librairie
point virgule

Rue Lelièvre, 1 B-5000 Namur | Tél. : +32 (0)81 22 79 37 | info@librairiepointvirgule.be | Du lundi au samedi de 9h30 à 18h30

tous les hommes - duboisL'avis d'Anouk:

De roman en roman, Jean-Paul Dubois a créé un univers reconnaissable entre tous. Un univers accueillant et confortable, un cocon d'intimité où le romancier offre à ses lecteurs des histoires tout à la fois ordinaires et incroyables. Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon poursuit ce cheminement. On trouve tout dans ce roman généreux, tout ce qui fait le prix d'une vie d'homme: la tendresse et le déchirement, l'amour fou et le désespoir, quelques facéties du destin et même, face au ciel si vaste, une église ensablée.

Paul Hansen doit la vie à l'étonnante rencontre d'un pasteur danois et d'une Toulousaine grandie dans le cinéma qu'exploitaient ses parents. Entre la foi vacillante de son père et la cinéphilie passionnée de sa mère, Paul grandit sans se départir d'un sentiment d'étrangeté. Il est le spectateur étonné de ce couple de parents aimants mais si mal assortis, jusqu'à leur inévitable séparation –  «la fin d'un monde, le nôtre, celui des Hansen, celui de ces gens du Nord et du Sud qui avaient fait tant de kilomètres et tellement de sacrifices intimes pour s'allier (...), tout cela enduré jusqu'à l'os, pour finir séparés, disjoints, déchirés et rompus».

La «mise en liquidation de la famille Hansen» se double d'un éclatement géographique. Le père a fait tant d'efforts pour apprendre le français qu'il renonce à rentrer au Danemark. Il poursuivra au Québec, sans illusion, son oeuvre pastorale. Entre cocasserie et tragique, il y connaîtra le destin qui est souvent celui des pères dans les romans de Jean-Paul Dubois.

Quand Paul arrive à son tour dans cette lointaine Amérique, il ne sait pas encore qu'il va y faire sa vie – travailler, aimer, tracer une voie à sa modeste manière. Intendant d'une immense résidence montréalaise, Paul n'a pas son pareil pour veiller à l'entretien de la piscine, prendre soin de la pelouse, réparer les choses autant que les âmes dans cet univers miniature.

Puis un jour tout déraille...

C'est en prison que nous faisons la connaissance de Paul et déroulons au gré de ses souvenirs le film de sa vie. Il partage quelques mètres carrés et pas mal de complicité avec un «homme et demi», Horton, impressionnant Hells Angels dont la philosophie tient en un tatouage: «Life is a bitch and then you die». Horton et Paul forment un duo comme on en croise rarement – absolument inoubliable. Horton condense dans son imposante personne un sacré mélange de violence et de délicatesse. Il a la capacité de s'absorber dans la contemplation d'un catalogue de pièces pour motos comme un yogi dans sa méditation. La vie n'a pas été tendre avec lui et il le lui rend bien. Mais Horton, tout à ses marottes et entre deux réflexions fulgurantes, devient rapidement pour Paul plus qu'un compagnon de cellule. La fraternité qui se tisse entre les deux hommes, si elle naît d'une «communauté de destin fantaisiste», n'en est pas moins profonde, cimentée par tant de pertes et de renoncements et par leur haine tenace envers toute forme de domination.

Tour à tour émouvant, douloureux et fantastiquement drôle, Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon lance des passerelles vers les précédents romans de Jean-Paul Dubois. Pour ses lecteurs fidèles, c'est un plaisir exquis que de retrouver des Paul et des Anna, des dates fétiches, des Citroën DS, des dentistes sadiques, autant de petits cailloux semés avec malice. Tous les hommes... restera assurément comme l'un des grands livres de son auteur, plus lumineux, plus humaniste, plus incisif que jamais. Un livre de résilience et de liberté, «bricolé d'espérance et d'amour», et qui vous regarde droit dans les yeux.

 

FORMIDABLE PRIX GONCOURT 2019!

L'Olivier, 19 €btn commande