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Le roman se déroule à Marzahn, un grand quartier de buildings en préfabriqué de l’ancienne Berlin-Est. Une écrivaine au succès révolu se reconvertit en pédicure et dans le salon qui l’emploie, elle reçoit des gens du quartier – la plupart du temps des personnes âgées mais pas seulement. Alors qu’elle rafistole leurs pieds cabossés, ses clients lui racontent leur histoire, celle de leurs vies anonymes, faites de déboires et de splendeurs, de rires ou de larmes, peu ou prou marquées par les bouleversements des époques… Des tranches de vie aussi uniques qu’universelles.
Voici une savoureuse galerie de personnages constituée de dialogues pleins de tendresse et de drôlerie ; une réflexion sensible sur la vie qui passe et les liens souvent fortuits qui la trament. Une jolie lettre d’amour à un quartier resté populaire, et à ses habitants, rédigée d’une écriture dont la feinte légèreté dépeint une profonde humanité.
Un petit bijou !
Zulma, traduit de l'allemand par Valentine René-Jean, 19,50 euros.
Un soir au théâtre, un homme ébahi par le jeu de la comédienne dit: "Assis dans le noir, on se sentait vu, percé à jour".
Et c'est exactement l'effet que nous font les romans de Jens Christian Grøndahl: ils nous percent à jour. Ils cartographient nos âmes, nos élans, nos tourments, ce magma si intime sur lequel l'immense romancier danois met des mots, des récits, des émotions, comme s'il trouvait le chemin du coeur de chacun de ses lecteurs.
C'est dire le bonheur qui nous prend aujourd'hui à la lecture des six longues nouvelles qui tissent Les jours sont comme l'herbe (dans une superbe traduction d'Alain Gnaedig). On retrouve à chaque page, à chaque ligne, l'exquise délicatesse de Jens Christian Grøndahl. Les vertiges et les chagrins de l'âme, les tournants de vie, les choix déchirants, le temps qui s'échappe: toute l'insaisissable épaisseur de nos vies s'incarne. "J’ai compris ce dont il est question quand nous parlons de la vie. Nous parlons de choses banales, de gestes répétés du quotidien. Oui, c’est bien cela, banales, sans aucun sens particulier, sans poids particulier. Mais si on les regarde avec une distance que l’on n’aurait jamais pu imaginer, alors ces petites choses deviennent symboliques".
Gallimard, traduit du danois par Alain Gnaedig, 24 €
Disponible en format numérique ici
Sous ce titre à la résonance biblique, Chris de Stoop ouvre le dossier douloureux de l’assassinat d’un vieil homme de 84 ans, son oncle Daniel, tué dans sa ferme proche de Mouscron par une bande de jeunes désoeuvrés en quête d’un peu d’argent.
Au-delà du fait divers tragique et sordide, Chris de Stoop nous donne à lire un livre empreint de délicatesse et d’humanité. Par petites touches, par différents détours, il tente avant toute chose de rendre à Daniel Maroy la dignité que lui ont progressivement ôtée l’isolement, la vieillesse, l’appartenance assumée à un monde révolu. Daniel était « un invisible ». Il est mort dans la ferme où il avait vu le jour et qu’il n’avait jamais quittée, voué à la terre et aux bêtes, au soin de ses parents et de son frère handicapé. Pour ses assassins, Daniel était « le vieux crasseux », un sous-homme qu’ils ont violemment agressé tout en filmant leurs actes sur un portable. Avec leur butin, ils ont acheté un iPhone, des vêtements griffés, une voiture. Sans éprouver jamais la moindre culpabilité.
Le meurtre de Daniel Maroy signe la rencontre entre deux mondes, celui d’une campagne encore rythmée par le passage des générations et des saisons, celui de cités dramatiquement pauvres et sans avenir.
Le livre de Daniel est aussi le récit du procès qui s’est tenu à Mons cinq ans après le crime et dans lequel Chris de Stoop décide de se porter partie civile. Les pages qu’il consacre à la justice en train de se faire, au procès d’assises, à la justice restaurative sont tout simplement passionnantes.
À la manière de Florence Aubenas, Chris de Stoop porte au plus haut le journalisme littéraire. Né dans la région anversoise, reporter pour l’hebdomadaire Knack, il a longuement travaillé sur la traite des êtres humains et sur le sort des sans-papiers en Belgique avant de se retirer du journalisme. Installé dans la ferme familiale, dans la région des polders, il se définit aujourd’hui comme écrivain-fermier.
Comme De sang-froid de Truman Capote ou L’inconnu de la poste de Florence Aubenas, Le livre de Daniel est un livre inoubliable, qui ausculte notre société à travers le prisme d’un fait divers poignant. Ouvrant mille questions, il donne à réfléchir sur la violence et la rédemption.
Éditions Globe, traduit du néerlandais (Belgique) par Anne-Laure Vignaux, 22 euros