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L'avis d'Adrien :
Jean Nochez, tiens, tiens, l’anagramme quasi complète de Jean Echenoz, l’auteur entre autres de Je m’en vais - par ailleurs Pierre Demarty insère dans son texte de très nombreuses références littéraires avec toujours beaucoup d'humour -, Jean Nochez, donc, marié, père de deux enfants, philatéliste de profession mène une vie sans fard, excessivement monotone. Il est tellement moyen, d’une normalité confondante, que le seul excès qu'on puisse trouver dans sa vie est dans cette monotonie.
L'avis de Régis :
Nous sommes dans des mots retenus depuis trop longtemps, des mots qui disent l'interdit, qui trahissent le secret, le fameux « Secret Défense ». Des mots d'une « expérience » impossible, scandaleuse, inhumaine. Quatre-vingt pages qui reviennent sur les tests nucléaires menés par la France en 1961 dans le désert algérien et sur les « hommes-cobayes » qui faisaient partie de l'horrible aventure.
L'écriture de Christophe Bataille est stupéfiante de beauté, tantôt nerveuse, tantôt frôlant le silence. Nous sommes là, nous sommes ces jeunes soldats, nous voyons ce qui ne peut être vu. La description faite de l'explosion dégage un sentiment incroyable pour le lecteur. Nous sommes au-delà du temps, au-delà de la lumière, au-delà de la mort. C'est un véritable choc de lecture, et une preuve supplémentaire que seule la littérature peut donner forme à l'indicible. Un texte bref, tout en retenue, mais bouleversant et qui réveille un questionnement essentiel sur l'obéissance, le patriotisme et la mort.
Imaginez-vous une cabane en bois dans une clairière par une nuit d'hiver. Aux murs de cette cabane, trois trophées de chasse qui sont des têtes de loups, sur une chaise à bascule une toque façon Davy Crockett et un poignard dans son fourreau. Mais oui, vous avez raison, c'est la maison d'un chasseur! Et ce vieux bonhomme est si fatigué qu'il se met à ronfler à la seconde où il se couche, sans entendre les sarcasmes des fameuses têtes de loups que nous pensions empaillées. Les trois compères se moquent allègrement : « Et cette haleine de camembert... », « Qu'est-ce que ça pue », « Pas autant que ses pieds ».
Mais voilà qu'un bruit surgit depuis la cuisine, réveillant notre chasseur qui ne dort jamais sans son vieux fusil. Sous ses yeux éberlués, un loup se prépare un café! Dans sa propre cuisine! Un tir retentit aussitôt mais ne laisse pas la moindre égratignure au loup blanc, ni le grand coup de hache qui va suivre, ni les flèches ni même le coup de poignard dans le dos. Rien n'y fait. Désespéré, découragé, épuisé, le chasseur comprend qu'il s'agit d'un fantôme de loup qui vient le narguer et décide de rendre les armes et de retourner se coucher... bientôt rejoint par ce loup-fantôme qui vient se blottir à ses côtés! Les taquineries de nos trois têtes de loup ne tarderont pas, vous vous en doutiez!
Une histoire pour se moquer gentiment de ceux qui se croient les plus forts et qui nous rappelle que l'humour et l'ironie ont toujours le dernier mot.
Joyeux Anniversaire !
2015 sera une grande année pour les jeunes lecteurs de la librairie Point Virgule. Une année magique, pleine de concours, de cadeaux, de beaux albums, de chouettes vitrines ! Eh oui, nous allons fêter tous ensemble L'Ecole des Loisirs pour son cinquantième anniversaire. Un programme très prometteur, vous vous en doutez...
L'avis d'Edith
Avec Danser les ombres, Laurent Gaudé nous offre un univers de plus, celui d'Haiti, dans les jours qui ont précédé et suivi le terrible tremblement de terre de 2010.
On découvre d'abord Haiti par ses habitants. On marche derrière Lucine dans les bruits et les odeurs. On rencontre Saul, meurtri comme tous par les années de lutte contre la dictature, aux idéaux fatigués. On découvre Facteur Sénèque, le Vieux Tess, Firmin et ses ombres. Et avec eux, on découvre une âme commune, cabossée et joyeuse.
Lucine est une jeune haitienne. 5 ans avant, elle avait quitté Port-au-Prince, ses révoltes étudiantes et ses rêves d'un Haiti plus juste, pour prendre soin de sa sœur folle et enceinte. 5 ans après, Nine est morte, Lucine retourne à Port-au-Prince. Et peu à peu, tout semble pouvoir briller à nouveau. Le bonheur y est simple, il a été durement gagné. Le livre pourrait se terminer là, simplement rayonnant, autour d'une bouteille de rhum et d'une table d'amis. S'il n'y avait pas la vie.
La terre tremble. Et on tremble avec Lucine qui tremble de ne pas retrouver Saul, Saul qui tremble de ne pas retrouver Lucine, avec le Vieux Tess, avec Ti Sourire. Et puis les morts se glissent entre les lignes de Gaudé et les vivants de Port-au-Prince. Laurent Gaudé dilue la frontière de la réalité, et pourtant son roman reste réaliste, entre les croyances vaudou et l'universel de la mort.
Laurent Gaudé a quelque chose du photographe Salgado. Non pas qu'il rende la misère et le drame beaux, mais il y rend l'humain lumineux. Lumineux dans les instants de vie gagnés sur l'adversité quand ceux qui cherchent après les vivants entendent une voix sous les décombres. Lumineux dans le bonheur jamais tout à fait acquis du quotidien. Lumineux dans sa fragilité et sa force.
Danser les ombres est un hymne dansé à ceux qui n'auraient pas dû partir, un hymne aux morts et aux vivants.