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une drole de bete durandL'avis de Régis:

Quelle joie de retrouver Delphine Durand et son univers inclassable ! Quel bonheur de renouer avec ses personnages délicieusement hirsutes! Après « Ma maison », « Gros Lapin », « Les mous » ou encore « Ratapoil », tous des sommets de fantaisie absolue, elle publie cet automne « Une drôle de bête » aux éditions des Fourmis Rouges.

Le texte de cet album est signé par Martine Laffon, philosophe et spécialisée dans l’étude de la Genèse, grande passionnée des mythologies mondiales. Cela pourrait sembler incompatible avec la loufoquerie évoquée plus haut. Détrompez-vous!

Ces deux-là nous offrent une réécriture joyeusement païenne de la naissance de l’homme, et ça vaut le détour. Quand le Dabba d’en haut vient visiter son frère le Dabba d’en bas, ça discute sérieusement. L’un a déjà créé tout ce qui vole, l’autre tout ce qui marche. Mais le premier a vu en rêve une drôle de bête, ce serait peut-être chouette de la réaliser à deux… Une poignée de terre et peu d’eau, la fameuse bête est quasiment terminée… Mais qu’en diront les autres créatures? Et puis à quoi va-t-elle vraiment servir cette bête, sans crocs, sans griffes et sans écailles?

S’inspirant de la légende des frères Prométhée et Épiméthée, cette cosmogonie atypique remet l’homme à sa juste place, vivant parmi d’autres vivants. C’est un bonheur de lecture et on ne peut s’empêcher de pouffer de rire à la vue de ce premier homme un peu ridicule et des créatures bizarroïdes qui l’examinent sous toutes ses coutures.

Mais c’était il y a longtemps, très longtemps, si longtemps que personne ne s’en souvient…

 

Les fourmis rouges, 17 eurosbtn commande

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ma babysitteuse bunelL'avis de Régis:

Alice Bunel signe un premier album à L’Ecole de Loisirs et c’est notre révélation du moment !

À mi-chemin entre la BD et l’album narratif plus classique, elle impose un style, un ton, une patte qu’on ne risque pas d’oublier.

En cinq chapitres rondement menés, vous allez adorer les aventures de la poulette Jacquotte et de sa « baby-sitteuse préférée », la gouailleuse Sheila, une grande pouliche qui dégaine son téléphone plus vite que son ombre et qui a le verbe haut.

Une animalerie vient d’ouvrir à deux pas de l’école de Jacquotte et propose à la vente des PP. Depuis quelques semaines, la mode, c’était les PP, des petites personnes hautes comme des crayons de couleur.

Elles sont trop mignonnes, trop comiques, trop choux mais… sont-elles vraiment heureuses ? Jacquotte a l’intuition immédiate que quelque chose cloche dans ce commerce des PP.

La vraie grande aventure de cette histoire commencera quand Venise débarque dans leur vie…

Un album ovni, plein de couleurs flashy et de rires débridés, qui a la finesse et l’intelligence de déclencher mille questions chez nos petits lecteurs : faut-il être « à la mode » pour se faire accepter par certains à l’école ? a-t-on le droit de maintenir en captivité des êtres humains ? ces petits êtres ont-ils raison de prendre leur destin en main ?

« Ma baby-sitteuse et les petites personnes » est résolument politique et joyeusement réfractaire. Un vrai traité d’insoumission à glisser entre toutes les petites mains !

L'École des Loisirs, 13.50 eurosbtn commande

cout de la vie levyce que je ne veux levyL'avis d'Anouk:

Un livre bleu.

Un livre jaune.

Deux éclats de couleurs vives dont je sais qu'ils deviendront des points de repère et des points d'ancrage dans ma bibliothèque.

Deux livres modestes et puissants, drôles et déchirants, libres, inclassabes, qui seraient comme le reset pour notre siècle d'"Une chambre à soi" de Virginia Woolf — pas moins.

"Ce que je ne veux pas savoir" et "Le coût de la vie" sont deux pièces du puzzle de la living autobiography de Deborah Levy, le premier arrimé aux années d'enfance et d'adolescence, le second à ce moment, crucial dans une vie, où il faut faire le bilan et s'acquitter du prix de la liberté, du désir, de la clairvoyance.

Les deux livres s'ouvrent sur un ailleurs, le Mexique ou Majorque, dans des auberges où la conversation d'inconnus permet à l'écrivaine solitaire de cerner les points de bascule de sa propre vie: son enfance, l'écriture, son divorce. Le détour aiguise le regard et fait advenir le récit.

"Déployer des idées à travers toutes les dimensions du temps est la grande aventure d'une vie passée à écrire". L'écriture de Deborah Levy a une souplesse incomparable, mêlant dans un même souffle le passé et le présent, le trivial et l'éblouisant, le désespoir et l'ironie. Tout tient ensemble, comme peuvent cohabiter dans son sac de mère divorcée un livre de Freud, un chargeur pour la batterie de son vélo électrique, un rouge à lèvres, un tournevis et cinq clémentines. L'écriture déstabilise les frontières, elle est poreuse au chaos, aux effondrements, aux instants de grâce. Elle attrape la vie dans toute sa complexité et s'en nourrit pour donner du sens, de la consistance, de la beauté peut-être.

On s'arrête souvent à la lecture de ces livres si profondément intelligents, pour relire un paragraphe, retourner en arrière, glaner une phrase éclairante. Comme "Une chambre à soi" a ouvert un espace de réflexion sur ce qu'est une femme qui écrit, les livres de Deborah Levy sont aussi un lieu d'écho et de résonance pour les questions féministes d'aujourd'hui. Ils accompagnent au plus près tous les seuils qu'il faut franchir dans une vie pour gagner la liberté. C'est vivifiant et inspirant.

 


"En fait, j'ignorais totalement à quoi ressemblait la sérénité. La sérénité était censée être l'un des personnages principaux de la féminité telle que la culture la définissait autrefois; Elle est sereine et endurante. Oui, elle est si douée en matière d'endurance et de souffrance que ces caractéristiques pourraient même être les personnages principaux de son histoire.

Peut-être que la féminité, ainsi qu'on me l'avait appris, était arrivée à son terme. La féminité, en tant que personnalité culturelle, n'exprimait plus rien pour moi. Il était évident que la féminit, telle qu'elle était écrite par les hommes et jouées par les femmes, était le fantôme épuisé qui continuait de hanter le début du XXIe siècle. Qu'en coûterait-il de sortir de son rôle et de mettre un terme à ce récit?"

 

Éditions du Sous-Sol, brillamment traduit de l'anglais par Céline Leroy, 16.50 euros par volumebtn commande

Disponible en format numérique ici.

oliviertallecEn cette fin d'année, nous souhaitons mettre chaque semaine à l'honneur l'oeuvre d'une autrice ou d'un auteur jeunesse. Cette semaine, on part à la rencontre de l'univers d'Olivier Tallec, dont les éditions Pastel viennent de publier l'irrésistible "Un peu, beaucoup".

un peu beaucoup tallecL'avis de Clémence:

« Un peu BEAUCOUP » et au lecteur d'ajouter « Passionnément !». C'est en effet l'adjectif qui surgit lorsque l'on découvre les premières pages du nouvel album d'Olivier Tallec et cela résonne plus globalement avec son univers d'artiste : on le dévore avec ferveur et sans modération !

Tiens tiens, cela nous fait penser à quelqu'un... Un petit personnage que nous avions eu le bonheur de découvrir dans « C'est mon arbre » et qui croque la vie à pleines dents, sans retenue! Et oui, c'est NOTRE écureuil qui engloutit avec ivresse les pommes de pin de SON arbre, et les aiguilles, et les branches, et les racines de SON arbre. Jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien. Pourtant, il le sait, un arbre c'est fragile et il faut en prendre soin. Mais le pouvoir de la consommation et de la convoitise est plus grand et plus excitant que la raison. Il y a tellement d'expériences à explorer, de choses à grignoter, ronger, tester qu'il ne sait plus où donner de la tête et qu'il en devient fou au point de tout ingurgiter en une seule bouchée !

Voilà comment Olivier Tallec nous confronte, en filigrane, au reflet de la société: individualiste, en quête du « toujours plus et plus vite », sans vision à long terme. Une société de surconsommation qui brûle ses ressources pour érigé l'ego et satisfaire sa petite personne au détriment des autres.

Serait-ce une mise en garde sur notre écosystème qui se perd chaque jour un peu plus face à la bêtise humaine ? Olivier Tallec nous parle de résilience et de parcimonie, de respect des éléments et d'altruisme, de partage, à travers un humour acerbe et cocasse et des illustrations colorées et puissantes. Ne nous mentons pas, nous nous reconnaissons tous un peu dans le comportement de ce petit rongeur. Olivier Tallec nous invite à ralentir et à réfléchir à chaque petit geste du quotidien, à contempler notre environnement et à en prendre soin mais surtout à transmettre à nos enfants la patience, l'équilibre et à préserver la beauté de ce qui nous entoure.

 Pastel - L'École des Loisirs, 12.50 eurosbtn commande

Retrouvez le dossier consacré à Olivier Tallec ici.