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dans la foret heglandL'avis de Clémence:

Roman écrit en 1996 et d’une actualité effarante voire effrayante, "Dans la forêt" pourrait être le manifeste de ce début de siècle. Traitant de l’effondrement de la société moderne, la seule et l’unique qui habite l’imaginaire collectif, il en cache pourtant une autre, plus ancestrale, qui se dévoile en filigrane, rejaillissant des cendres tel un phénix, encore plus belle et plus puissante, immortelle. C’est aussi l’histoire humaine de deux jeunes filles, que la vie initiera à devenir femmes bien avant l’heure, guidées par l’instinct et le désir ardent de la vie.


Jean Hegland nous plonge dans une forêt menaçante qui derrière ses aspects de violence primaire offre un paradis depuis longtemps perdu par l’homme. Cette connexion à la terre, à cette Gaïa, à cette animalité et naturalité sauvage qui la compose, c’est ce que redécouvrent Eva et Nell, deux jeunes femmes talentueuses, insouciantes qui se voient rapidement contraintes à assumer le chaos du monde. Personnages à qui la vie sourit jusque-là, protégées par un cadre familial solide et une ascension sociale prometteuse, elles sont portées par un environnement en perpétuelle accélération, bercées par une légèreté profonde et coupées du lien avec leur milieu naturel, malgré les efforts de leur parents pour le maintenir présent dans leur quotidien.


Comme endormies, éteintes, errants dans une société superficielle abrutissante, Eva et Nell croient connaître le bonheur absolu. Mais lorsque celle-ci s’effondre, c’est un réveil brutal qui les attend au petit matin et aucun retour en arrière n’est plus envisageable. Les conséquences paraissent désastreuses, elles croient avoir tout perdu. Pourtant, petit à petit, telles les tiges d’un lierre qui renait, les bouts de ce cordon ressurgissent de la terre et s’entremêlent à nouveau pour reconstruire un lien plus brut mais plus fort, indestructible. La vraie nature humaine ressort, les éléments se confondent et les sentiments profonds se révèlent. La vie reprend enfin le dessus.


Voici une invitation à ralentir et à prendre le temps de s’harmoniser avec la nature tel que le pratiquaient nos ancêtres, les Indiens. Une fois cette harmonie retrouvée, la promesse d’une vie longue et peuplée de petits bonheurs apparaît au loin, fraiche comme l’air du matin, douce comme les rayons du soleil, parfois rêche comme l’écorce des arbres mais vivantes et vivifiantes comme le ruisseau qui déferle dans la vallée.


Une invitation aussi à la sororité, à se reconnecter aux êtres proches malgré les contingences de la vie, malgré l’ego qui explose et les désirs intérieurs qui ne peuvent parfois pas être partagés ou compris.


Ce roman, d’une clairvoyance considérable, raconte la beauté de la nature et de l’humanité quand le retour à l’essentiel est atteint. Roman initiatique et purificateur, il élève les voix et les esprits vers un monde plus simple, plus vrai et par conséquent plus beau, dénué d’artifices.


En ces temps d’épidémies, de crise écologique, de mouvance sociale, ce roman pourrait faire acte de manifeste pour les générations actuelles et à venir, un exemple de reconnexion à cette Terre et à ses créatures et paysages magiques, une consécration à la beauté de ce que nous nous activons à détruire au lieu de se battre pour le préserver.

Gallmeister, Totem, traduit de l'anglais (États-Unis) par Josette Chicheportiche, 9.90 eurosbtn commande