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trois soeurs editeurL'avis de Maryse:

« S’il te bat, c’est qu’il t’aime », dit un proverbe russe. Vraisemblablement, Mikhaïl Sergueïevitch Khatchatourian avait de l’amour à revendre pour les femmes qui l’entouraient, et tout particulièrement pour ses trois filles Krestina, Angelina et Maria qui, un soir d’été 2018, dans leur appartement moscovite, l’ont tué.

Ce sinistre fait divers, alors surmédiatisé, a violemment déchiré l’opinion publique russe parce qu’il lui renvoyait une bien poisseuse image, celle de la violence domestique omniprésente et très généralement impunie dans le pays de Vladimir Poutine – la Douma avait d’ailleurs assez largement voté la dépénalisation des violences domestiques en Russie en 2017, dans le but de « préserver les valeurs traditionnelles familiales ».

Laura Poggioli connaît bien Moscou. Elle y a vécu à 20 ans, au tout début des années 2000, époque underground s’il en est. Elle y a parlé couramment le russe, y a étudié la littérature, s’est fortement attachée à cette métropole hors du commun dont elle dresse d’ailleurs ici un portrait flamboyant, s’y est fait des amitiés solides, y a vécu des soirées mémorables, y a bu jusqu’à plus soif, y a dansé jusqu’à l’épuisement, et y a aimé passionnément Mitia, son grand amour. Il est vrai que parfois, Mitia la frappait, mais bon, elle croyait que c’était dû à son tempérament ardent, et puis qu’elle y était pour quelque chose aussi…

Vingt ans plus tard, l’autrice entremêle son histoire avec celle des trois sœurs Khatchatourian dont, après de multiples recherches concernant leur affaire, elle imagine scène après scène l’enfance, l’adolescence et le début de l’âge adulte aux côtés d’un père tortionnaire et harcelant, jusqu’au geste fatal. Trois sœurs est un roman fort dans lequel on embarque sans retour dès les premiers traits, pour un voyage vertigineux aux allures d’un grand crescendo. L’écriture est vive et nette, elle happe. Le propos est prégnant, il s’impose. Au-delà de l’esquisse d’une éventuelle âme russe d’aujourd’hui, il pose la question du statut de l’homme, de sa position systémiquement dominante et de la violence qui régit les rapports entre les personnes.

Une claque.

L'Iconoclaste, 20 euros.btn commande

Disponible en format numérique ici.