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Scott McClanahan publie un roman dont il est le narrateur et le personnage principal. Ou plutôt est-ce Sarah ce personnage au centre de tout, son prénom est dans le titre. Le livre qu'il écrit est pour cette fille, cette fille qu'il aime à en mourir, cette fille qui le met à la porte, cette fille qui demande le divorce.
Alors oui, Scott est un looser qui picole, conduit bourré, se pense drôle et ne l'est guère. C'est vrai aussi qu'il est pleurnichard, gamin et mortellement parano. Mais l'amour qui a uni ces deux-là est d'une force inoubliable. Et l'échec qu'ils traversent, d'une douleur infinie. Avec une sincérité totale, dans un tourbillon de mots crus et d'incroyables trouvailles poétiques, les pages de ce roman sont peut-être la plus belle déclaration d'amour de la littérature contemporaine.
Lisez ce livre ! Vous penserez à John Fante et son irrésistible Pleins de vie. Vous serez bouleversés, comme quand vous avez découvert les nouvelles de Carver. Et puis vous rirez, bien entendu, puisque c'est la vie, dans tout ce qu'elle a de plus banal, de contradictoire et de loufoque. On a tous ri comme si rien ne s'était jamais passé et comme si on n'était pas définis par la souffrance. L'écriture de Scott McClanahan réussit ce miracle d'être tout à la fois musicale et cacophonique, trébuchante et enivrante, pathétique et hilarante. Elle nous saisit et nous met face à cette vie brisée, ce quotidien tragique d'un homme qui boit et voit son univers s'écrouler sans pouvoir en sauver le moindre pan. C'est d'une infinie tristesse mais il y a, à côtoyer ce type imbibé et décadent, quelque chose qui vous réchauffe le cœur durablement. Peut-être tout simplement parce que l'amour de Sarah et Scott, même dans son état de ruine, illumine les pages de ce fabuleux roman, remarquablement traduit par Théophile Sersiron.
Èditions de l'Olivier en association avec les éditions Cambourakis, traduit de l'anglais (États-Unis) par Théophile Sersiron, 22 €
Dans ce nouveau bijou de Max Porter, nous sommes dans un village de campagne. La vie est moderne, mais les pierres et les arbres y ont toute une histoire, habitée d’âme ferme par le Père Lathrée-Morte, légende parmi les légendes, qui se fond en toute chose et se nourrit des voix qui bruissent et des discussions qui crépitent.
Dans ce village, il y aussi Lanny, petit garçon fantasque et joyeux. Le reste, c’est le métro-boulot-dodo qui rencontre le mythe, avec Lanny comme pont entre les deux.
Dans un registre plus lumineux que "La douleur porte un costume de plumes", Max Porter trempe à nouveau sa plume dans une encre onirique, en parsème le quotidien et en réenchante les coins. Sa langue est poétique, ses personnages savoureux et magiques. On aime le Père Lathrée autant qu’il nous fait peur, et on voudrait tou.te.s bien avoir un petit Lanny comme voisin.
Il y a des livres qui s'imposent par leur absolue nécessité, et « Je ne reverrai plus le monde » est de ceux-là.
Les textes rassemblés par le journaliste turc Ahmed Altan, emprisonné depuis la tentative de putsch de l'été 2016 en Turquie, fugacement relaxé début novembre et de nouveau derrière les barreaux, sidèrent par leur puissance d'évocation. Ahmed Altan raconte, dans une langue de peu de mots et qui va droit au but, son arrestation, la vie en prison, les privations, son combat au quotidien pour préserver sa dignité et son humanité. Il nous montre aussi combien la littérature sauve du pire : « Je ne suis pas là où je suis, ni là où je ne suis pas. Enfermez-moi où vous voulez, je parcours le monde avec les ailes de l’imagination. »
L'emprisonnement n'empêche pas Ahmed Altan de vivre et de penser en homme libre. Sa liberté et sa noblesse sont irréductibles, infiniment plus solides que les barreaux de sa prison. Sa liberté et sa noblesse nous font éprouver, aussi, combien il est honteux de se taire et de laisser le champ libre aux bourreaux.
Actes Sud, traduit du turc par Julien Lapeyre de Cabanes, 18.50 €