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24 fois la verite meltzL'avis d'Anouk:

"Le cinéma, c’est 24 fois la vérité par seconde". Les mots de Jean-Luc Godard éclairent le projet littéraire d’Adrien P.: tenter de raconter, au plus près, au plus vrai, la vie de son grand-père Gabriel.

Mort à 101 ans, Gabriel a traversé le 20e siècle caméra à la main, comme pour tenir à distance un réel dont il a appris trop jeune la violence. Preneur d’images à la Gaumont, Gabriel témoigne pour son temps; sa caméra enregistre grands événements et angles morts de l’histoire avec pareille acuité. De la volumineuse Pathé-Kok de son enfance jusqu’au numérique, il accompagne aussi toutes les mutations techniques, et plus encore la vertigineuse modification de notre rapport à l’image.

En tissant 24 fragments de la vie de son grand-père, Adrien cherche à attraper ce qui fait l’épaisseur d’une vie. À l’attraper par les mots et la littérature, qui sont comme le miroir des images de Gabriel. Les 24 chapitres explorant la mémoire de son grand-père alternent avec autant de textes personnels, à mi-chemin entre journal intime et carnet de création. On y lit les interrogations d’Adrien sur le cinéma, le récit, l’amitié, ses enthousiasmes et ses écœurements. Et si l’ombre de Godard n’est jamais loin quand il est question du cinéma et des images, c’est dans le sillage de Georges Perec qu’Adrien avance sur son chemin d’écriture. Perec et la béance de la mémoire, Perec et son roman sans E/sans eux, Perec et son sourire joueur.

Comment, à partir d’une construction si sophistiquée, 24 fois la vérité parvient-il à susciter tant d’émotion et de beauté? Comment le tourbillon d’événements, de pensées, de vertiges qu’abrite ce roman profondément singulier se cristallise-t-il avec tant de justesse? C’est le secret de Raphaël Meltz – pour notre part, nous l’appellerons: la grâce. Un mélange subtil de douceur et de passion, d’audace et de pudeur, de profondeur et de délicatesse.

"La vie. Une fois encore. La vie. Rien que la vie".

 

Le Tripode, 20 eurosbtn commande

Disponible en format numérique ici

L'avisLété sans retour C1 de Maryse:

À nouveau, voici un roman belge, publié chez Gallimard, qui vaut le détour !

2005 à Ravina, un bourg isolé de Basilicate, la région du sud de l’Italie « dont on dit, tant sont peu nombreux ceux qui la connaissent, qu’elle est un peu comme Dieu lui-même, réelle et imaginaire, ne se laissant ni facilement décrire ni atteindre par le temps. » Alors que le village est en fête, la jeune Chiara, fille des propriétaires de l’épicerie et nièce de l’agriculteur Pasquale Serrai, disparait. Des jours durant, malgré les battues des carabinieri et la mobilisation de tout le village, elle reste introuvable. Très vite, les chaînes de télévision et les rédacteurs de gazettes locales et nationales vont s’implanter dans les lieux jusqu’alors ignorés, et s’emparer de l’affaire, la transformant en un macabre et voyeuriste roman-feuilleton suivi par le pays entier et dont plusieurs villageois deviennent les personnages-vedettes. Au cœur de l’angoisse, de l’indignation et de la tristesse se révèlent frustrations, jalousies, et haines enfouies.

C’est Sandro, orphelin pris sous l’aile de Serrai et jeune homme mis au ban de ce petit monde à l’époque des faits, qui, des années plus tard, raconte le funeste épisode qui avait bouleversé la vie d’ordinaire si taciturne d’une région où tout le monde croit connaître tout le monde...

Le roman de Giuseppe Santoliquido prend vite la forme d’un bon thriller haletant et pourtant, c’est la fine analyse de ce que peut revêtir une société rurale, géographiquement isolée, aux hommes et aux femmes que le dur labeur a maintenus butés, inflexibles, envieux et intransigeants qui est à retenir. C’est aussi une réflexion sur la façon dont les médias – et ce même avant l’arrivée massive de Facebook et autres réseaux sociaux – récupèrent une atroce réalité afin de la servir chaude et bien croustillante à des spectateurs en mal de sensations. Mais surtout, c’est une écriture juste, accomplie et véritablement élégante qui transporte le lecteur de la première à la dernière ligne de ce très bon roman.

Gallimard, 20 €btn commande

Disponible en format numérique ici

L'avisdebout dans leau de Maryse:

Voici un roman bref, sobre et fort, au style si particulier et à la sensibilité tellement profonde que le moment fugace de sa lecture résonne encore et encore.

Nous sommes en pleine campagne flamande, dans une vaste et calme demeure bordée d’un immense jardin et d’un étang. Aux portes de l’adolescence, une jeune fille vit chez ses grands-parents depuis ses deux ans. « Enfant naturelle », elle a été laissée là par sa mère, qui ne revient pas. La grand-mère est aimante, quoique silencieuse, pudique et distante. Le grand-père, figure drue et autoritaire, quant à lui, se meurt à petit feu au fond de son lit. Cet été-là, les journées de l’enfant solitaire s’écoulent doucement dans le grand jardin, son corps immergé dans l’étang, ses mains enfouies dans la terre du potager, le fond de ses narines inondé de l’odeur de la vase et son esprit navigant sur les flots des premiers émois, des petits bonheurs, des grands tourments et de l’infinité qu’offre l’imagination propre à cet âge de la vie. Puis, les jours sont aussi ponctués par l’intimidante visite au patriarche mourant.

L’eau, la vie, la mort… Autant de thématiques omniprésentes dans cet instantané singulier où la nature est souveraine. Entre le rêve et la réalité, le lecteur tangue. L’écriture est magnétisante, les ressentis intenses, alors même que somme toute, le quotidien se déroule dans une routine taciturne. En fait, à l’instar de la fille, l’eau de l’étang semble calme mais pourtant renferme en elle une puissante force de vie et de mort.

Avec Debout dans l'eau, l'écrivaine belge, primo-romancière, Zoé Derleyn fait entendre une voix littéraire extrêmement singulière à découvrir, vraiment, et à suivre, sans aucun doute.

Le Rouergue, 16 eurosbtn commande

Disponible en format numérique ici