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ma devotion - kerninonL'avis de Delphine:

Dévotion : un beau titre, et un beau mot, que l’amour a emprunté au langage religieux – cela aurait pu être l’inverse – et qui, comme ferveur, est tristement passé de mode.

Comme tant d’autres à son époque – tant d’autres à toutes les époques …  –, Helen, née dans les années 1930, a longtemps été une femme sans voix. Elle a pourtant mené une carrière d’éditrice et d’essayiste et une vie peu conventionnelle, mais parler, se faire entendre, elle n’a jamais pu, jamais su. Jusqu’à ce qu’elle retrouve, par hasard et plus de vingt ans après leur séparation, Frank, son amour, et qu’elle le somme de l’écouter, là, tout de suite, dans la rue où ils se sont croisés. Et nous, lecteurs, nous nous sentons sommés de lire, d’écouter nous aussi ce qu’elle a à dire.

De sommés, nous sommes happés, pris par ce récit qu’Helen égrène en une multitude de très brefs chapitres et où elle raconte à Frank leur vie : sa dévotion à elle et sa dette à lui, le grand artiste égocentrique et étranger à tout ce qui n’est pas son art et ses conquêtes. À mesure qu’elle dévide l’écheveau de ses souvenirs, l’équation paraît de moins en moins simple et se trouble – la dévotion aussi a sa part d’ombre ...

Dans ce roman au style fluide, limpide et imagé, Julia Kerninon explore avec beaucoup de finesse et d’acuité les ressorts de l’amour, les liens troubles qu’il entretient avec le besoin, la nostalgie et les malentendus. Elle interroge aussi le rôle que jouent dans notre vie les mensonges que l’on trame et les œillères dont on s’affuble, la façon dont ils tracent un chemin qu’on emprunte bon gré mal gré, mi-lucide, mi-aveugle.

Surtout, la romancière dresse le portrait nuancé d’une femme discrète, presque falote en apparence, qui, se révélant page après page, incarne ce qu’elle sait mieux que personne, ce que tout lecteur sait : « Il ne faut pas juger un livre à sa couverture ».

 

Le Rouergue, 20 €btn commande

chance de leur vie - desartheL'avis de Régis:

Trois ans après Ce cœur changeant (L’Olivier, Prix littéraire Le Monde 2015), Agnès Desarthe publie l’un des plus somptueux romans de cette rentrée littéraire et nous fait l’immense plaisir de venir à notre rencontre pour la seconde fois.

La chance de leur vie est un roman aux mille portes. Derrière la première, il y a l’histoire d’une famille parisienne s’installant Outre-Atlantique, le père étant nommé professeur dans une Université de Caroline du Nord. Derrière la seconde, la chronique d’un couple qui perd pied. Ou encore, derrière une autre, le portrait d’un adolescent en pleine crise mystique. On y trouvera aussi un savoureux portrait de campus américain et des personnages secondaires loufoques à souhait. On y lira enfin la solitude, les mensonges, la honte ou la tristesse des uns et des autres, cette abyssale « seconde vie », cette vie secrète et intérieure qu’Agnès Desarthe ne cesse de traquer de livre en livre.

« Le roman n’examine pas la réalité mais l’existence. Et l’existence n’est pas ce qui s’est passé, l’existence est le champ des possibilités humaines, tout ce que l’homme peut devenir, tout ce dont il est capable » écrivait Milan Kundera dans son Art du roman (Gallimard).

Et c’est tout l’enjeu de ce roman infiniment contemporain : dire la part d’ombre de chacun de nous, ce qui échappe et résiste aux pressions sociales dans un monde ultra-connecté.

 

L'Olivier, 19 €

Ne manquez pas la rencontre avec Agnès Desarthe le jeudi 22 novembre à 20 heures à la librairie!btn commande

isidoreetlesautresL'avis de Clémence :

Isidore a onze ans et est un garçon parfaitement ordinaire. Ses préoccupations consistent en séduire la belle Sarah et ne pas être aperçu seul à la récré. Il est aimable, curieux, persuadé que son père est espion car il disparaît parfois, habité par l'imagination d'enfant. Pourtant, une manie l’habite: frotter sans cesse une tache qui lui résiste sur un fauteuil. Ce détail trahit un souci plus profond: dans sa famille, il est né différent des autres et y fait « tache ». Ses 5 frères et sœurs sont surdoués, conversant de Nietzsche et de Deleuze comme s’ils évoquaient leurs amis, rédigeant des thèses à 17 ans, se moquant de l’idiotie du bas peuple et élaborant des théories sur les situations de la vie. Isidore n’est pas comme eux car il aime parler des sentiments et comprendre le dédale des émotions. Un jour, le père est victime d’un accident. La dynamique de la famille change et, contre toute attente, c’est Isidore qui devient le point de repère. Ses frères et sœurs qui, jusque-là, pensaient leur existence parfaite se confrontent à leur mal-être. Ils se tournent alors vers le seul capable de déchiffrer ce tumulte des émotions. Isidore deviendra donc l’épaule sur laquelle pleurer, le copain à qui se confier, le témoin des déboires de certains mais, surtout, celui qui les valorisera. Il passera ses soirées au chevet de sa mère pour lui lire des histoires rassurantes. Pour un garçon ordinaire, il est plutôt coriace, sensible et généreux. Tout est perçu à travers son regard d'enfant naïf et pur. A cela s’ajoute une dimension enjouée et une certaine légèreté malgré les épisodes parfois tragiques. Isidore a le don de relativiser les événements complexifiés par les adultes. On pourrait y voir l’incarnation de l’intelligence émotionnelle qui manque à tous ceux qui l’entourent. Camille Bordas nous rappelle donc que l’humanité doit prévaloir sur les grandes théories et qu’il est bon d’être en compagnie d'un Isidore au cœur d’or et aux mots apaisants pour affronter les difficultés de la vie. Roman frais et profond, cette saga familiale vous fera passer par toutes les émotions.

Inculte, 19,90 €btn commande