Rue Lelièvre, 1 B-5000 Namur | Tél. : +32 (0)81 22 79 37 | info@librairiepointvirgule.be | Du lundi au samedi de 9h30 à 18h30
On savait déjà l'amour de Charles Berbérian pour la musique, «Trénet illustré» (Albin Michel), «La Française Pop» (Hélium), «Jukebox» (Fluide glacial) ou encore sa propre expérience discographique signée avec un autre bédéaste Jean-C. Denis, mais on en apprend plus encore sur le demi-père de Monsieur Jean avec ce recueil de chroniques. Et cela va bien au-delà de la musique.
Déjà édité en 2004, ce «Playlist» est ici, en édition Deluxe, doublé d'anecdotes et de réflexions tous azimuts.
Tel un journal intime sans chronologie, Charles Berbérian, non content de nous dévoiler ses coups de cœur musicaux, que ce soit à l’aide de dessins épars ou de pochettes de compilations minidisc, son amour et sa pratique de la guitare, ses étés chez son grand-père en Jordanie, nous retrace en quelques pages la vie d’artistes, l’histoire de mouvements et d’événements. Ici une bio de Dean Martin, là sa non-rencontre drolatique avec Keith Richards, là encore l’épopée du label Saravah et de son fondateur Pierre Barouh.
Même en ne partageant pas tous les goûts de Berbérian, on est charmé et bluffé par la profusion d’anecdotes en tout genre, par les magnifiques portraits à main levée ou travaillés, par l’impressionnante galerie d’artistes réunis là. Touchant, drôle, poétique, cette Playlist Deluxe dessine en kaléidoscope la vie d’un homme humble, généreux, à l’enthousiasme éclectique.
Qu’il est beau de voir un éditeur qui suit ses projets, y compris les plus osés, et leur donne forme dans le plus remarquable des écrins. Lauréat du concours jeune talent à Angoulême en 2009 déjà, Clément Paurd s'était voué depuis lors à l’illustration, pour la Revue XXI ou Libération notamment. A en croire 2024, qui joint à toutes ces publications un petit feuillet drôle et néanmoins informatif, il lui aura fallu 10 ans de travail pour parachever La traversée, qui est sa première bande dessinée. Le jeu en valait la chandelle.
Un capitaine et son soldat ont perdu le front de la guerre et le recherchent opiniâtrement. Le capitaine, patriote affirmé, soliloque à l’envi sur la tâche à accomplir, le soldat Firmin, le suivant ou le précédant, « Passez devant, j'assure vos arrières, Hum... », tantôt candide tantôt lucide, moitié couard moitié investi par sa fonction. La guerre est peut-être loin déjà, ou peut-être loin encore, mais ses stigmates se font grandement ressentir. La nature est silencieuse, comme vidée de ses habitants, les quelques personnes rencontrées sur le chemin, quand ce ne sont pas des cadavres, sont sur les dents, à cran, hagardes. Et les deux militaires, chemin faisant les liens hiérarchiques se distendant, leur fraternité grandissant, de poursuivre malgré tout leur quête insensée.
Dans ce beau et épais album, pas de case ni de phylactère, tout s’enchaîne. Le récit de cette errance, la trame, se déroule comme un long fil, de sorte qu’on a l’impression de suivre les héros dans un tunnel sans fin, « Nous nous enfonçons. Inexorablement... », de ne jamais réellement progresser, de suivre des officiers Sisyphe remettant sans cesse du cœur à un ouvrage inachevable, en plein dans l’absurde donc. Les dessins semblent simples et dépouillés et les démarches statiques – un peu à la manière de soldats de plomb ou de soldats de papier à découper – mais ils délivrent une grande subtilité et la palette des émotions qui s’en dégage est large. Même si le rire survient souvent, l’horreur est toujours là, bien présente. La traversée est un album ambitieux qui a les moyens de ses ambitions, une réussite frappante à tout point de vue.
Jeune et talentueux auteur flamand, Brech Evens qui nous présente ses folles nuits de Paris dans "Les Rigoles".
Récit choral où le fil conducteur est le jeune Jona qui fait la noce une dernière fois, avant son envol pour Berlin, dans la nuit parisienne, éthylique et magique. D'une table à l'autre, de terrasses de café en boîtes de nuit, chaque personnage rencontré est bien incarné par la grâce du coup de plume de Brecht.
Les planches fourmillent de détails, les couleurs sont splendides. La structure narrative éclatée couplée à la virtuosité des aquarelles nous entraînent dans une ivresse incommensurable et font de ces Rigoles une expérience inouie.
C'est tout simplement beau, émouvant, vertigineux.