librairie
point virgule

Rue Lelièvre, 1 B-5000 Namur | Tél. : +32 (0)81 22 79 37 | info@librairiepointvirgule.be | Du lundi au samedi de 9h30 à 18h30

karoo - tesichL'avis d'Anouk :

Saul Karoo est l’un des plus brillants scripts doctors d’Hollywood. Il promène sa misanthropie et son cynisme dans les milieux new-yorkais huppés. Personne ne trouve grâce à ses yeux, ni son ex-femme qui a pourtant supporté tant de frasques, ni son fils adoptif, un ado malin et attachant, ni même lui-même, conscient qu’il est d’avoir sacrifié aux dollars de l’industrie cinématographique ses ambitions littéraires. Saul Karoo a tout trahi, manipulé chacun de ses proches, rendu irrespirable la vie à ses côtés. Mais un jour viendra où il va lui falloir payer…


«Karoo» s’ouvre à la fin de 1989, au cours d’une soirée mondaine où il n’est question que de la chute des régimes communistes d’Europe de l’Est. L’Amérique triomphe, ses valeurs sont appelées à régner sans partage. Convive de cette soirée, Saul Karoo incarne pourtant à lui seul la perversion et le pourrissement de ces valeurs. Sa chute, rapide et irrémédiable, annonce celle de tout l’Empire.


Avec cette farce cruelle, Steve Tesich dézingue à tout va. On rit beaucoup dans ce roman loufoque, et certaines scènes sont vraiment des chefs-d’œuvre d’humour burlesque, comme cette inoubliable visite médicale. Mais la jubilation ne parvient jamais à masquer totalement la noirceur du propos : la vie de Karoo est ratée, et l’Amérique va mal. Derrière ses allures de roman échevelé, « Karoo » se lit comme une fable morale désabusée.

Du grand art !

 

Prix Mémorable des librairies Initiales en 2012.

Traduit de l'anglais (États-Unis) par Anne Wicke

Monsieur Toussaint Louverture, 22 €

Monsieur Toussaint Louverture, Les Grands Animaux, 13.50 €

btn commande

grande maison kraussL'avis d'Anouk:

L'incertitude, l'eimperfection, le fragment: dans ces blancs s'inventent nos vies, nos rêves et les romans les plus ambitieux.

"La grande maison" est de ceux-là.

Nicole Krauss y croise les temps, les lieux et les personnages et laisse au lecteur le soin de patiemment remonter le puzzle. Mais toujours quelque chose échappe. Et cette pièce manquante est la vie même... ou la littérature.

Après "L'histoire de l'amour", Nicole Krauss éblouit une fois encore par la subtilité de son architecture romanesque. Belles et poignantes, les histoires qu'abrite sa "Grande maison" sont autant d'hommages à la toute-puissance de la mémoire et de ses ruses infinies pour consoler de l'échec et de la perte.

Éditions de l'Olivier, traduit de l'anglais (États-Unis) par Paule Guivarch, 22.30 eurosbtn commande

Disponible en collection de poche ici.

ltang - bennettL'avis de Delphine :

Le premier roman de Claire-Louise Bennett, qui vient de paraître en poche, est un livre déroutant et singulier.

La narratrice, une jeune femme dont on ignore le prénom – et dont on ne sait du reste pas grand-chose –, s’est retirée dans un petit cottage irlandais situé non loin d’un étang dont il est, nonobstant, semble-t-il, le titre du roman, à peine question – mais la vie qu’elle y mène est, comme celle d’un étang, stagnante, enfouie, secrète ; apparemment absente mais, sous la surface tranquille et à peine frissonnante, dense et foisonnante.

L’étang est en quelque sorte un roman sur rien. La narratrice y décrit par le menu les faits et gestes les plus concrets et les plus banals d’un quotidien solitaire et domestique – parfois interrompu par un amant de passage. Elle y distille ses réflexions, ses impressions et ses sentiments, ainsi que des bribes de son passé. Elle y raconte une vie qui s’égoutte, qui suinte ; une vie lente, comme hors du temps et du monde.

Cela n’a l’air de rien ; cela pourrait être plat et insipide, un verbiage inconsistant et complaisant …  Cela le serait en effet, sans le ton si particulier de Claire-Louise Bennett, empreint d’une ironie subtile et voilée, d’une gravité légère et tendre. À travers sa narratrice, qui sait que « la tournure d’esprit […] est tout », elle porte sur le monde un regard de guingois, qui se traduit par une originalité discrète mais foncière, par des commentaires baroques et des notations fantasques, par des images et des associations inattendues mais heureuses et expressives – une boue « féodale et riche, incandescente en fait, comme si soudain elle allait se rompre et révéler une bête de feu ou se retourner sur elle-même en un ardent tourbillon d’eau sombrement lumineux ». Des amandes effilées qui « ressemblent étroitement aux ongles descellés d’une main qui vient tout juste de voir le jour ». Par la grâce de son verbe alacre et précis, de sa fantaisie, les détails les plus insignifiants prennent soudain un relief inattendu et s’enluminent d’une clarté falote mais têtue.

Roman de l’infime et de l’intime, L’Etang est une méditation solipsiste, une rêverie aigre-douce où l’accessoire et l’anecdotique sont comme transmutés et qui nous invite à un pas de côté, à un regard de biais pour retrouver – découvrir – la texture riche et chatoyante de la vie ordinaire, sa profondeur moirée, son intensité.

Points, 6.5 eurosbtn commande