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A la manière d'un Arcimboldo des temps modernes, Charly Delwart nous propose un portrait de l'artiste en... camembert. Il s'agit bien évidemment ici des graphiques statistiques et non du fromage à pâte molle. L'auteur s'est donc attelé à une autobiographie analytique comparée, autrement dit une databiographie.
Le moins que l’on puisse dire c’est que Charly Delwart aime se poser des questions, c’est même son moteur. Après l’album pour enfants « Tu préfères quoi ? » (Éditions Marcel & Joachim, 2018) où il posait des questions comme « Tu préfères avoir un petit frère (une petite sœur) ou avoir un chien ? », « Tu préfères un gros cauchemar ou deux petits cauchemars ? », il poursuit dans l’exercice de style et les référendums. Cela va des trajets en transport public effectués avec et sans ticket à la croyance en Dieu, du nombre de nuits avec ronflement aux tensions familiales maximales au cours de sa vie… En dix-huit grands thèmes (Vie intérieure, famille, sport, corps, rapport à soi, rapport aux autres, religion, vie/mort…), l’écrivain interroge sa personne, le monde, sa personne dans le monde et répond parallèlement aux graphiques en textes brefs tantôt anecdotiques tantôt historiques mais toujours éloquents.
A l'aide de toutes ces statistiques personnelles ou savantes, le concernant directement ou indirectement, et de leur représentation subtilement et bellement conçue et réalisée par Alice Clair, c'est une image en creux (et courbes) de l'écrivain qui apparaît, une image d’un homme occidental blanc de 43 ans, d’un homme, d’un humain, à la fois intime et universelle et souvent très drôle.
Un jeune homme se remet doucement d’une rupture amoureuse lors d’une parenthèse berlinoise où il laisse le temps s'écouler en observant le monde qui l'entoure par la fenêtre de l’appartement qu’il vient d’investir.
Si le roman de jeunesse berlinois est quasi devenu un genre en soi, avec son lot de drogue, de virées au Berghain et de nuits blanches électriques, nous sommes ici sur une toute autre planète. Et si l'immobilité et la reconstruction d'une âme sont de mise, nous sommes également loin de la torpeur et du chagrin. On pourrait penser à «Un homme qui dort» de Perec mais l'inertie est moins violente et plus apaisée, la dépression est prise avec distance.
Le jeune homme, interprète de formation, attache une grande importance au poids des mots et à leur force qui peut se matérialiser physiquement. Les mots, les textes, ont ce pouvoir de faire avancer les choses, de rasséréner.
«Mon temps libre» ou comment tromper l'accélération du monde en se posant, en regardant dans une oisiveté tranquille, les plantes pousser, les gens se mouvoir, la lumière changer. «Mon temps libre» ou comment encore reconstruire sa cabane intérieure en observant la beauté du banal, en poétisant le quotidien avec une langue simple et belle.
On savait déjà l'amour de Charles Berbérian pour la musique, «Trénet illustré» (Albin Michel), «La Française Pop» (Hélium), «Jukebox» (Fluide glacial) ou encore sa propre expérience discographique signée avec un autre bédéaste Jean-C. Denis, mais on en apprend plus encore sur le demi-père de Monsieur Jean avec ce recueil de chroniques. Et cela va bien au-delà de la musique.
Déjà édité en 2004, ce «Playlist» est ici, en édition Deluxe, doublé d'anecdotes et de réflexions tous azimuts.
Tel un journal intime sans chronologie, Charles Berbérian, non content de nous dévoiler ses coups de cœur musicaux, que ce soit à l’aide de dessins épars ou de pochettes de compilations minidisc, son amour et sa pratique de la guitare, ses étés chez son grand-père en Jordanie, nous retrace en quelques pages la vie d’artistes, l’histoire de mouvements et d’événements. Ici une bio de Dean Martin, là sa non-rencontre drolatique avec Keith Richards, là encore l’épopée du label Saravah et de son fondateur Pierre Barouh.
Même en ne partageant pas tous les goûts de Berbérian, on est charmé et bluffé par la profusion d’anecdotes en tout genre, par les magnifiques portraits à main levée ou travaillés, par l’impressionnante galerie d’artistes réunis là. Touchant, drôle, poétique, cette Playlist Deluxe dessine en kaléidoscope la vie d’un homme humble, généreux, à l’enthousiasme éclectique.
« Je ne suis pas délurée. Je passe mon temps à me prendre les pieds dans des situations qui m'obligent à l'être, c'est tout. » C'est ainsi que se définissait Cookie Mueller et cela semble assez juste à la lecture de ces chroniques où l'on suit ses péripéties sex, drugs & rock'n'roll.
Elle fut hippie à Haight-Ashbury, haut lieu de divers faits d'armes à San Francisco, égérie de John Waters dans les années 1970, chroniqueuse santé pour le East Village Eye, critique d'art pour Details, strip-teaseuse à New York et Newark, mère de famille, junkie invétérée et je pense qu'on peut le dire à lecture de ces excellents recueils, trash, drôles, et très humains, une grande autrice !
Seul le ciel ne lui est pas tombé sur la tête (et encore !) mais elle fonce dans tout ce qu'elle entreprend, le dépeint avec du recul et une distance savoureuse, burlesque et plutôt lumineuse.
"Traversée en eau claire dans une piscine peinte en noir", en poche aux éditions 10/18, est paru initialement aux éditions Finitude qui viennent de sortir le second recueil "Comme une version arty de la réunion de couture". Avec en prime, une super traduction de Romaric Vinet-Kammerer, on en redemande !
Traversée..., 10/18, traduction de l'anglais (Etats-Unis) par Romaric Vinet-Kammerer, 7.65 €
Comme une version..., Finitude, même traducteur, 17.50 €
Avec Les âmes sauvages, Nastassja Martin nous entrouvre les portes des Gwich’in et déplie les façons de «faire monde» de ce peuple d’Alaska.
Sous l’effet conjugué de la crise écologique, de l’exploitation à outrance de leurs territoires pour le pétrole ou le tourisme et de la catastrophe humaine qui accompagne ces mutations, l’univers culturel traditionnel des Gwich’in est comme sorti de ses gonds.
Au travers d’un récit puissant, sans nous épargner ses doutes et ses questionnements, Nastassja Martin raconte et décrypte cet effondrement, mais aussi les stratégies mises en place par les Gwich’in pour garder un dialogue avec le monde non-humain, celui des esprits et des animaux, qui malgré tant et tant de révolutions continue de se mouvoir à la lisière de leurs existences.
C'est absolument passionnant: Les âmes sauvages deviendra assurément un classique de la littérature anthropologique.