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Immense romancier, mais aussi poète, essayiste, nouvelliste, scénariste, Paul Auster n’aura jamais fini de nous surprendre. Le voici de retour avec un nouveau livre, exercice d’admiration plus que biographie d’un auteur qui reste méconnu chez nous: Stephen Crane.
Mort à 29 ans, Stephen Crane semble pourtant avoir vécu mille vies. Fils rebelle de l’Amérique, ancêtre du journalisme gonzo, nouvelliste et romancier à la prose fiévreuse, infatigable voyageur: l’auteur de L’insigne rouge du courage trouve en Paul Auster un passeur d’une générosité hors-norme.
Burning Boy est un livre dense. Il naît à la fois d’un travail méticuleux d’historien, traquant une vie aux nombreuses pages troubles, et d’un brillant exercice de critique littéraire. Après les biographies potentielles que Paul Auster tissait dans son chef-d’œuvre 4 3 2 1, voici donc une vie auscultée au plus près, dans sa complexité, dans ses silences, dans ses zones d’ombre. Et c’est passionnant.
D’autant que Stephen Crane tend à Paul Auster un miroir où se reflètent ses propres obsessions : les soubassements de l’histoire américaine, la façon dont s’articulent dans une vie le hasard et la nécessité, les aléas de la mémoire, la tension entre langue vivante et langue littéraire. « Burning Boy » fonctionne comme une mise en abyme qui renvoie à d’autres romans de Paul Auster. En ce sens, ce livre apparemment atypique se donne en fait comme la parfaite continuité d’une œuvre qui, de la Trilogie New-Yorkaise à Moon Palace, de Léviathan à 4 3 2 1, est décidément remarquable.
Actes Sud, traduit de l'anglais (États-Unis) par Anne-Laure Tissut, 28 €
Disponible en format numérique ici
L'avis de Maryse:
Malgré l’annonce d’une tempête, Bolivar, un pêcheur sud-américain aguerri, convainc le tout jeune Hector d’embarquer sur son rafiot. Rapidement et immanquablement, les deux hommes se retrouvent à la merci des éléments, prisonniers de l’immensité de l’océan Pacifique, liés dans une terrifiante intimité forcée alors même que tout les dissocie. Au début, c’est l’instinct de survie qui les mobilise solidairement dans la quête du manger et du boire et dans l’espoir grisant d’être retrouvés et secourus. Puis, au fil du temps qui s’écoule sans poser d’autres repères aux deux hommes que le cycle de la nuit et du jour, la foi se dilue. Tandis que la réalité s’écaille, la vie d’avant n’est plus qu’un patchwork de réminiscences adorées ou gangrenées par le remords. Chacun se confronte violemment à ses propres limites physiques et psychologiques, ainsi qu’à celles de l’autre. L’autre qui devient à la fois un miroir déformant, un clarificateur de conscience, une nécessité, un enfer.
D’aucuns y saisiront peut-être le rappel d’un confinement, mais à ciel ouvert. Pourtant, c’est bien la condition humaine que Paul Lynch explore et interroge. L’écriture crée des ressentis intenses, la condition brute des personnages infimes dans l’immense, questionne profondément le lecteur. Et c’est vrai, dans Au-delà de la mer, on songe assez vite au vieil homme d’Hemingway – à la grande différence qu’ici, la blessure du grand combat contre soi-même est infectée par la présence de l’autre –, et aussi aux limites absurdes de nos vies qu’avait définies Albert Camus.
En somme, vous aurez compris qu’avec ce roman remarquable, Paul Lynch, figure absolument incontournable des lettres irlandaises contemporaines, confirme sa bonne place au rang des faiseurs de grande littérature.
Éditions Albin Michel, 19,90€.
Traduit de l'anglais (Irlande) par Marina Boraso.
Disponible en format numérique ici.