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ltang - bennettL'avis de Delphine :

Le premier roman de Claire-Louise Bennett, qui vient de paraître en poche, est un livre déroutant et singulier.

La narratrice, une jeune femme dont on ignore le prénom – et dont on ne sait du reste pas grand-chose –, s’est retirée dans un petit cottage irlandais situé non loin d’un étang dont il est, nonobstant, semble-t-il, le titre du roman, à peine question – mais la vie qu’elle y mène est, comme celle d’un étang, stagnante, enfouie, secrète ; apparemment absente mais, sous la surface tranquille et à peine frissonnante, dense et foisonnante.

L’étang est en quelque sorte un roman sur rien. La narratrice y décrit par le menu les faits et gestes les plus concrets et les plus banals d’un quotidien solitaire et domestique – parfois interrompu par un amant de passage. Elle y distille ses réflexions, ses impressions et ses sentiments, ainsi que des bribes de son passé. Elle y raconte une vie qui s’égoutte, qui suinte ; une vie lente, comme hors du temps et du monde.

Cela n’a l’air de rien ; cela pourrait être plat et insipide, un verbiage inconsistant et complaisant …  Cela le serait en effet, sans le ton si particulier de Claire-Louise Bennett, empreint d’une ironie subtile et voilée, d’une gravité légère et tendre. À travers sa narratrice, qui sait que « la tournure d’esprit […] est tout », elle porte sur le monde un regard de guingois, qui se traduit par une originalité discrète mais foncière, par des commentaires baroques et des notations fantasques, par des images et des associations inattendues mais heureuses et expressives – une boue « féodale et riche, incandescente en fait, comme si soudain elle allait se rompre et révéler une bête de feu ou se retourner sur elle-même en un ardent tourbillon d’eau sombrement lumineux ». Des amandes effilées qui « ressemblent étroitement aux ongles descellés d’une main qui vient tout juste de voir le jour ». Par la grâce de son verbe alacre et précis, de sa fantaisie, les détails les plus insignifiants prennent soudain un relief inattendu et s’enluminent d’une clarté falote mais têtue.

Roman de l’infime et de l’intime, L’Etang est une méditation solipsiste, une rêverie aigre-douce où l’accessoire et l’anecdotique sont comme transmutés et qui nous invite à un pas de côté, à un regard de biais pour retrouver – découvrir – la texture riche et chatoyante de la vie ordinaire, sa profondeur moirée, son intensité.

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