librairie
point virgule

Rue Lelièvre, 1 B-5000 Namur | Tél. : +32 (0)81 22 79 37 | info@librairiepointvirgule.be | Du lundi au samedi de 9h30 à 18h30

Balkanique

C’est un voyage littéraire aux mille couleurs auquel nous vous convions : en route pour les Balkans ! Une mosaïque de contrées aux paysages flamboyants

vivreL'avis d'Adrien :

En 1933, les jeunes juifs de Pologne, de 16 à 21 ans, se voient proposer un concours d’écriture en yiddish. Organisé par des sociologues du YIVO, l’institut pour la recherche juive, son but est en réalité plus ethnographique que littéraire. Libre à tous les participants anonymes de livrer ce qu’ils souhaitent, évoquer leurs amis, leur famille, leurs loisirs, leurs projets d’avenir, …

Le premier prix d’une des éditions du concours devait être remis le 1er septembre 1939 qui, funestement, sera le jour de l’attaque de la Pologne par les troupes allemandes. Ce prix ne sera jamais remis et les écrits, cachés, échappant au pillage nazi et aux destructions staliniennes, seront seulement retrouvés en 2017 dans les tuyaux d’orgue d’une église polonaise. Ken Krimstein, illustrateur pour The New Yorker et auteur de la bande dessinée « Les trois vies de Hannah Arendt » (Calmann-Lévy, 2018), a pu consulter ces cahiers et en ressort « Vivre ». Les faits sont vertigineux en tant que tels mais ça l’est encore plus de suivre ces six jeunes présentés ici par l’auteur américain et davantage encore car on sait ce qui a pu leur arriver.

Tout comme Krimstein, on ne peut qu’être ému·e en découvrant toutes les aspirations d’une génération martyre nous dévoilant ses secrets avec passion, spontanéité, liberté. Le trait est relâché, parfois doux, parfois rugueux, il virevolte et parfois explose, le tout dans un noir et blanc relié à l’époque délétère de ces années trente. Toutefois, il est surligné finement ou quelques fois saturé de couleur orange, qui donne vie, chaleur, dynamisme qui sied à cette jeunesse débordante.

Nous voyons à travers ces récits l’essor d’une société - le Yiddishland, région d’Europe de l’Est où était parlé le yiddish par dix millions de juifs jusqu’à sa destruction durant la Seconde Guerre mondiale - voulant plus que jamais allier la modernité à la tradition. On en apprend beaucoup sur l’éducation, les groupes de pensée, les syndicats, … qui cimentent, parfois divisent mais souvent élèvent la population.

« Vivre » nous crie la jeunesse !btn commande

Bourgois, traduit de l’anglas (États-Unis) par Gaïa Maniquant-Rogozyk, 25 €

qui vive 4L'avis d'Anouk:

Souvent le monde s’emballe et nous laisse sur le qui-vive. Les catastrophes s’enchaînent – trop de guerres, d’autocrates détestables, trop d’angoisse et de douleur. D’une sidération à l’autre, nos cœurs et nos corps sont malmenés par le chaos du monde. On tente d’esquiver, de parer les coups mais toujours la question revient – Et donc, comment vivre ?

Mathilde est prof d’histoire-géo. « Ce capharnaüm qu’on nomme l’histoire de l’humanité », elle connaît : elle s’efforce jour après jour de l’éclairer pour les ados auxquels elle enseigne. Puis un matin, après tant et tant d’insomnies, il lui faut reconnaître qu’elle n’y arrive plus. Le sens l’a désertée, et ses sens eux aussi la trahissent. Alors Mathilde s’en va.

À son compagnon et à sa fille, elle ne dit pas où la mènera son voyage. Peut-être ne le sait-elle pas non plus lorsqu’elle arrive ce matin-là à l’aéroport. Quelques heures plus tard, elle est au bord de la mer à Tel-Aviv. Un voyage comme une énigme à résoudre, comme un retour à une source profondément enfouie.

Au gré de rencontres qui l’enchantent ou la désarçonnent, Mathilde apprend à apprivoiser son sentiment de perte de repères et de désorientation. Petit à petit, elle recommence à faire corps avec le monde, malgré le chaos et les ébranlements. L’idée fait son chemin que l’imperfection est la condition de la liberté et de la création. « Je défie qui que ce soit de soutenir que notre trajectoire est une ligne droite plutôt qu’une errance, j’en détiens la preuve ». Au bout de son errance, Mathilde aura retrouvé le fil de sa propre vie et d’une nouvelle présence à elle-même et au monde qui l’entoure.

 

Éditions de l'Olivier, 19.50 eurosbtn commande

Disponible en format numérique ici

rousse infanteL'avis d'Anouk:

Lorsque Rousse se met en route, c’est avec, déjà, le regret de son bois tant aimé et des amis qu’elle y laisse. Mais la sécheresse condamne au départ la jeune renarde, et son instinct de vie la pousse à avancer. Elle espère l’eau et la fraîcheur, elle espère aussi découvrir de vastes ailleurs et « trouver sur son chemin assez de lumière pour fortifier son cœur, assez de joyeuses rencontres pour alléger sa course ».

En mettant ses pas dans ceux de Rousse, le lecteur se décentre et apprend à écouter « le halètement des beaux habitants de l’univers », pour reprendre les mots de Giono cités en exergue du roman. Dans le monde de la renarde, les hommes ne sont plus là. Des vestiges subsistent du monde d’avant, mais méconnaissables et vidés de sens. La renarde et les amis qu’elle croise en chemin, ourse, corbeau ou écureuil, se partagent une terre abîmée, parfois à l’agonie. Rousse cependant n’a rien d’un roman post-apocalyptique haut en catastrophisme: c’est une fable douce, malicieuse et vivifiante.

Denis Infante réussit avec un singulier talent à nous faire éprouver les perceptions du vivant non-humain. Son écriture vibre d’une grande puissance poétique, inscrite dans les interrogations et les inquiétudes du plus brûlant aujourd’hui et pourtant intemporelle et universelle. Pour nous immerger dans la façon dont Rousse appréhende le monde, l’auteur s’appuie sur une trouvaille d’écriture à l’efficacité stupéfiante: la langue s’avance sans l’appui des déterminants. Les mots se détachent dès lors avec relief et majestuosité. Cela leur confère une aura presque mystique, les fait participer activement aux sensations et aux réalités qu’ils décrivent. Ils gagnent aussi une part d’ombre et de mystère, comme s’ils s’ensauvageaient en perdant l’amarre rassurante des déterminants.

Comme Alain Damasio dans Les furtifs, Denis Infante crée un lexique, une grammaire, une métrique à même de dire d’autres expériences du vivant. Sa démarche n’est pas si différente de celle de Rousse: aller voir plus loin, ouvrir d’autres voies avec humilité, bravoure et curiosité. Rousse ou les beaux habitants de l’univers est une expérience de lecture immersive comme on en fait rarement. Un livre de sagesse, aussi: « À présent, Rousse qui est renarde, sait. Mais apprendre n’est jamais fini, apprendre est sinueux chemin qui se poursuit jusqu’au dernier jour. Rousse doit partir, Rousse doit continuer chemin et continuer histoire. »

 

Tristram, 16.50 eurosbtn commande

passe partout togawaVous le savez: le réseau de librairies indépendantes Initiales désigne chaque année son PRIX MÉMORABLE. Un prix qui vient saluer le travail d’une maison d’édition pour faire connaître un auteur injustement oublié ou traduit pour la première fois en français.

Cette année, le prix couronne un détonnant roman paru au Japon en 1962, Le passe-partout de Masako Togawa. Une intrigue qui se joue des codes du roman noir avec un sens parfait de la subversion.

La résidence K est une résidence pour femmes célibataires. Chacune entretient derrière la porte de son appartement un jardin secret, Lorsque le passe-partout de la résidence disparaît et que les secrets si bien gardés risquent d'être révélés, cette micro-société se trouve bouleversée. Et plus personne n'est à l'abri...

Le passe-partout, c'est un savant mélange de fausses pistes, de dissimulation, de flash-back, de jalousies. Une intrigue malicieuse et pleine de zones d'ombre, parfaitement dépaysante, qui nous fait découvrir une autrice aux multiples talents. Méconnue chez nous, Masako Togawa est un mythe au Japon. Elle écrivit pas moins de cent romans, tout au long d’une vie haute en couleur. Masako Togawa, née à Tokyo en 1931, a embrassé plusieurs carrières, tour à tour romancière, actrice dans des films noirs, chanteuse de cabaret. Grande figure de l'avant-garde culturelle japonaise, proche de Mishima, Oshima ou Kawabata, elle a illuminé les nuits de Tokyo avec panache!

Alors oui, "Le passe-partout" est MÉMORABLE!

 

Retrouvez ici les romans couronnés par le Prix Mémorable.

 

Denoël, traduit du japonais par Sophie Rèfle, 19 euros btn commande