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ne m oublie pas ne m oublie pas

L'avis de Maryse:

Quelle pépite que ce premier roman graphique de la jeune Alix Garin.

Marie-Louise souffre de la maladie d’Alzheimer. Fortement ébranlée par la déficience cognitive de sa mamie qui l’a en grande partie élevée, Clémence décide de l’enlever de sa maison de retraite pour l’emmener voir son hypothétique maison d’enfance, au bord de la mer.

Commence alors un road trip haletant à bord de la petite auto de l’étudiante – Clémence sait que sa famille et la police les recherchent – au cours duquel la jeune femme sera inévitablement confrontée aux terribles difficultés inhérentes à la maladie de sa grand-mère, mais qui renforcera aussi de façon immuable le lien intime entre les deux femmes. Et de fait, ce qui n’est autre que d’ultimes retrouvailles a tout d’un véritable parcours initiatique pour chacune d’entre elles. Si la quête principale doit ramener Marie-Louise à qui elle était, ce voyage intense révélera évidemment à Clémence énormément sur elle-même.

Inspirée de son vécu, la jeune bédéiste façonne ici un univers graphique qui lui est propre, au trait doux, flottant et expressif. À la fois pudique et écorché, son récit pose avec nuance et intelligence les grandes questions sous-jacentes à la relation familiale et ses non-dits, la transmission, la loyauté, l’amour, l’érosion du corps, les souvenirs qui nous fondent et les ravages du temps qui passe. Cette lecture est troublante, émouvante, parfois drôle mais surtout extrêmement riche, rappelant que décidément, le pouvoir de la littérature dessinée est lui aussi extraordinaire.

Le Lombard, 22,50€ - disponible en format numériquebtn commande

029bisL'avis d'Adrien :

Coup de cœur absolu pour cette série à lire de toute urgence où l’on suit Tulipe et ses amis l’Arbre, le Caillou, les serpents Crocus et Mimosa, les oiseaux Violette, Rose et Cosmos, Narcisse le tatou qui ressemble furieusement à un pangolin – mais évitez de le lui dire pour ne pas le froisser d’autant qu’il attrape la grippe lors d’un épisode.

Tulipe est un ours en short peu ambitieux et très sage qui adore ne rien faire ce qui enrage les autres animaux qui, les uns veulent voyager, d’autres bâtir des édifices, d’autres encore écrire de la poésie épique. Tout un monde se présente à nous, formellement assez minimaliste mais chaque détail compte et au gré des discussions de chacun c’est toute l’humanité qui est représentée avec ses malheurs, ses joies, ses différences, son altérité.

Il y a beaucoup d’humour, un humour à la fois désespéré et revivifiant. Tulipe met en perspective les grandes questions fondamentales – qui sommes-nous ? d’où venons-nous ? où allons-nous ? – la place des êtres vivants sur terre et de la terre dans l’univers d’une façon intelligente et très fine, non moralisatrice, avec un angle décalé, dans ce sens où on accomplit un pas de côté. Le contraste entre existentialisme et légèreté est d’autant plus frappant que les couleurs pastel nous font garder un pied dans un monde doux et enfantin.

Chaque âge peut se nourrir de toutes les petites et grandes leçons de vie qui sont tirées par Tulipe et ses amis. On y parle poésie, amour et philosophie au fil des trois albums sortis jusqu’ici « Tulipe », « Les voyages de Tulipe » et « Tulipe et les sorciers ».

A peine le rabat de couverture lu que vous êtes plongés dans le bel univers de Tulipe :
« La vie ? Un sacré sac de petits tracas et de grandes contrariétés. Mais comme le dit si bien le serpent Crocus : - Avec des pauses crêpes, ça passe. »

Editions 2024, Tulipe, 17 €, Les voyages de Tulipe, 15 €, Tulipe et les sorciers 15 €btn commande

 

 029quater

 

in wavesL'avis d'Adrien :

Chaque rentrée offre son lot de belles surprises, celle-ci transcendera l’époque. Elle marque autant qu’avait marqué à sa sortie chez le même éditeur en 2004 Blankets de Craig Thompson, celui-ci ayant salué le talent d’Aj Dungo, jeune bédéaste qui signe là son premier album.

Avant de rencontrer sa fiancée, Aj Dungo n’était pas le plus à l’aise dans l’eau. Avec Kristen, il a appris à apprivoiser cet élément, à connaître sa puissance et sa grandeur. Il a aussi appris que le surf était bien plus qu’un sport. On a diagnostiqué à Kristen, quelques semaines après qu’elle et Aj se soient mis en couple, un cancer. Durant leurs dix années de vie commune et jusqu’à son souffle final, Kristen n’aura de cesse, avec courage et abnégation, de combattre la maudite maladie. Et de-ci de-là, de remonter sur une planche, domptant habilement et naturellement les vagues.

Mélange plus qu’original d’un récit de deuil et d’une histoire du surf, In waves nous narre avec l’épure d’une ligne ultra claire une chronique amoureuse d’une beauté et d’une mélancolie apaisées et apaisantes. Tout en bichromie, de bleu pour l’histoire de Kristen et Aj, bleu comme l’amour, comme l’eau, comme la vie, comme la volonté, et de sépia pour la mémoire du surf, sépia comme la couleur du bois dans lequel sont sculptées les planches de surfs, comme la peau hâlée de l’hawaïen Duke Kahanamoku et de l’américain Tom Blake, deux surfeurs mythiques, ayant porté haut l’étendard de la discipline. Ces derniers, unis par une amitié fraternelle, se sont soutenus, comme nos deux amoureux, dans l’effort et l’adversité, dans les creux de la vague. On passe de l’histoire d’amour à l’histoire d’amitié naturellement, tout comme la houle va et vient.

Bien qu’on puisse d’un point de vue extérieur se poser la question de la pertinence du mix des deux éléments rassemblés là, la beauté de cet album est aussi issue de ce très réussi et inexplicable alliage. In Waves était en réalité une commande de l’éditeur Nobrow à Dungo des origines du surf en bande dessinée. L’éditeur touché par l’histoire intime de Kristen et Aj demanda à Aj de faire de cette commande un récit plus personnel. Le résultat est là, surprenant, touchant, sensible, sans pathos, brillant.

Casterman, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Basile Béguerie, 23 €btn commande