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La collection Les Affranchis fait cette demande à un auteur ou une autrice: écrivez la lettre que vous n’avez jamais écrite.
Pour Geneviève Brisac, c’est une évidence. C’est à Virginia Woolf, "amie des sombres temps", qu’elle adressera non pas une mais onze lettres. J’ai posé sur ma table de travail les indices qui me poussent à me lancer dans cette aventure : vous écrire pour vous donner de nos nouvelles, de mes nouvelles, et prendre des vôtres.
Geneviève Brisac est une immense romancière et une grande spécialiste de l’œuvre de Virginia Woolf. Elle lui a d’ailleurs consacré un essai, écrit à quatre mains avec Agnès Desarthe, V.W (éditions de l’Olivier). L’ouvrage qu’elle publie ici, correspondance imaginaire, fait partie de ces livres que l’on voudrait mettre dans toutes les mains amies, des pages précieuses sur la littérature, le temps, la création.
Onze lettres pudiques à une écrivaine d’un autre temps mais dont l’œuvre et la pensée ne cessent d’éclairer notre époque. Onze lettres qui disent, sans détour, qu’une autrice a sauvé la vie d’une jeune femme, et sans doute de bien d’autres. Car les livres de Woolf ont ce pouvoir de la consolation. Car Woolf, brillante intellectuelle, était aussi et avant tout une femme douée pour l’amitié.
Ôtez-moi l’amour que j’ai pour les amis, l’urgence dévorante qui m’attire vers la vie humaine, ce qu’elle a d’attirant et de mystérieux, et je ne serais plus qu’une fibre incolore que l’on pourrait jeter comme n’importe quelle déjection.
Jaillit aussi en ces pages une réflexion stimulante sur cet art presque perdu de la correspondance. On y ressent, au détour de chaque phrase, l’intense affection de Geneviève Brisac pour ce temps si particulier de l’écriture de lettres et pour cette joie indescriptible d’une réponse qui arrive. Et c’est merveilleux.
disponible en format numérique ici.
Précis, enlevé, féroce: En salle, le premier roman de Claire Baglin, est un électrochoc.
Le récit se construit sur le fil entre deux expériences. D’un côté les souvenirs d’enfance de la narratrice, les vacances au camping, le père et l’usine qu’il a chevillée au corps. De l’autre l’entrée dans l’âge adulte, un premier job au fast-food, la déshumanisation qui passe par le corps abîmé, la flexibilité à outrance (« c’est quels jours, ton week-end ?), la pauvreté des relations humaines, le vide émotionnel et intellectuel.
Les expériences de l’enfant et de la jeune femme alternent, basculent l’une dans l’autre, se frottent et s’éclairent. Le montage est vif, plein d’ellipses et le style aiguisé. Dans les mains de Claire Baglin, le langage est un redoutable outil, il met à nu l’aliénation et la violence sociale.
En salle a la détermination farouche des grands romans sur le travail. Il se tient vaillamment dans la lignée de L’établi de Robert Linhart ou de À la ligne de Joseph Ponthus. Une sacrée révélation!
Disponible en format numérique ici
Trois ans après l’épatant « Une partie de badminton », on retrouve l’alter ego d’Olivier Adam, un certain Paul, toujours un peu le même, toujours un peu différent. Il aici les traits d’un Edouard Louis cinéaste. Olivier Adam ne s’empêche pas d’écorcher, avec nuances of course, ce transfuge de classes qui semble étriller sa famille sans trop de scrupules.
« Dessous les roses » c’est la réunion d’une tribu pour l’enterrement du père car comme le disait Michel Audiard, « c'est le sort des familles désunies de se rencontrer uniquement aux enterrements ». Chacun retrouve vite sa place, l’aînée qui a dû essuyer les plâtres et passer l’éponge sur tout avec une bienveillance sans failles, le cadet, Paul, vilain petit canard qui fuit son milieu tout en y revenant toujours, et le petit dernier qui a eu tous les droits et a des difficultés à comprendre son frère qui crache dans la soupe à tout va.
Ça démarre en douceur et avec (un peu trop) de légèreté et ça finit par nous cueillir, avec sa mélancolie, son humour, son acidité, car même dans une famille formidable on se rend parfois compte qu’en dépit de la même éducation, on finit par avoir peu de points communs avec ses frères et sœurs avec lesquels on a pourtant vécu une bonne partie de l’enfance.
Famille je vous aime, famille je vous hais, un microcosme toujours fascinant qu’Olivier Adam croque à merveille !
Flammarion, 21 €