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Une évidence, pour commencer: Monsieur Toussaint Louverture ne publie que des livres tonitruants. Du beau, du grandiose, du puissant.
C’est dire si l’impatience était grande de découvrir le nouveau projet de cet éditeur épatant: un roman-feuilleton, de quoi nous tenir en haleine tout le printemps. La série s’appelle Blackwater et est signée Michael McDowell. Le premier des six volets est sorti la semaine dernière, et les cinq autres suivent à bon rythme – un livre tous les quinze jours. Verdict : méfiez-vous, l’addiction est immédiate.
Paru aux États-Unis en 1983, Blackwater est une plongée au cœur d’une famille de l’Alabama. Sur plusieurs générations, les secrets des Caskey n’en finissent pas de nous prendre dans leurs filets. Le clan est mené par une matriarche toute-puissante et manipulatrice, dont le pouvoir vacille lorsque débarque à Perdido une femme au comportement étrange, un peu sirène, un peu sorcière. Élinor ne tarde pas à séduire le fils Caskey, et dès lors les destins sont scellés et la machine romanesque se met en marche.
Michael McDowell se définissait comme un paperback writer sans prétention: « Je pense que c’est une erreur d’essayer d’écrire pour la postérité. J’écris pour que des gens puissent lire mes livres avec plaisir, qu’ils aient envie de prendre un de mes romans et qu’ils passent un bon moment sans avoir à lutter ». Sa modestie n’ôte rien à son talent: il y a ici du souffle, un sens du détail imparable, un subtil mélange des genres (de la saga familiale au roman gothique, du huis-clos à la magie, le tout dans une capiteuse ambiance Deep South). L’étrangeté qui flotte sur Perdido situe Blackwater quelque part entre Edgar Allan Poe et Tim Burton. On en redemande.
Et puis encore un mot, mais vous le savez déjà si vous connaissez Monsieur Toussaint Louverture: l’objet-livre est une merveille de raffinement, qui rend l’expérience de lecture tout simplement parfaite.
Monsieur Toussaint Louverture, traduit de l'anglais (États-Unis) par Yoko Lacour, 8.40 euros
Prenez un hôtel coquet, situé au pied d'une falaise des Cornouailles. Ajoutez des vacanciers aux nombreuses turpitudes, une patronne au bord de la crise de nerfs, une écrivaine et ses gigolos, une servante au coeur pur, des enfants pas si innocents, un pasteur ignoble. Épicez généreusement et comptez jusqu'à sept, comme les sept jours que dure le livre, et les sept péchés capitaux qui lui donnent sa structure. Voilà, vous y êtes: un petit bijou de comédie sociale à l'anglaise, mâtinée d'une bonne dose de suspense puisqu'au septième jour... la falaise s'effondre sur tout ce joli monde.
Qui sera victime, qui sera sauvé?
"Le festin" de Margaret Kennedy fait partie de ces trésors acidulés de la littérature anglaise. Tombé dans l'oubli, le livre date de 1950 et raconte au plus près ces années d'après-guerre marquées par les rationnements, la tension politique, la difficulté pour chacun de retrouver une place dans le jeu social. C'est dire si le divertissement enlevé et espiègle se double aussi, avec la distance du temps, d'un passionnant aspect historique.
Pour accompagner la lecture du "Festin", retrouvez la sélection "Nos reines d'Angleterre" sur le comptoir de la librairie.
La Table Ronde - Quai Voltaire, traduit de l'anglais par Denise Van Moppes, 24 euros
Disponible en format numérique ici.
Avril 1911, quelque part sur l’Atlantique. Gustav Mahler a cinquante ans et rentre d’un séjour américain. Il a souvent traversé l’océan mais ce voyage, il le sait, sera le dernier. Sur le pont du paquebot, rongé par la fièvre, il affronte ses souvenirs, ses tourments, ses remords. Une façon, sans doute, de tenir la mort à distance: Tout regorgeait de vie. La mort elle-même n’était qu’une idée de vivants. Tant qu’on pouvait se l’imaginer, elle n’était pas encore là.
En retraçant le Dernier Mouvement de la vie de Gustav Mahler, le romancier autrichien Robert Seethaler ne cherche pas l’exactitude du biographe; il tente plutôt d’approcher au plus près, au plus juste, le mystère d’une âme vouée à la création. Le roman se tient avec pudeur et retenue aux côtés du musicien, comme ce jeune garçon de cabine qui l’assiste et viendra donner au livre sa conclusion belle et poignante.
La vie de Mahler est un tourbillon d’émotions vives, marquée par une insatiable quête de la perfection (Il avait souvent fait l’expérience de ce cheminement: désespoir, refus effondrement, mais finalement la percée, l’heureux dénouement. Du moins tant qu’il subsistait assez de fureur et de force. Dans le cas contraire, on en restait au désespoir. Mis il n’en fallait pas moins continuer), par une histoire d’amour entrée dans la légende, par le chagrin de la perte d’une enfant de cinq ans. Tout cela, Robert Seethaler l’évoque par des touches impressionnistes, au gré des pensées qui naissent de la contemplation de l’océan. Les sensations sont le cœur du livre, comme elles sont celui de la musique de Mahler. Mouvantes, en perpétuelle métamorphose, elles irriguent ce bref roman qui, depuis le seuil de la mort, nous parle si bien de la vie. Elle était à peine plus qu’une brève expiration, un souffle dans la tempête du monde, mais il aimait tant la vie que l’inanité de cet amour l’emplissait d’une tristesse déchirante.
Sabine Wespieser Éditeur, traduit de l'allemand (Autriche) par Élisabeth Landes, 15 euros
Disponible en format numérique ici