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grande maison kraussL'avis d'Anouk:

L'incertitude, l'eimperfection, le fragment: dans ces blancs s'inventent nos vies, nos rêves et les romans les plus ambitieux.

"La grande maison" est de ceux-là.

Nicole Krauss y croise les temps, les lieux et les personnages et laisse au lecteur le soin de patiemment remonter le puzzle. Mais toujours quelque chose échappe. Et cette pièce manquante est la vie même... ou la littérature.

Après "L'histoire de l'amour", Nicole Krauss éblouit une fois encore par la subtilité de son architecture romanesque. Belles et poignantes, les histoires qu'abrite sa "Grande maison" sont autant d'hommages à la toute-puissance de la mémoire et de ses ruses infinies pour consoler de l'échec et de la perte.

Éditions de l'Olivier, traduit de l'anglais (États-Unis) par Paule Guivarch, 22.30 eurosbtn commande

Disponible en collection de poche ici.

ltang - bennettL'avis de Delphine :

Le premier roman de Claire-Louise Bennett, qui vient de paraître en poche, est un livre déroutant et singulier.

La narratrice, une jeune femme dont on ignore le prénom – et dont on ne sait du reste pas grand-chose –, s’est retirée dans un petit cottage irlandais situé non loin d’un étang dont il est, nonobstant, semble-t-il, le titre du roman, à peine question – mais la vie qu’elle y mène est, comme celle d’un étang, stagnante, enfouie, secrète ; apparemment absente mais, sous la surface tranquille et à peine frissonnante, dense et foisonnante.

L’étang est en quelque sorte un roman sur rien. La narratrice y décrit par le menu les faits et gestes les plus concrets et les plus banals d’un quotidien solitaire et domestique – parfois interrompu par un amant de passage. Elle y distille ses réflexions, ses impressions et ses sentiments, ainsi que des bribes de son passé. Elle y raconte une vie qui s’égoutte, qui suinte ; une vie lente, comme hors du temps et du monde.

Cela n’a l’air de rien ; cela pourrait être plat et insipide, un verbiage inconsistant et complaisant …  Cela le serait en effet, sans le ton si particulier de Claire-Louise Bennett, empreint d’une ironie subtile et voilée, d’une gravité légère et tendre. À travers sa narratrice, qui sait que « la tournure d’esprit […] est tout », elle porte sur le monde un regard de guingois, qui se traduit par une originalité discrète mais foncière, par des commentaires baroques et des notations fantasques, par des images et des associations inattendues mais heureuses et expressives – une boue « féodale et riche, incandescente en fait, comme si soudain elle allait se rompre et révéler une bête de feu ou se retourner sur elle-même en un ardent tourbillon d’eau sombrement lumineux ». Des amandes effilées qui « ressemblent étroitement aux ongles descellés d’une main qui vient tout juste de voir le jour ». Par la grâce de son verbe alacre et précis, de sa fantaisie, les détails les plus insignifiants prennent soudain un relief inattendu et s’enluminent d’une clarté falote mais têtue.

Roman de l’infime et de l’intime, L’Etang est une méditation solipsiste, une rêverie aigre-douce où l’accessoire et l’anecdotique sont comme transmutés et qui nous invite à un pas de côté, à un regard de biais pour retrouver – découvrir – la texture riche et chatoyante de la vie ordinaire, sa profondeur moirée, son intensité.

Points, 6.5 eurosbtn commande

 

 

clair obscurL'avis d'Adrien :

Semple est un simple, l’idiot du village que tout le monde fuit. A l’école, il cherche la bagarre et celui qui accepte le duel est considéré comme un ami par Semple. Que ce dernier soit battu, violenté, recraché comme un vulgaire glaviot par l’adversaire, cette confrontation reste pour lui une façon de se faire accepter par le monde dans lequel il vit et pour lequel il reste un éternel paria. Il traîne néanmoins de loin avec une petite bande ayant pour leader Harold Hunt, un jeune nanti un peu crâneur qui entretient une liaison avec la fille la plus populaire du collège, Carole. Une liaison bien chaste qui ne sied pas à Harold. L’horrible personnage et sa bande mènent l’entreprise perverse, malsaine, horrifiante, de violer collectivement, quand bon leur semble, une fille de l’école un peu paumée, Marjorie Butts. Autant dire que quand Carole découvre le crime, cela ne se passe pas bien, et Semple devient acteur et victime collatérale du drame qui survient.

Deuxième roman de Don Carpenter après Sale temps pour les braves, son chef-d’œuvre, n’ayons pas peur des mots, Clair Obscur reste dans la veine du roman noir. Et si ce n’est de temps à autre des phrases digressives un peu longuettes qui parfois nous perdent – d’autant que le roman ne commence ni par le début, ni par la fin, mais par le milieu de l'histoire – Carpenter fait toujours mouche. Il a cette façon bien à lui de coller au plus près de la psyché de ses personnages, le manichéisme est à une distance incommensurable de son univers. Cela en devient stupéfiant, c’est sa force, nous faire rentrer dans la peau et surtout les pensées, même les plus inavouables, des protagonistes. Carpenter aurait beau nous raconter ce que bon lui semble, il sonne tellement juste qu’il touche le lecteur durablement et en plein cœur. Merci aux éditions Cambourakis, bravo à Céline Leroy pour sa traduction, continuez comme ça, le noyau d'admirateurs de Donnie s’agrandit à chaque livre et notre joie est grande de savoir qu’il reste quelques-uns de ses romans à faire découvrir au public francophone !

Cambourakis, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Céline Leroy, 18 €btn commande