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enfant de salaud coverL'avis de Maryse:

« C’est un enfant de salaud, et il faut qu’il le sache ! »

1962. Chalandon a 10 ans lorsque son grand-père paternel, s’adressant à sa compagne, le percute de ces mots implacables.

Des décennies plus tard, Sorj Chalandon met la main sur l’épais et complexe dossier judiciaire de son père qui comparut devant une cour martiale d’Épuration. Éminente source de surprises, ces documents officiels cadenassés jusqu’alors ont enfin permis au journaliste de retracer « la guerre de son père », un personnage composite s’il en est – nous le savions déjà. Tantôt du côté de l’ennemi comme SS de pacotille, tantôt résistant malgré lui, au gré du vent patriote d’occasion, déserteur à répétition, vaguement espion qui, telle une anguille, parvint à se faufiler entre les mailles des différents filets. Un homme égocentrique convaincu de sa supériorité et qui, à chaque instant et jusqu’à la fin, mit sa vie en scène, revendiqua fermement la gloire et tira à lui une couverture de toute pièce tissée avec d’obscurs mensonges.

L’histoire de ce père narcissique, Chalandon la retrace – et c’est ça qui, selon moi, est vraiment astucieux – en parallèle de celle du procès ultramédiatisé de Klaus Barbie. Ce dernier fut, s’il faut le rappeler, chef de la police nazie de Lyon durant l’Occupation, et jugé devant la cour d’assises du Rhône pour crime contre l’humanité de mai à juillet 1987 face à un public échaudé et un parterre de journalistes dont Chalandon lui-même, détaché à Lyon pour l’occasion par Libération où il a officié durant trente-quatre ans. Le roman – car ce texte, indéniablement autofictif, reste un roman à la charpente narrative solide et au suspense prenant –, outre le fait de mettre en exergue, en l’interrogeant, le jugement singulier d’un bourreau infame, joue du miroir et réussit à imposer toute la distance nécessaire à la compréhension des faits. La « petite histoire » met en lumière la « grande », ou bien est-ce l’inverse ? L’écriture est aussi douloureuse qu’admirable.

L’écrivain-journaliste Sorj Chalandon, que, du reste, je trouve toujours très bon, grimpe ici encore un échelon dans la maîtrise littéraire avec un roman dont le lecteur ressort véritablement ébranlé.

Grasset, 20.90 €

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