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028L'avis d'Adrien :

Impressionné par le travail des photographes Yves Marchand et Romain Meffre, Ruines of Detroit (Steidl), Thomas B. Reverdy décide se plonger dans le sujet. Impressionnant s'il en est, le parfait déclin de Détroit est choquant dans ce sens qu’il ne s’agit pas des ruines d’une civilisation passée mais bien des ruines de notre civilisation, résultat du néolibéralisme sans entrave.

On suit dans Il était une ville, deux destins qui vont évidemment être amenés à se croiser. D’une part, Charlie, jeune garçon élevé dans la banlieue de Détroit par sa grand-mère qui, ne voyant pas d’avenir, se laisse entraîner par des petites frappes et de fuguer dans un monde parallèle créé et géré par de très jeunes délinquants, dealers et voleurs. D’autre part, Eugène, jeune ingénieur automobile français qui voit dans sa mutation à Détroit, la Motor City, une opportunité de relancer sa carrière et de vite se rendre compte qu’on l’abandonne petit à petit dans une entreprise, et plus généralement dans une ville, en pleine déliquescence. La fugue de Charlie va nous mener dans un polar haletant. Les tribulations d’Eugène dans une critique acerbe, mais non dénuée d’humour (cf. le fantasque rh Patrick), du monde de l’entreprise.

Il était une ville est un roman politique et tout à la fois un roman de guerre, la tension est sourde, la guerre est économique. Thomas B. Reverdy nous montre que quand le monde déshumanise, c’est l’humain qui résiste. Et malgré le froid, malgré la misère, la précarité et l’insécurité, l’amour transparaît et nous laisse un horizon d’espoir. D’ailleurs, depuis quelques temps, il se dit que Detroit est en train de redresser la barre.btn commande

Flammarion, 19 €.

carte des mendelssohn - meurL'avis d'Anouk:

Au départ du nouveau roman de Diane Meur, une interrogation: qui pouvait bien être cet Abraham Mendelssohn, fils du philosophe Moses Mendelssohn, grand nom des Lumières allemandes, et père du célèbre compositeur romantique? Diane Meur était loin de se douter que son enquête dans les pas d'Abraham se transformerait en aventure au long cours, la menant sur les quatre continents et engageant au plus profond sa propre existence. Ainsi sont les romans: jamais ils ne nous mènent là où l'on pensait aller...

Cinq ans de recherches minutieuses, une généalogie foisonnante qu'elle s'évertue à cartographier, une reconstitution historique menée avec brio: tout laisse attendre un roman historique classique. Mais "La carte des Menselssohn" en est bien éloignée. Car Diane Meur, avec audace et fantaisie, nous fait entrer dans son antre d'écrivain, et montre comment sa vie à elle s'imbrique avec l'évolution de son projet littéraire. On sourit souvent à l'évocation de ses déboires, on a peur pour elle quand on comprend que ce titanesque "chantier Mendelssohn" manque la submerger, on réfléchit aussi, à sa suite, sur l'art du roman, sur l'histoire européenne et sur ce que c'est qu'appartenir à une famille.

Et finalement l'on comprend: ne sommes-nous pas tous des Mendelssohn?

Sabine Wespieser, 25 €btn commande

lachaud a iraL'avis d'Edith:

Un curieux roman d'anticipation qui nous emporte de 2017 à 2037. Le lecteur passe ces vingt années en prison avec Antoine, enfermé pour avoir enlevé et tué le président français avec un groupe révolutionnaire nommé Ventôse. Quand il ressort en 2037, le monde a avancé. Les injustices qu'il avait cru pouvoir combattre sont pires que jamais. La contestation, elle, se cherche. C'est sa fille Rosa et son voisin Ahmed qui vont alors le guider parmi des pages web subversives et le début d'un campement sur l'Élysée aux accents des campements indignés de 2011.

Denis Lachaud nous propose un roman d'anticipation inquiétant car la réalité qu'il nous montre, pourtant bien dérangeante, n'est pas si éloignée de la nôtre. D'une certaine manière, Denis Lachaud ne fait que forcer le trait. L'actualité de ces mois-ci résonnera étrangement aux oreilles du lecteur de « Ah! Ça ira... », qu'il s'agisse des traitements réservés aux migrants, de la sécurité sociale ou des privatisations. Si le roman peut par instants tinter comme trop facilement révolutionnaire, le dénouement (s'il s'agit d'un dénouement) remélange des cartes qui pouvaient sembler trop évidentes.

Un roman d'anticipation d'une grande actualité donc, qui propose en filigrane d'une histoire prenante une réflexion intéressante sur la contestation, l'engagement et le pouvoir ou non de changer les choses. Un seul regret peut-être, c'est que le bout de chemin parcouru avec certains personnages ne soit pas plus long, car l'on s'y attache de plus en plus au fil des pages.

Actes Sud, 21.80€.btn commande