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habiter le monde.jpeg"Habiter le monde, c’est se concevoir comme appartenant à un espace plus large

que son groupe ethnique, sa nation… c’est pleinement habiter les histoires

et les richesses des cultures plurielles de l’humanité"

 

Felwine Sarr, Habiter le monde, essai de politique relationnelle (Mémoire d'Encrier)

Pour vous accompagner cet été, nous vous proposons à la librairie une table thématique au croisement de la littérature et de l'anthropologie. S'y mêlent des essais et des fictions qui tentent de parler de l'homme et de la façon dont il fait société, dont il active son imaginaire, dont il raconte sa place dans l'univers.

 

 

Focus en cinq étapes sur cinq livres sélectionnés:

 

nee contente a oraibi cournutBérengère Cournut, Née contente à Oraibi, Le Tripode, 19 €

«Je suis née contente, car à l'âge de vingt jours, quand les femmes m'ont présentée au soleil levant, il paraît que j'ai poussé des cris qui ressemblaient plus à des éclats de rire qu'aux pleurs ordinaires des enfants».

Les Hopis vivent sur les hauts plateaux d'Arizona, sur des terres brûlées par le soleil. Ils font corps avec le désert, et Taiowa, le Dieu-Soleil est le créateur autour duquel s'ordonne toute leur cosmologie. En se mettant dans les pas de Tayatitaawa, jeune orpheline en quête de son père, Bérengère Cournut nous fait éprouver de l'intérieur la vie de ces Indiens et leur rapport si puissant au monde qui les entoure.

Son récit, Née contente à Oraibi, porté par une infinie poésie et par la générosité solaire de son héroïne, est un pur enchantement.

Une belle lecture pour votre été, en attendant de découvrir le prochain livre de Bérengère Cournut lors de L'Intime Festival !

explorateurs - talonJean Talon, Explorateurs, touristes et autres sauvages, traduit de l'italien par Stéphanie Leblanc, Plein Jour, 16 €

Jean Talon est éditeur, membre de l'Oulipo italien. Il est aussi le traducteur italien de Georges Perec, dont on retrouvera l'esprit facétieux dans ce livre inclassable.

Explorateurs, touristes et autres sauvages se compose d'une quinzaine de textes brefs, souvent très drôles, qui racontent le moment de rencontre entre des voyageurs et des peuples lointains. Le plus souvent, il s’agit de voyageurs occidentaux, mais le livre raconte aussi la visite d'un griot à Bologne et sa piquante observation des mœurs européennes.

On croise au fil des pages de célèbres ethnologues, de Evans-Pritchard à Lévi-Strauss, de Malinowski à Rasmussen. Mais ce qui intéresse Jean Talon n'est pas tant les grandes œuvres qu'ils ont laissées que les moments d'incompréhension totale, les malentendus, les ratés qui émaillent leurs premiers moments de contact avec la civilisation étudiée.

Ôde à la diversité des façons de vivre et à l’éternel émerveillement qu’elle suscite, ce petit livre est absolument délicieux.

 

 

ames sauvages - martinNastassja Martin, Les âmes sauvages. Face à l'Occident, la résistance d'un peuple d'Alaska, La Découverte, 24.95 €

Avec Les âmes sauvages, Nastassja Martin nous entrouvre les portes des Gwich’in et déplie les façons de «faire monde» de ce peuple d’Alaska.

Sous l’effet conjugué de la crise écologique, de l’exploitation à outrance de leurs territoires pour le pétrole ou le tourisme et de la catastrophe humaine qui accompagne ces mutations, l’univers culturel traditionnel des Gwich’in est comme sorti de ses gonds.

Au travers d’un récit puissant, sans nous épargner ses doutes et ses questionnements, Nastassja Martin raconte et décrypte cet effondrement, mais aussi les stratégies mises en place par les Gwich’in pour garder un dialogue avec le monde non-humain, celui des esprits et des animaux, qui malgré tant et tant de révolutions continue de se mouvoir à la lisière de leurs existences.

C'est absolument passionnant: Les âmes sauvages deviendra assurément un classique de la littérature anthropologique.

 

 

9 nuits - carvalhoBernardo Carvalho, Neuf nuits, traduit du brésilien par Geneviève Leibrich, Métailié, 9 €

Enfant, Bernardo Carvalho a souvent suivi son père auprès des Indiens Kraho, en Amazonie. Les souvenirs qu’il a gardés de cette époque, mêlés à sa vive imagination, constituent l’un des fils de ce roman énigmatique.

Devenu adulte, Bernardo Carvalho se prend de passion pour le destin tragique d’un jeune anthropologue américain, Buell Quain, qui se suicide à 27 ans alors qu’il séjourne auprès du peuple Kraho. L’enquête de l’auteur autour de cette mort non élucidée serait un second fil de ces Neuf nuits.

Entre ces deux narrations, subtilement mêlées et emmêlées, le lecteur ne sait plus trop tracer la frontière entre réalité et fiction. Inventif, joueur, Bernardo Carvalho prend plaisir à nous perdre dans ce labyrinthe: on dirait «Tristes tropiques» revisité par Borges.

 

 

 


eloge - golovanovVassili Golovanov, L'éloge des voyages insensés, traduit du russe par Hélène Chatelain, Verdier, 29.40 €

L'éloge des voyages insensés raconte un voyage sur l'île polaire de Kolgouev. Mais il s'agit moins d'un récit de voyage au sens habituel qu'une exploration très intime d'un paysage qui permet de "se mesurer à son humanité". C'est aussi une manière d'interroger, dans ces espaces si vastes qu'on y perd tout repère, la notion de temps et de mémoire. Vassili Golovanov dessine en outre, et peut-être surtout, un passionnant portrait de l'histoire des Nénet et des mythes de ce peuple nomade, confronté au cours du vingtième siècle au régime communiste puis à sa brutale conversion à l'hypercapitalisme.

Le livre se clôt sur les voix d'habitants de ce Grand Nord, terre de tant de convoitises, mais aussi l'un de nos derniers Ailleurs.

Une expérience de lecture peu commune.