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L'avis d'Adrien :
Ludlow Washington est un jazzman africain américain que l’on va suivre de sa prime enfance jusqu’au mitan de sa vie. Laissé par ses parents à ses cinq ans à une institution pour aveugles où il va subir brimades et humiliations, le jeune Ludlow va faire preuve d’un talent incomparable de musicien qui lui servira de porte de sortie. Il sera engagé de ses seize à ses dix-huit ans par un club de jazz qui après l’orphelinat n’est finalement qu’une autre prison tant il est lié par un contrat le cadenassant. Il prend enfin son envol à dix-huit ans, quittant jeune épouse et nouveau-né, rejoignant pour quelques années l’orchestre d’une star du jazz renommée. Ludlow est ambitieux et depuis ses seize ans, ce qu’il veut et espère plus que tout, c’est monter son orchestre. Il veut jouer son jazz, un jazz vif, cinglant, un jazz qui ne tient pas en place, déconstruit à sa façon.
De par cette histoire écrite en 1965 où l’on suit l’antihéros Ludlow Washington, William Melvin Kelley nous livre avec fluidité une histoire dense, un récit initiatique louvoyant, parce que tout l’art du jazz c’est aussi l’art de l’improvisation. Cette histoire c’est celle des orchestres de jazz, celle de l’amour et de l’amitié, celle du racisme et du ségrégationnisme, celle des années 1950 aux Etats-Unis, c’est celle de la colère. La façon dont l’auteur s’empare de la cécité de Ludlow et de sa difficulté à communiquer nous met, lecteurs, au même niveau que notre jazzman pour percevoir ce qui l’entoure et ce qui lui arrive, appréhender les choses, douter et comprendre. C’est un roman magnifique tout en nuances qui nous fait ressentir la pulsation de la musique à travers les tourments de celui qui la joue et l’adversité à laquelle doit faire face une personne rejetée. C’est un roman cruel, d’une cruauté sourde et d’une beauté virevoltante. Le livre se clôt par un touchant poème écrit en 2019 par la veuve de l’auteur qui montre l’importance qu’a eu le jazz dans la vie de leur couple et dans la vie de Kelley en particulier.
Editions Delcourt Littérature, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Eric Moreau, 21.40 €
Egalement disponible en version numérique par ici !
Trois générations de Cazalet se retrouvent chaque été dans leur domaine du Sussex.
La campagne est idyllique, une armée de domestiques veille au bien-être de tout le monde, les journées s’écoulent entre parties de tennis, promenades enchantées et grandes tablées. Chez les Cazalet, vivre ensemble est un art précieux, cultivé avec soin. Ces retrouvailles estivales sont pour chacun une bulle de bonheur, où se mêlent l'attentive amitié que se vouent les frères et soeurs, les jeux des enfants, les convenances délicieusement surannées que la matriarche tente de maintenir.
Elizabeth Jane Howard a un talent peu commun pour varier les points de vue et les éclairages sur ce petit monde. Les dizaines de personnages secondaires n’ont rien à envier à ceux qui occupent le devant de la scène, c’est d’ailleurs en leur compagnie que le roman s’ouvre et se ferme.
À travers la chronique familiale, c’est aussi une fresque sociale et historique qui se tisse dans ces «Étés anglais». Le roman démarre en 1937, dans un monde en marche vers la guerre. Et si, pour beaucoup, l’heure est toujours à l’insouciance, les souvenirs de la Première Guerre Mondiale restent vifs pour les frères Cazalet, et leur prescience du désastre à venir pare le livre d’une insondable mélancolie.
Tout ce qu'on aime chez les auteurs anglais habite chaque page de ces "Étés": finesse, humour, introspection, extravagance, intelligence. Sans oublier d'inoubliables portraits d'enfants, une nature omniprésente, une implacable construction romanesque... Autant d’ingrédients qui font de ce livre une lecture vibrante, généreuse et totalement addictive.
La Table Ronde, traduit de l'anglais par Anouk Neuhoff, 24 euros
Disponible en version numérique ici
L'avis d'Adrien :
Véritable trésor caché de la littérature américaine, roman qu’on peut qualifier de courageux à l'époque où il est écrit et édité, le début des années 1960, « Un autre tambour » aborde le racisme et tire sa force du fait que les narrateurs sont blancs. Il démontre par là qu'il n'y a pas de problème noir en Amérique mais que le racisme est un problème de blancs.
Que se passerait-il donc si tous les noirs quittaient du jour au lendemain, sans expliciter leur départ, une ville des Etats-Unis ? Comment réagiraient les blancs ? C'est cette question et des tas d'autres que nous pose William Melvin Kelley avec son splendide et percutant premier roman.
Le titre du roman est tiré d'une magnifique citation de Thoreau mise en exergue du livre : "Quand un homme ne marche pas au pas de ses camarades, c'est peut-être qu'il entend le son d'un autre tambour."
Édité pour la première fois en français en 1965 par les éditions Casterman - décidément les éditeurs traditionnellement dédiés à la bande dessinée aiment ce roman – et déjà un grand succès critique et populaire suite à sa publication en 1962 aux Etats-Unis, ce texte a été remis au goût du jour par une journaliste du New Yorker en 2018 soit un an après le décès de l'auteur et permis sa réédition aux Editions Delcourt. Le voici édité en cette rentrée 2020 en poche chez 10/18.
10/18, traduit de l'anglais (États-Unis) par Lisa Rosenbaum, 7.85 €.
Disponible en version numérique par ici !