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Un dimanche soir de fin d'été. L'heure du retour de vacances pour une famille suisse. L'heure des bagages à défaire, des préparatifs pour la reprise du lendemain, du dernier verre sur la terrasse. Astrid monte coucher les enfants. Thomas plie son journal, se lève et ouvre le portail du jardin. Il ne rentrera pas.
L'un l'autre est le récit de ce retrait du monde et de la manière dont il va modeler ce que seront les vies de Thomas, d'Astrid et de leurs enfants. Écrivain du vide et de l'absence, Peter Stamm nous tient en haleine avec un dépouillement de moyens exemplaire. On ne trouvera pas chez lui d'explications psychologiques ni de questions morales, non: juste, au plus près, la description des gestes, des mouvements, des trajets d'un homme et d'une femme projetés dans un monde où les repères s'estompent.
Thomas s'en va et gagne la montagne pour se mettre à l'abri des bruits du monde, se confronter à la nature, se fondre dans le présent de la marche, rentrer plus profondément en lui-même. Tentation bien contemporaine. Et Astrid, dans l'asphyxiante douleur de la séparation, dans les gestes du quotidien qu'il faut bien assumer pour les enfants, emprunte un chemin vers elle-même qui n'est pas moins risqué que celui de Thomas.
Peter Stamm pose son regard alternativement sur chacun d'eux. L'homme et la femme, l'extérieur et l'intérieur, la liberté et le quotidien. Mais très vite il brouille les cartes, estompe la chronologie, évoque les vies possibles, les vies imaginées. Son écriture tout à la fois matérielle et poétique rythme un récit qui prend au fil des pages une dimension plus onirique et métaphysique. Et l'on perçoit la béance, l'abîme au bord duquel Thomas et Astrid contemplent leur histoire.
« Quand nous nous séparons, nous restons l'un à l'autre ». Cette citation de Markus Werner qui ouvre le livre éclaire on ne peut mieux ce qu'est L'un l'autre: par-delà l'absence, par-delà le vide, par-delà le confort des certitudes, une histoire d'amour absolue.
Traduit de l'allemand par Pierre Deshusses, Christian Bourgois, 17 €
Disponible au format numérique
Ce samedi 22 avril, près de 500 librairies indépendantes de France, de Suisse et de Belgique sont à la fête. À l'occasion de la Journée mondiale du livre et du droit d'auteur, nous reprenons la belle coutume catalane qui veut que l'on s'échange un livre et une rose le jour de la San Jordi.
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Savoureuses chroniques d’enfance d’Ota Pavel – nom tchèque adopté par sa famille après la guerre remplaçant le nom juif de Popper – dans la belle Bohème tchécoslovaque, ce livre produit, comme le dit le grand auteur italien Erri de Luca cité en quatrième de couverture, des bulles de joie sous la peau.
Tout n’y est pas rose, les temps s’assombrissent, son père juif et ses deux frères seront déportés au camp de concentration de Terezin en reviendront vivants, et consécutivement, le régime communiste ne rendra pas leur existence plus enviable. Toutefois, la poésie, l’humour, l’originalité de l’écriture de Pavel adoucit ces faits tragiques, nous fait rire et sourire.
On y découvre surtout son papa, grandiloquent représentant – détenteur du record international de ventes d’aspirateurs pour Electrolux, il ira jusqu’à en vendre dans un village non relié à l’électricité –, mari fidèle mais fieffé dragueur et surtout pêcheur passionné. A travers les yeux d’enfant de Pavel, c’est la figure tutélaire du père qu’on voit ici, nébuleux géant, ogre bienfaisant, fragile colosse, entrepreneur à l’ambition bancale (après les aspirateurs, il se lancera dans le commerce de tue-mouches révolutionnaires mais foireux pour passer ensuite à l’élevage de porcs puis de lapins). Le fils et romancier ne lui tient pas rigueur de parfois abandonner sa famille pour suivre ses élans hasardeux, tant il représente pour lui la gaieté, le courage et aussi une sorte de bon sens tordu.
On peine à croire que Pavel écrivit ces tendres vignettes interné et touché par une grave dépression. Prenons-les pour une exhortation à la vie et à ses bons moments, des méditations sur la survie, sur le devoir salutaire de mémoire. C’est extrêmement touchant et teinté d’une mélancolie compensée par une jubilation folle et des descriptions de la nature enchanteresses.
Nous remercions chaleureusement Do, cette jeune maison d’édition bordelaise, de nous faire découvrir pour la première fois en français ce classique de la littérature tchèque. Nous allons nous plonger dans le reste de leur catalogue assurément prometteur.
Traduit du tchèque par Barbora Faure, Do Editions, 20 €.
L'avis d'Edith:
Maurice Sendak nous transmet en dessins les phrases d'enfant captées au vol par Ruth Krauss.
Du premier dessin aux quatre derniers mots, « Ouvrir la porte aux papillons » est un TRESOR de ceux qu'on trouve enfant dans une caverne de fauteuils et qu'on va enterrer dans une jungle de jardin. C'est une potion d'enfance, à chaque page on rajeunit avec une seule envie : continuer, quel que soit notre âge, à cultiver notre brin de folie et de poésie, à galoper fougueusement avec tous les chevaux de notre imagination, un peu tous les jours, beaucoup toute la vie !
Pour n'en citer qu'une...ou deux : « Une bonne façon de dire qu'il neige c'est de courir dehors tous ensemble et de jeter ses chapeaux en l'air » ou encore « Un bol de lait est une bonne chose à prendre au cas où tu voudrais faire semblant d'être un chat ». Plus qu'un régal, un FESTIN!
L'avis d'Edith:
Mo-rice, 10 ans, jongle entre ses deux vies. Celle de Maurice, premier de classe, poli, propret, et celle de Mo, p'tit dernier d'une famille où l'argot et les décibels se disputent l'ambiance. Tout est pour le mieux dans les meilleurs des mondes, jusqu'à ce que la venue de son meilleur ami de bonne famille pulvérise son bel équilibre. Rien ne va plus pour Mo, mais sa famille n'a pas dit son dernier mot : quand les Dambek partent au front, ça déménage !
On rigole dès les premières pages, séduits par la sympathique schizophrénie de Mo et sa sincérité percutée par une société guère bien intentionnée. Puis nous aussi on l'aime bien sa famille zarbi, Gilou-2-de-tension, Bibiche, Titi et sa grosse voiture, son papa ferrailleur et sa maman reine des crêpes au rhum. On serait pas surs d'en vouloir au début mais Jo Witek nous retourne comme les crêpes « à l'alcool » ! C'est tendre, c'est drôle, y a du vrai et de l'exagéré, y a de l'explosif, du moelleux, et quelques questions bien vraies.
L'auteure Jo Witek nous offre un petit Mo pas très loin du Momo de « La vie devant soi » et nous réjouit de sa plume et de son œil fin.