Avril 1911, quelque part sur l’Atlantique. Gustav Mahler a cinquante ans et rentre d’un séjour américain. Il a souvent traversé l’océan mais ce voyage, il le sait, sera le dernier. Sur le pont du paquebot, rongé par la fièvre, il affronte ses souvenirs, ses tourments, ses remords. Une façon, sans doute, de tenir la mort à distance: Tout regorgeait de vie. La mort elle-même n’était qu’une idée de vivants. Tant qu’on pouvait se l’imaginer, elle n’était pas encore là.
En retraçant le Dernier Mouvement de la vie de Gustav Mahler, le romancier autrichien Robert Seethaler ne cherche pas l’exactitude du biographe; il tente plutôt d’approcher au plus près, au plus juste, le mystère d’une âme vouée à la création. Le roman se tient avec pudeur et retenue aux côtés du musicien, comme ce jeune garçon de cabine qui l’assiste et viendra donner au livre sa conclusion belle et poignante.
La vie de Mahler est un tourbillon d’émotions vives, marquée par une insatiable quête de la perfection (Il avait souvent fait l’expérience de ce cheminement: désespoir, refus effondrement, mais finalement la percée, l’heureux dénouement. Du moins tant qu’il subsistait assez de fureur et de force. Dans le cas contraire, on en restait au désespoir. Mis il n’en fallait pas moins continuer), par une histoire d’amour entrée dans la légende, par le chagrin de la perte d’une enfant de cinq ans. Tout cela, Robert Seethaler l’évoque par des touches impressionnistes, au gré des pensées qui naissent de la contemplation de l’océan. Les sensations sont le cœur du livre, comme elles sont celui de la musique de Mahler. Mouvantes, en perpétuelle métamorphose, elles irriguent ce bref roman qui, depuis le seuil de la mort, nous parle si bien de la vie. Elle était à peine plus qu’une brève expiration, un souffle dans la tempête du monde, mais il aimait tant la vie que l’inanité de cet amour l’emplissait d’une tristesse déchirante.
Sabine Wespieser Éditeur, traduit de l'allemand (Autriche) par Élisabeth Landes, 15 euros
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