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Corrections - FranzenL'avis d'Anouk:

Je n’ai jamais relu Les corrections. Non que j’aie peur d’êtres déçue. Le roman a installé Jonathan Franzen, à l’époque tout juste quadragénaire, au firmament des lettres américaines. Ce statut de classique immédiat, l’unanimité publique et critique, le fait que la traduction française soit publiée par Olivier Cohen, directeur des éditions de l’Olivier, dont je suis une vraie groupie: tout laisse entendre que la relecture de ces quelque 700 pages serait un pur plaisir.


Mais comment dire… C’est autre chose… Ce qui m’empêche de relire Les corrections,  c’est la crainte de ne plus y trouver, ou d’y trouver amoindri, ce rapport violemment intime noué avec chacun des membres de la famille Lambert. Car si Flaubert est Madame Bovary, si Franzen est sans aucun doute chacun de ses personnages, moi aussi, au fil de ma lecture, j’ai été au plus profond de moi Enid Lambert, ou Chip, ou Jonah, ou Denise. Et depuis tout ce temps, presque 15 ans, les Lambert sont restés des proches parmi les proches. Comment dire? Je les adore. Leurs manies, leurs défauts, leur humour gentiment désespéré, leurs contradictions, leur narcissisme, leurs angoisses : je prends tout.  


Sans doute y a-t-il dans la vie d’un lecteur des moments meilleurs que d’autres pour rencontrer un roman ou un écrivain, et sans doute ai-je lu ce livre au moment parfait. Mais si Les corrections a connu un succès aussi vertigineux, c’est que nous sommes nombreux à avoir éprouvé la même chose. Jonathan Franzen a écrit un roman ambitieux, très construit, post-moderne par certains aspects, et a réussi à y injecter ce qui fait souvent défaut à ce type de romans: de l’humain. Une épaisse pâte humaine brassant toutes les questions sociales, politiques, économiques de notre début de siècle. Des personnages qui sont juste là, qui vous agacent et vous émeuvent et vous font rire, tellement incarnés – des frères, des amis, des voisins. Toute une humanité qui rêve d’amour et de réussite, de sens et de bonheur, mais reste au plus profond d’elle-même imparfaite, insatisfaite, absolument incorrigible.


Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Rémy Lambrechts, L'Olivier, 21.30 €btn commande

Disponible en format de poche, Points, 8.95 €

Disponible en format numérique

abbey L'avis d'Edith:

Un hymne à la liberté!

Il est des formules tellement usées qu'elles en perdent leur signification. « Seuls sont les indomptés » redonne à celle-ci tout son sens.

1950. Nouveau Mexique. Jack Burns, cow-boy anachronique et solitaire, à la jument sauvage, la guitare accordée et aux idées libres. Nonchalamment courageux, quand son ami Paul est condamné à deux ans de prison, Jack décide de se faire arrêter...pour le faire s'évader.

Écrit en 1956, ce roman, le premier d'Edward Abbey, est déjà empreint jusqu'à la moelle du caractère insoumis et libertaire de l'auteur et de son œuvre.

 

Gallmeister, 23.80€btn commande

disent-ils - cuskL'avis d'Anouk:

C'est un livre a priori déroutant, bien loin des romans au charme tellement anglais qu'étaient Arlington Park ou Les variations Bradshaw. Et pourtant Rachel Cusk réussit cette fois encore à nous embarquer à sa suite, et l'on sort de Disent-ils avec la conviction que ce nouveau roman est sans aucun doute le plus audacieux et le plus réussi de ceux qu'elle nous a donnés à lire.

Romancière anglaise, la narratrice passe quelques jours à Athènes pour y animer un atelier d'écriture. Elle laisse entre parenthèses un quotidien que l'on sent sur le fil pour se consacrer aux histoires des autres. Et dès le voyage en avion, la voici assaillie par ces histoires. Un voisin bavard déroule devant elle le cours de sa vie, ses trois mariages, ses parents, ses enfants, ses réussites et ses échecs. Ses élèves en feront autant. Et c'est à travers toutes ces scènes de vie drôles ou cruelles, tendres ou étranges, jamais aussi anecdotiques qu'elles n'en ont l'air, que se dessine le portrait de la narratrice.

Tour de force littéraire, Disent-ils se lit surtout comme une radiographie de notre temps. L'oeil sensible et ironique de Rachel Cusk ne manque rien de nos travers. L'avidité de parole de chacun, la tyrannie des apparences, la difficulté de la vie à deux pour les individus...: la galerie d'histoires qu'elle tisse avec virtuosité nous tend un miroir peu flatteur, mais d'une vérité confondante.

Disent-ils est aussi, en creux, un très subtil portrait de femme. Rachel Cusk, comme dans ses romans précédents, interroge la séduction, la maternité, le temps qui passe, la solitude. Sa narratrice, dont on n'apprendra le prénom qu'à la fin du livre, lui ressemble sans doute beaucoup. Rachel Cusk lui donne peu la parole, et pourtant on n'oubliera pas Faye, lumineuse presque malgré elle. Avec ce livre étourdissant de maîtrise, Rachel Cusk s'inscrit dans la lignée des immenses romancières anglaises: une Virginia Woolf d'aujourd'hui.

Traduit de l'anglais par Céline Leroy, L'Olivier, 21 €btn commande