entremêle habilement celui de son enquête et des recherches qu’il a menées pour l’écrire, qui font du Cœur converti un roman abondamment et rigoureusement documenté. L’auteur y brosse le tableau d’une époque en proie au fanatisme et à la violence, où la paix religieuse et l’harmonie – relatives – entre les communautés chrétiennes et juives se sont peu à peu délitées et où les persécutions à l’encontre des Juifs se multiplient, surtout après l’appel à la première croisade par le pape Urbain II. Il nous offre aussi l’occasion de découvrir les usages et les rituels juifs de l’époque, à travers la conversion d’Hamoutal, et de se plonger, grâce aux détails et aux précisions dont le roman regorge, dans le quotidien des hommes et des femmes du Moyen Age. Enfin, les descriptions, nombreuses et évocatrices,  nous immergent dans l’atmosphère des lieux que l’héroïne traverse ou habite, de Rouen au Caire en passant par Narbonne ou Monieux, un petit village provençal où les jeunes mariés trouvent refuge quelques temps avant qu’un pogrom ne le mette à feu et à sang.


Au-delà de cet intérêt historique, Le cœur converti  est un roman passionnant qui raconte le destin singulier d’une femme hors du commun. Vigdis, prosélyte cultivée, est plus d’une fois assaillie par le doute et la nostalgie mais, animée d’une âpre volonté et d’une grande lucidité, elle ne s’écarte pas de la voie qu’elle a choisie et qui fera d’elle une exilée, physiquement et spirituellement, puis une errante, brisée et aliénée par les épreuves, étrangère à elle-même et à la société.


Roman de la fuite et de l’exil, Le cœur converti est aussi un roman de la liberté, ou plutôt de la liberté contrariée et des sacrifices qu’elle exige, dans un temps qui, comme les autres d’ailleurs, ne la favorise guère – ce qui en fait un roman on ne peut plus actuel, et de Vigdis, une héroïne des plus contemporaines.

 

Gallimard, traduit du néerlandais (Belgique) par Isabelle Rosselin, 21.50 €btn commande