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Un feu d’artifice pour ouvrir le livre, un grand incendie pour le refermer, et entre les deux "Partout le feu" crépite, flamboie, illumine comme rarement la colère de notre temps.
Avec ce premier roman écrit d’un souffle, Hélène Laurain raconte les désirs, les espoirs et les peurs de Laetitia, née dans l’Est triste quelques minutes avant l’explosion de Tchernobyl. La vie de Laetitia est aussi fissurée que le réacteur nucléaire. Le deuil impossible d’une mère partie trop tôt, l’absurdité de son travail, le sentiment oppressant de la catastrophe climatique: sa vie implose, et les post-it implacables ou poétiques qu’elle griffonne méthodiquement ne suffisent pas à l’étayer.
Alors, l’énergie libérée par tant de failles, Laetitia la met au service d’un groupe d’activistes écologistes. De coups d’éclats en gardes à vue, elle garde intacte sa conviction: brûler de douleur et faire avec.
Drôle et rageuse, habitant une vertigineuse solitude, Laetitia mesure les progrès de son eczéma sans pour autant renoncer à traquer la beauté du monde. C’est une héroïne bien d’aujourd’hui, délurée, sans illusion mais pas sans idées, une Antigone pour nos temps effondrés.
ma couleur c’est le vert / vert sorcière / vert colère / vert furie
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Immense romancier, mais aussi poète, essayiste, nouvelliste, scénariste, Paul Auster n’aura jamais fini de nous surprendre. Le voici de retour avec un nouveau livre, exercice d’admiration plus que biographie d’un auteur qui reste méconnu chez nous: Stephen Crane.
Mort à 29 ans, Stephen Crane semble pourtant avoir vécu mille vies. Fils rebelle de l’Amérique, ancêtre du journalisme gonzo, nouvelliste et romancier à la prose fiévreuse, infatigable voyageur: l’auteur de L’insigne rouge du courage trouve en Paul Auster un passeur d’une générosité hors-norme.
Burning Boy est un livre dense. Il naît à la fois d’un travail méticuleux d’historien, traquant une vie aux nombreuses pages troubles, et d’un brillant exercice de critique littéraire. Après les biographies potentielles que Paul Auster tissait dans son chef-d’œuvre 4 3 2 1, voici donc une vie auscultée au plus près, dans sa complexité, dans ses silences, dans ses zones d’ombre. Et c’est passionnant.
D’autant que Stephen Crane tend à Paul Auster un miroir où se reflètent ses propres obsessions : les soubassements de l’histoire américaine, la façon dont s’articulent dans une vie le hasard et la nécessité, les aléas de la mémoire, la tension entre langue vivante et langue littéraire. « Burning Boy » fonctionne comme une mise en abyme qui renvoie à d’autres romans de Paul Auster. En ce sens, ce livre apparemment atypique se donne en fait comme la parfaite continuité d’une œuvre qui, de la Trilogie New-Yorkaise à Moon Palace, de Léviathan à 4 3 2 1, est décidément remarquable.
Actes Sud, traduit de l'anglais (États-Unis) par Anne-Laure Tissut, 28 €
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Après le bel Ours Kintsugi, Victoire de Changy et Marine Schneider poursuivent leur collaboration fructueuse. Les mots de l’une dans les couleurs de l’autre : une alchimie parfaite pour des albums que nous aimons vous partager.
Le bison non-non, paru cet automne aux éditions Cambourakis, est une merveille de douceur et de fantaisie. Le bison du titre est encore tout petit mais drôlement plus poilu que ses semblables. Tellement chevelu qu’on ne voit, de son visage, que ses beaux yeux mélancoliques. Sa bouche et son nez, complètement cachés, ne peuvent rien exprimer.
Alors, à chaque question qu’on lui pose, on croit lire « non-non» dans ses grands yeux ronds. Ses parents et ses amis n’imaginent même plus une autre réponse, c’est toujours le « non » qui brille dans son regard.
Jusqu’au jour où…
Il faut souvent peu de choses pour changer ce que l’on pense définitif, rien n’est jamais tout à fait comme on le croit. Et c’est très bien comme ça !
L'avis de Maryse:
Malgré l’annonce d’une tempête, Bolivar, un pêcheur sud-américain aguerri, convainc le tout jeune Hector d’embarquer sur son rafiot. Rapidement et immanquablement, les deux hommes se retrouvent à la merci des éléments, prisonniers de l’immensité de l’océan Pacifique, liés dans une terrifiante intimité forcée alors même que tout les dissocie. Au début, c’est l’instinct de survie qui les mobilise solidairement dans la quête du manger et du boire et dans l’espoir grisant d’être retrouvés et secourus. Puis, au fil du temps qui s’écoule sans poser d’autres repères aux deux hommes que le cycle de la nuit et du jour, la foi se dilue. Tandis que la réalité s’écaille, la vie d’avant n’est plus qu’un patchwork de réminiscences adorées ou gangrenées par le remords. Chacun se confronte violemment à ses propres limites physiques et psychologiques, ainsi qu’à celles de l’autre. L’autre qui devient à la fois un miroir déformant, un clarificateur de conscience, une nécessité, un enfer.
D’aucuns y saisiront peut-être le rappel d’un confinement, mais à ciel ouvert. Pourtant, c’est bien la condition humaine que Paul Lynch explore et interroge. L’écriture crée des ressentis intenses, la condition brute des personnages infimes dans l’immense, questionne profondément le lecteur. Et c’est vrai, dans Au-delà de la mer, on songe assez vite au vieil homme d’Hemingway – à la grande différence qu’ici, la blessure du grand combat contre soi-même est infectée par la présence de l’autre –, et aussi aux limites absurdes de nos vies qu’avait définies Albert Camus.
En somme, vous aurez compris qu’avec ce roman remarquable, Paul Lynch, figure absolument incontournable des lettres irlandaises contemporaines, confirme sa bonne place au rang des faiseurs de grande littérature.
Éditions Albin Michel, 19,90€.
Traduit de l'anglais (Irlande) par Marina Boraso.
Disponible en format numérique ici.