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L'avis d'Anouk:
Voici à n'en pas douter l'un des livres les plus singuliers et les plus attachants que l'on puisse trouver.
Son auteur est un biologiste suédois, spécialiste de la mouche syrphe. Son personnage, un compatriote, lui aussi entomologiste : Gustav Eisen (1847-1940), qui outre sa passion pour les vers de terre, dont il fut de son vivant le plus grand spécialiste au monde, était aussi ami de Strindberg, conservateur de musée, archéologue, viticulteur, créateur du Parc National de Sequoia de la Sierra Nevada, aquarelliste, infatigable curieux de « l'énigme de la vie ». D'Eisen, Sjöberg dit qu'il est comme « un puzzle composé d'un trop grand nombre de morceaux ».
Si l'on m'avait prédit qu'un jour la lecture d'un livre écrit par un spécialiste des mouches sur un spécialiste des vers de terre m'enchanterait, j'aurais souri. Et pourtant, la rencontre de Sjöberg et d'Eisen nous régale d'un livre absolument incomparable, une merveille d'intelligence vagabonde. Collectionneur d'insectes, Fredrik Sjöberg a aussi le don d'épingler, avec patience et précision, des scènes délicieusement cocasses tirées de la biographie de Gustav Eisen autant que de sa propre vie. Et le lecteur de lui emboîter le pas avec bonheur, et bonne humeur.
José Corti, Biophilia, 20 €
C’est un livre doux et puissant. Il se tient avec grâce sur un fil fragile, quelque part entre le conte, le récit ethnographique et la poésie. Avec « De pierre et d’os », Bérengère Cournut confirme la singularité de son chemin d’écriture.
Nous suivons avec elle les traces d’Uqsuralik, jeune femme inuit qui par son nom est «l’animal blanc», tout à la fois Ours et Hermine, force et harmonie, masculin et féminin. Dans un monde lui aussi mouvant, où l’eau, la terre et le ciel ne cessent de se mêler en des configurations toujours nouvelles, où les âmes glissent entre les corps et déjouent les générations, Uqsuralik et son peuple évoluent au gré des saisons. La vie est âpre, la mort jamais bien loin, et les tâches du quotidien sont transcendées par leur inscription dans une riche cosmogonie. À la chasse ou au campement, dans la façon de s’habiller ou d’habiter, chaque geste fait sens dans le grand livre de l’univers. L’homme y tient sa place parmi les animaux, les esprits, les paysages.
Après Née contente à Oraibi, où elle nous initiait à la culture des Indiens Hopis, Bérengère Cournut poursuit sa quête d’autres façons de « faire monde ». Son écriture dépouillée, les respirations poétiques qui ponctuent le récit et la sagesse dont chaque page est empreinte font de De pierre et d’os un roman envoûtant, profondément humaniste. Uqsuralik est une héroïne que vous n’oublierez pas!
« La crise. On ne parlait que de ça, mais sans savoir réellement qu'en dire, ni comment en prendre la mesure. On ne savait même pas où porter les yeux ».
Pour donner une forme à cette crise diffuse, pour la traduire en mots vrais et forts, en mots qui disent sans l'édulcorer la réalité de millions de citoyens invisibles et privés de voix, Florence Aubenas choisit de quitter Paris. Elle s'établit à Caen et, sous sa véritable identité mais en cachant ses diplômes, s'inscrit à Pôle Emploi. Commence alors une odyssée de plusieurs mois pendant lesquels elle accumule les expériences de travail précaire, les galères humiliantes, les calculs serrés au supermarché. Tout sonne juste sous la plume de Florence Aubenas: ses portraits inoubliables, son sens de l'humour qui fait mouche à tous les coups, ses qualités d'observation absolument saisissantes.
Livre-événement, marqué par une clairvoyance et une humanité de chaque instant, Le quai de Ouistreham n'a rien perdu de son acuité dix ans après sa publication. On y verra la preuve que ce livre, à l'instar du Quai de Wigan de George Orwell auquel il rend explicitement hommage, ou de Loués soient maintenant les grands hommes de James Agee, est tissé de l'étoffe des classiques.
Florence Aubenas sera l'une des invitées de l'intime festival du 23 au 25 août 2019.
L'Olivier, 19,30 € ou Points, 7 €
Aki Shimazaki, ou la voix la plus secrète de la littérature japonaise...
Née au centre du Japon, Aki Shimazaki vit à Montréal depuis 1991 et y écrit, en français, une œuvre éminemment singulière qui s'organise en pentalogies. De livre en livre, Aki Shimazaki ouvre des fenêtres finement ajourées sur les recoins cachés de la mentalité japonaise. Ses romans sont brefs, épurés, ils tiennent au creux d'une main et sont de précieux compagnons de vie pour leurs lecteurs.
Fuki-no-tô appartient au cycle « L'ombre du chardon », qui explore les hasards dont sont tissés nos existences. Atsuko a repris l'exploitation agricole de son père pour la convertir en ferme biologique. Elle y travaille avec constance et acharnement. Lorsque le hasard met sur sa route Fukiko, une amie d'adolescence perdue de vue depuis vingt ans, Atsuko voit s'affoler la sage cartographie de ses désirs. La passion amoureuse fera céder l'une après l'autre les digues émotionnelles érigées par toute une vie d'abnégation.
Avec une infinie délicatesse et en tendant à ses héroïnes un sublime et fragile miroir végétal, Aki Shimazaki fait le récit d'une passion qui est tout à la fois un chemin d'abandon et d'émancipation.
Fuki-no-tô sera lu au cours de l'Intime Festival par Valérie Bonneton
On dit parfois que le roman policier est la meilleure porte pour accéder à l’âme d’un pays. Pas certain que l’on puisse réduire les aventures de Mario Conde à son ancien uniforme de flic, et pourtant c’est une évidence: les livres qui le mettent en scène, signés de l’immense Leonardo Padura, immergent leur lecteur dans la vie cubaine et distillent des images, des odeurs, des sensations puissantes. Depuis 1991 que Mario Conde arpente les romans de Padura, il est devenu notre guide dans la lumière et la misère de La Havane – un guide érudit, formidablement attachant et jamais complaisant. Aussi, ouvrir La transparence du temps constitue déjà la promesse de retrouvailles avec Conde et sa tribu, et l’on ne sera pas déçu. Une intrigue prenante, l’humour et l’acuité, des repas fraternels et arrosés, la finesse de l’analyse politique: Padura est à son meilleur.
Chargé par un ancien copain de lycée devenu marchand d’art de retrouver une statue de la Vierge noire, Mario Conde nous emmène dans une passionnante enquête sur la santeria, religion populaire héritée des siècles de l’esclavage. On le suit aussi dans un effroyable bidonville aux portes de la ville, où s’entassent dans des conditions dantesques des réfugiés venus des provinces pauvres de l’Est de Cuba. Au cours de l’enquête, les cadavres se multiplient, le rythme est soutenu et Conde prend pas mal de bosses et de coups au cœur. Mais ce qui fait le charme et l’intelligence des livres de Padura tient davantage aux moments où le temps se suspend, entre savoureuses tranches de vie et réflexions de Conde sur les années qui passent, les amis qui s’éloignent, le destin de son île. Le parfait roman de votre été, tout à la fois malin, truculent et mélancolique.
Traduit de l’espagnol (Cuba) par Elena Zayas, Métailié, 23 €