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petit garcon - demartyL'avis d'Anouk:

Un livre puissant sur la fragilité: ainsi pourrait-on résumer en quelques mots le bouleversant «Petit garçon sur la plage» de Pierre Demarty. Le livre part de deux images fortes, qui se ressemblent et ne se ressemblent pas. L’une et l’autre montrent de très jeunes garçons, seuls, sur une plage. La première est une image de fiction, aperçue dans une salle de cinéma un soir d’été solitaire. La seconde est une image trop réelle, celle d’un enfant syrien allongé sur une plage turque, «dont on sait, on voit bien, on comprend tout de suite, immédiatement, ce petit garçon-là, qu’il ne dort pas». Ces deux images se font écho malgré toutes leurs différences.
«Ce qui les rend indissociables est ailleurs, hors d’elles. Pas dans les images elles-mêmes, pas dans ce qui s’y montre, dans ce qui s’y voit quand on les regarde.
Mais dans son regard à lui.
L’homme qui regarde ces images.
L’homme qui regarde, l’une après l’autre, à deux instants différents de sa vie, ces deux petits garçons sur la plage.
La différence est là. Dans ce qu’il fait de ces deux images, et dans ce qu’elles font de lui.»

L’homme, c’est le narrateur de ce récit intense et beau. C’est un homme d’aujourd’hui, juste peut-être un peu plus secret que d’autres. Les deux images vont se superposer en lui et tout changer, jusqu’à la nature de son silence. Elles vont lever chez cet homme réservé une insurrection si violente qu’elle l’arrachera pour toujours à sa vie confortable. Et il lui faudra désormais errer, creuser le sable fuyant des souvenirs, chercher à saisir quel chemin ces petits garçons sur la plage ont ouvert en lui pour faire émerger ce continent de tristesse dont il ne soupçonnait pas l’existence.

Pierre Demarty, avec ce livre bref et tendu, démêle les fils de notre métier d’homme. Après «En face», il continue à interroger la dépossession et la fragilité au cœur de toute vie. Il écrit comme personne ce que c’est qu’être un père aujourd’hui, ce que c’est que tenir cette place en l’ouvrant au mystère, à l’incertitude, au vacillement. Et c’est bouleversant.

«Il a ouvert la porte de la chambre des garçons, il s’est avancé vers les lits, et il les a regardés, les deux, le grand et le petit, ses fils, simplement ça, les regarder, allongés sur le ventre au milieu des peluches, leurs deux visages bercés par le tournoiement des lumières et des ombres difformes projetées par la veilleuse.
Il les a regardés longtemps, sans comprendre. Sans pleurer, car il ne pleurerait désormais plus. Mais saisi, simplement, par cet étourdissant et banal mystère, ce mélange incompréhensible de joie et de terreur qui s’empare des hommes qui sont des pères lorsqu’ils regardent la respiration des enfants soulever le drap qui les recouvre, la nuit, dans le noir et le silence.»

 

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