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en france - aubenas pointsL'avis de Régis:

Il y a un an à peine, nous recevions Florence Aubenas, grand reporter au journal Le Monde. Elle venait de publier En France aux éditions de l'Olivier, recueil de chroniques, de portraits de gens rencontrés lors de ses déplacements. Ce livre bouleversant raconte le quotidien le plus cru, la vie dans ce qu'elle a de plus banal, d'hommes et de femmes dans un pays en crise. Le chômage, le voile, les Roms, le mariage pour tous, la montée du FN. Mais toujours dans un ton sobre, juste, original qui sont les traits de l'écriture de Florence Aubenas.
Il faut (re)lire cet ouvrage de toute urgence en ce week-end d'élections en France. Les articles consacrés à la prise de pouvoir à Hénin-Beaumont par le Front National sont d'une intelligence et d'une clairvoyance peu communes.

Points, 6.90 € en collection de poche; L'Olivier, 18 € pour la version originalebtn commande

028L'avis d'Adrien :

Impressionné par le travail des photographes Yves Marchand et Romain Meffre, Ruines of Detroit (Steidl), Thomas B. Reverdy décide se plonger dans le sujet. Impressionnant s'il en est, le parfait déclin de Détroit est choquant dans ce sens qu’il ne s’agit pas des ruines d’une civilisation passée mais bien des ruines de notre civilisation, résultat du néolibéralisme sans entrave.

On suit dans Il était une ville, deux destins qui vont évidemment être amenés à se croiser. D’une part, Charlie, jeune garçon élevé dans la banlieue de Détroit par sa grand-mère qui, ne voyant pas d’avenir, se laisse entraîner par des petites frappes et de fuguer dans un monde parallèle créé et géré par de très jeunes délinquants, dealers et voleurs. D’autre part, Eugène, jeune ingénieur automobile français qui voit dans sa mutation à Détroit, la Motor City, une opportunité de relancer sa carrière et de vite se rendre compte qu’on l’abandonne petit à petit dans une entreprise, et plus généralement dans une ville, en pleine déliquescence. La fugue de Charlie va nous mener dans un polar haletant. Les tribulations d’Eugène dans une critique acerbe, mais non dénuée d’humour (cf. le fantasque rh Patrick), du monde de l’entreprise.

Il était une ville est un roman politique et tout à la fois un roman de guerre, la tension est sourde, la guerre est économique. Thomas B. Reverdy nous montre que quand le monde déshumanise, c’est l’humain qui résiste. Et malgré le froid, malgré la misère, la précarité et l’insécurité, l’amour transparaît et nous laisse un horizon d’espoir. D’ailleurs, depuis quelques temps, il se dit que Detroit est en train de redresser la barre.btn commande

Flammarion, 19 €.

041L'avis d'Adrien :

Sur les première et quatrième de couverture, est annoncée "une bande dessinée avec : Arsène, de l'aventure, de l'amour, de l'architecture, de la liberté, de la peur, de la luxure, l'inconnu, rien, un fantasme, de l'espérance, de nouvelles rencontres, des conneries artistiques, un piège".
Et tout cela est vrai.

Si vous avez peur de passer à côté d’une des meilleures bandes dessinées de ces dernières années, foncez  sur Arsène Shrauwen. Son auteur, Olivier Shrauwen, jeune bédéaste flamand à suivre absolument, nous en met plein les yeux à chaque page. Il nous conte l’histoire de son grand-père, Arsène, débarquant dans une colonie jamais nommée, en réalité le Congo belge, pour rejoindre son cousin Roger, architecte, et travailler pour lui. Le cousin a pour dessein de faire sortir du sol, d'ériger en pleine brousse, une cité utopique, baptisée Freedom Town. Rapidement dépassé par ses plans, ses inventions, ses créations gigantesques, le cousin Roger sombre dans la folie. Arsène se retrouve désigné par le bras-droit de l'architecte, Louis, pour reprendre les rênes du projet. Ne comprenant pas tous les tenants et aboutissants et, à son tour dépassé par les événements, Arsène se laisse guider par Louis. Ajouté à la folie que peut comporter une telle aventure, les méandres de l'amour, et vous obtiendrez une histoire passionnante de bout en bout.

La superbe bichromie rouge-bleu soufflant le chaud et le froid, les métaphores prenant forme, la chaleur, la touffeur, la jungle, la grandiloquence des projets du Nord pour le Sud, le grand nombre de trappistes bues par Arsène nous font nous plonger ivres et fiévreux à corps perdu dans cette folle aventure humaine. Olivier Schrauwen nous tient comme dans un piège magnifique et terrifiant que nous n’avons pas envie de quitter. Quand, après le premier chapitre, il nous demande, dans un interlude graphique sublime, d’attendre une semaine avant de reprendre la lecture, on lui obéit (au moins une heure), impatient de retrouver la suite. Les 35 € que coûte cet album ne doivent pas être un frein à son achat, vous ne le regretterez pas. Gageons qu’Angoulême en janvier prime de belle façon Arsène Shrauwen, Olivier Schrauwen le mérite amplement ! btn commande

Traduit de l'anglais par Charlotte Miquel, L'Association, 35 €.

magazine initiales 2Ca y est, il est arrivé! Aussi beau que le premier, aussi rempli de découvertes, aussi indispensable: c'est le magazine des librairies Initiales, deuxième du nom!

Pour conconcter ce numéro festif, les équipes d'une trentaine de librairies amies ont partagé leurs plus belles lectures. Un seul but: vous surprendre, vous donner à lire et à faire lire le meilleur d'une rentrée littéraire particulièrement riche. Une rencontre avec Thomas Vinau, un focus sur l'édition en sciences humaines, des propositions de lectures "sur la route" avec les réfugiés, un désopilant interrogatoire du grand Chevillard, des chroniques en pagaille: avouez que cela fait envie...

038L'avis d'Adrien :

Avec une écriture qui coule de source, des ellipses sous forme de points de suspension, des jours qui se répètent mais ne sont évidemment jamais les mêmes, Katchadjian nous livre un conte étonnant et captivant où se battent mine de rien des concepts philosophiques de haut vol. Un esclave, acheté par un homme libéral qui le considère comme son égal si ce n’est qu’il lui fait faire les tâches les plus horribles qu’on puisse imaginer, sans qu’on en apprenne plus sur celles-ci, va vouloir tuer son maître pour libérer les autres esclaves du château. Dès lors, une vague de liberté va pousser les affranchis à libérer d’autres esclaves d’autres maîtres d’autres châteaux. Mais peut-on vraiment atteindre une liberté universelle sans que le mécanisme se grippe, sans atteindre à la liberté d’autrui ?

Dans un moyen-âge réinventé, nous parcourons un monde où une apocalypse de cendres et un paradis ensoleillé et verdoyant ne sont jamais loin de l’autre et nous font réfléchir à nos engagements individuels quotidiens et à nos actions collectives et tout ça en nous divertissant avec une histoire à la fois tellement simple et barrée qu’on ne sait plus s’il faut en rire ou en pleurer. L’Argentin Pablo Katchadjian, qui, de par son origine a pu observer révolutions sud-américaines et littérature onirique (entre autre Borges), se joue de nous, nous tient comme des pantins et jette un voile absurde qui nous dépasse tous, héros et lecteurs. Allez-y, foncez dans la clarté sombre de Merci, l’histoire est aussi belle et bien fichue que l’est l’objet livre conçu par la toute jeune et très recommandable maison d’édition Vies // Parallèles.btn commande

Vies Parallèles, traduit de l'argentin par Guillaume Contré, 15 €