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Bande dessinée monstre qui nous embarque à folle allure dans les tourments de ses protagonistes et ce, dès la couverture accrocheuse s’il en est.
Editeur de la revue de bande dessinée de pointe Kramers Ergot à laquelle ont contribué la fine fleur de la bd mondiale, Daniel Clowes, Chris Ware, Blexbolex, Ruppert et Mulot entre autres, Sammy Harkham voit publier en français ce second album, dix ans après la réédition de ses histoires courtes « Culbutes » aux mêmes éditions Cornélius. Et déjà dans ce premier album, des récits de bonheurs gâchés…
Car dans Blood of the Virgin, le héros, Seymour, scénariste et réalisateur de films de série b aimerait porter à l’écran son grand projet personnel et va de déconvenue en déconvenue, de rendez-vous foireux en rendez-vous foireux avec un producteur, de maousses fêtes décadentes et ratées à des esquives non déguisées pour éluder ses demandes. Personne n’écoute réellement ses propositions et le peu d’entre elles qui sont entendues sont rejetées mais il continue d’y croire. Cette plongée dans le monde hollywoodien du début des années 1970 est déjà fascinante en soi mais il n’y pas que ça.
Seymour, immigré irakien, est marié à une immigrée néo-zélandaise, ces deux déracinés viennent d’avoir un enfant et la vie de jeunes parents est difficilement conciliable avec les strass et les rythmes de tournage. Le délitement amoureux de ce ménage semble inexorable et on a l’impression à la lecture alternée de ces deux tableaux – plateau de cinéma, cocon familial éclaté – de suivre un grand film réalisé par Paul Thomas Anderson, au découpage-montage cadencé et agité. Au beau milieu des péripéties de Seymour, une incursion d’une bonne trentaine de pages en couleurs retrace les splendeurs et misères d’un cow-boy parti de rien et arrivé presqu’au firmament, ce destin en accéléré comme une clé à l’histoire qui nous occupe.
Dans une sublime ligne claire en noir et blanc aux ombres sépia où les poses semblent à la fois figées et tellement incarnées, l’auteur nous invite à observer les grandeurs et décadences de tout un monde et le souffle de la vie qui exhale sans relâche.
Cornélius, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Eric Moreau, 35.50 €
Ils en ont de la chance, les Anglais, qui peuvent découvrir chaque dimanche (dans le Guardian) les fabuleux cartoons de Tom Gauld ! Nous nous consolons grâce aux éditions 2024 qui nous régalent régulièrement avec de copieux recueils, comme le désopilant La revanche des bibliothécaires paru cet automne.
Avec leur humour absurde et leur œil impitoyable, les strips du plus drôle des dessinateurs anglais évoquent le petit monde des livres. Et l’on se délecte. Auteurs, éditeurs, libraires, bibliothécaires, lecteurs se reconnaîtront : tous les travers plus ou moins avouables des amoureux des livres sont là, épinglés avec drôlerie et inventivité.
On rit des tourments de l'écrivain en panne d'inspiration, des graphiques farfelus qui dépoussièrent les classiques, de nos désirs de lecture pas toujours assouvis. De page en page, Tom Gauld nous donne des nouvelles de nous-mêmes et de notre passion compulsive pour cet objet magique qu'est le livre.
C'est tout simplement délicieux!
Éditions 2024, traduit de l'anglais par Éric Fontaine, 17 €
Cela commence par l’enterrement de Vilma auquel peu de gens assistent et pour cause, Vilma a tourné le dos à sa famille excepté à sa petite-fille, Rocío, qui par certains côtés lui ressemble beaucoup.
Cette jeune fille qui se cherche va emménager dans la maison de sa grand-mère et retracer le parcours de celle-ci, la fuite d’Italie au moment de l’accession de Mussolini au pouvoir, la pauvreté, une aspiration à des études non assouvie, le mariage forcé à un voisin après que l’homme, qu’elle pensait l’homme de sa vie et avec qui elle attendait un enfant, l’ait abandonnée… Bref pas mal de raisons de devenir amère, acariâtre.
Le dessin tout en rondeur enveloppante, les couleurs vives et tranchées, l’humour malgré tout, les trouvailles scénographiques d'Otero Sole nous immergent dans la quête d'identité et d'affirmation de Rocío, dans sa révolte sourde, dans cette transmission posthume bancale entre une grand-mère revêche et pour cause ! et une jeune fille qui se cherche dans une Argentine en pleine crise politique. Brillant!
Éditions Cà et Là, traduit de l'espagnol (Argentine) par Éloïse de la Maison, 25 €